Estonien
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Bibliographie
Bibliographie
Dictionnaires bilingues
- CHALVIN Antoine (dir.), Dictionnaire fondamental estonien-français, Tartu : Presses de l'Université de Tartu & Association franco-estonienne de lexicographie, 2023, 759 p.
- GDEF (Grand dictionnaire estonien-français), en cours de rédaction, plus de 38 000 articles accessibles : http://www.estfra.ee
- Taskusõnastik : prantsuse-eesti, eesti-prantsuse = Dictionnaire de poche français-estonien, estonien-français. - Tallinn : TEA Kirjastus, 2002. - 640 p.
- KANN Kallista, KAPLINSKI Nora : Eesti-prantsuse sõnaraamat. - Tallinn : Valgus, 1979. - 601 p.
- KANN Kallista : Prantsuse-eesti sõnaraamat. - Tallinn : Valgus, 1968. - 563 p.
- LAFFRANQUE Julia, LAFFRANQUE Rodolphe : Dictionnaire juridique français-estonien, estonien-français. - Tallinn : Juura Õigusteabe AS, 2002. - 443 p.
Grammaires et présentations de la langue
- CHALVIN Antoine : Grammaire estonienne. – Paris : L'Asiathèque, 2023, 380 p.
- SIVERS Fanny de : Parlons estonien : une langue de la Baltique. - Paris : L’Harmattan, 1993. - 214 p.
- SUTROP Urmas : La langue estonienne. - Tallinn : Institut estonien, 2002. - 27 p.
- ERELT Mati (ed.) : Estonian language. - Tallinn : Estonian Academy Publishers, 2003. - (Linguistica Uralica Supplementary Series ; 1). - 412 p.
- HASSELBLATT Cornelius : Grammatisches Wörterbuch des Estnischen. - 2e édition. - Wiesbaden : Harrassowitz, 2001. - 176 p.
- VALMIS Aavo, VALMIS Lembetar : Lihtne eesti keele grammatika = Эстонская грамматика для всех. - Tallinn : TEA, 2001. - 239 p.
Méthodes de langue, manuels
- CHALVIN Antoine, RÜÜTLI Malle, TALVISTE Katre : Manuel d’estonien. – Paris : L’Asiathèque, 2011. – 254 p.
- KINGISEPP Leelo & KITSNIK Mare : Teach Yourself Estonian. - London : Hodder & Stoughton, 2008. - 360 p.
- MOSELEY Christopher : Colloquial Estonian : a complete language course. - London : Routledge. - 231 p.
- PESTI Mall, AHI Helve : E nagu Eesti : eesti keele õpik algajaile. - Tallinn : TEA kirjastus, 2001. - 267 p.
Littérature
- CHALVIN Antoine : « La littérature estonienne ». In : DELAPERRIÈRE Maria (dir.) : Histoire littéraire de l’Europe médiane des origines à nos jours. - Paris : L’Harmattan, 1998. - pp. 75–89.
- CHALVIN Antoine : « L’évolution de la littérature estonienne depuis le rétablissement de l’indépendance ». In : Estonie, Lettonie, Lituanie : dix ans d’indépendance recouvrée, Paris : INALCO, 2002. - pp. 167-179.
- HASSELBLATT Cornelius : Geschichte der estnischen Literatur : von den Anfängen bis zur Gegenwart. - Berlin : De Gruyter, 2006. - 869 p.
Histoire
- MINAUDIER Jean-Pierre : Histoire de l’Estonie et de la nation estonienne. - Paris : ADÉFO/L’Harmattan, coll. Bibliothèque finno-ougrienne, 17, 2007.
- BERTRICAU A. (dir.) : L’Estonie : identité et indépendance / édition française réalisée sous la direction d’Antoine Chalvin. - Paris : L’Harmattan, 2001. - 364 p.
- MILJAN Toivo : Historical Dictionary of Estonia. - Lanham, Md. : Scarecrow Press, 2004. - 624 p.
- RAUN Toivo U. : Estonia and the Estonians, Updated 2nd ed., Stanford (Calif.) : Hoover Institution Press, 2001. - 366 p.
La langue estonienne
La langue estonienne
L’estonien est la langue maternelle d’environ un million de locuteurs. Langue officielle de la république d’Estonie, il est également parlé par une importante diaspora, en Suède, en Amérique du Nord, en Australie... Comme le finnois, il appartient à la branche fennique des langues finno-ougriennes. L’influence allemande l’a profondément marqué.
Histoire
Au XIIIe siècle, des noms propres estoniens sont mentionnés dans la Chronique d’Henri le Letton et dans des rôles d’impôt danois. On ne possède cependant de textes suivis qu’à partir de 1524. Au XVIIe siècle, deux langues littéraires se constituent à partir des dialectes du Nord et du Sud, et la division du territoire estophone en deux évêchés ne favorise pas l’unification linguistique. En 1739, une traduction complète de la Bible assure cependant la prépondérance de l’estonien du Nord. Au XIXe siècle, le mouvement estophile établit des normes orthographiques et grammaticales ; la littérature profane se développe, avec notamment la publication, à partir de 1857, de Kalevipoeg (« Le Fils de Kalev »), épopée nationale composée par F. R. Kreutzwald. Les premières décennies du XXe siècle seront marquées, sous l’impulsion de Johannes Aavik, par un important mouvement de rénovation de la langue (keeleuuendus), en concurrence avec une vaste entreprise de normalisation et d’enrichissement terminologique dirigée par J. V. Veski.
Phonétique, phonologie, orthographe
L’alphabet estonien est l’alphabet latin augmenté de quelques signes diacritiques : ä, ö, ü se prononcent comme en allemand, c’est-à-dire comme è, eu et u en français ; õ note une voyelle d’arrière, d’aperture minimale et non arrondie ; c’est le u français mais prononcé, comme i, avec les commissures des lèvres tirées vers l’arrière.
L’estonien présente par rapport au finnois d’importantes innovations. Il a perdu l’harmonie vocalique et le nombre des voyelles susceptibles de figurer au-delà de la première syllabe est limité. Les voyelles et la plupart des consonnes peuvent être brèves, demi-longues ou longues (durées 1, 2 et 3). Cette opposition de durée est mal reflétée par l’orthographe : seule la triple série d’occlusives est bien différenciée, encore importe-t-il de souligner que les occlusives simples, qui sont des sourdes douces et non pas des sonores, sont notées par b, d, g, alors que p, t, k notent les demi-longues et pp, tt, kk les longues : kabi « sabot de cheval », kapi (uks) « (porte) de l’armoire » (< kapp « armoire »), (neli) kappi « quatre armoires ».
Pour les autres consonnes, les voyelles et les diphtongues, l’orthographe ne fait pas de différence entre les durées 2 et 3. On a ainsi la durée 1 dans lina « lin », la durée 2 dans linna (plaan) « (plan) de la ville », mais la durée 3 dans (lähen) linna « (je vais) à la ville ». On opposera de même koli « barda, saint-frusquin », kooli (direktor) « (le directeur) de l’école », (kaks) kooli « (deux) écoles ».
À noter aussi qu’il existe en estonien des consonnes mouillées dont la mouillure n’est pas indiquée par l’orthographe : la consonne finale est mouillée dans kann « jouet », hall « gris », mais non mouillée dans kann « pichet », hall « gelée blanche ».
L’accent tonique tombe en règle générale sur la première syllabe : Eesti vabariik « République estonienne ». Dans de nombreux mots d’emprunt, l’accent d’origine est cependant conservé : revolutsioon, oktoober, probleem.
L’alternance intersyllabique
À l’alternance consonantique du finnois l’estonien a substitué une alternance intersyllabique beaucoup plus complexe et morphologiquement significative. En finnois, le génitif singulier, de même que l’accusatif 1, sont formés par adjonction d’une désinence -n construite sur le thème vocalique du nom ; cette adjonction peut, en fermant la syllabe, entraîner d’une manière toute mécanique le passage du degré fort au degré faible d’une occlusive située en amont : finnois tupa « chaumière », gén. tuvan. En estonien, l’usure phonétique a entraîné la disparition de la désinence -n et l’opposition formelle, lorsqu’elle existe, peut n’être marquée que par l’alternance : tuba « pièce, chambre » gén. toa. L’alternance, de phonétique, est devenue morphologique. En estonien elle ne concerne pas seulement les occlusives, mais pratiquement tous les phonèmes, y compris les voyelles et les diphtongues. L’alternance peut être qualitative (tuba/toa) ou quantitative (kapp/kapi) ; dans ce dernier cas, elle peut être « visible » (degré faible dans le génitif kapi mais degré fort dans le nominatif kapp ainsi que dans le partitif et l’illatif kappi) ou « invisible », c’est-à-dire non reflétée par l’orthographe (degré faible dans linna (plaan), mais degré fort dans (lähen) linna). Les degrés, bien que liés à la durée, doivent être distingués de celle-ci. Certains mots présentent dans leur paradigme une alternance à trois degrés : toa (plaan) « (le plan) de la chambre », tuba (on tühi) « la chambre (est vide) », (lähen) tuppa « (je vais) dans la chambre ».
S’ajoute à cela que cette alternance n’est plus tributaire du caractère ouvert ou fermé de la syllabe. Bien que sa structure phonétique soit comparable à celle de tuba, le mot saba « queue » n’est pas soumis à l’alternance et son génitif est identique à son nominatif.
Dans de nombreux mots, le génitif se distingue en outre du nominatif par le maintien de l’ancienne voyelle thématique tombée au nominatif. En finnois le nom du chien est au nominatif koira, au génitif koira-n ; en estonien le nominatif est koer, le génitif koera.
Ajoutons encore que si en finnois une occlusive intersyllabique est soumise à l’alternance consonantique quelle que soit sa position par rapport à l’accent, en estonien seul le « bloc intersyllabique » située à la sortie de la syllabe accentuée est soumis à l’alternance intersyllabique. En finnois, le génitif de isäntä « patron » est donc isännän ; en estonien, celui de isand (même sens) est isanda. Remarquons toutefois que l’alternance suit en estonien la syllabe accentuée quelle que soit la position de celle-ci dans le mot : ainsi dans identiteet « identité » génitif identiteedi.
Morphologie et syntaxe
L’estonien ignore la catégorie du genre. Il ne possède pas non plus d’articles, encore que certains pronoms semblent de plus en plus appelés à en jouer le rôle.
La fonction du nom dans la phrase est indiquée par un suffixe casuel. La langue dispose également d’un jeu très riche de postpositions et de prépositions employées en combinaison avec les cas. Ceux-ci sont au nombre de 14 : nominatif, génitif, partitif, illatif, inessif, élatif, allatif, adessif, ablatif, translatif, terminatif, essif, abessif et comitatif. La déclinaison estonienne rappelle en gros celle du finnois, mais certains cas du finnois manquent en estonien et inversement.
La déclinaison de l’adjectif est la même que celle du substantif. L’adjectif épithète s’accorde en cas et en nombre au substantif qu’il détermine.
Les noms de nombre se déclinent également. Il en est de même des pronoms.
Le système verbal est également comparable à celui du finnois, en dépit des différences entraînées par l’évolution phonétique. Il n’existe à l’indicatif que deux temps simples, le présent et le prétérit, ainsi qu’un passé composé et un plus-que-parfait. L’estonien est plus pauvre en formes verbo-nominales (quatre participes et deux infinitifs), mais possède un mode indirect (ou mode « oblique ») sans équivalent en finnois. La principale innovation réside dans un système très complet de particules verbales quasiment identique à celui de l’allemand.
La syntaxe est fortement marquée par l’influence allemande, notamment en ce qui concerne l’ordre des mots. On remarque aussi des convergences avec le russe.
Lexique
Le vocabulaire, très composite, est globalement plus « international » que celui du finnois. Là où le Finnois dit lokakuu, ongelma, vallankumous, l’Estonien, nous l’avons vu, dit oktoober, probleem, revolutsioon. De nombreux finnismes ont pourtant été imités ou acclimatés, notamment dans la langue littéraire. Les néologismes comme kunstnik « artiste », dérivé par adjonction d’un suffixe russe sur un mot allemand, ne sont pas rares.
Jean-Luc Moreau
L’estonien aux Langues O’ : aperçu historique
L’estonien aux Langues O’ : aperçu historique
L’enseignement de l’estonien débuta aux Langues’O dans les années 1930, à l’initiative d’Aurélien Sauvageot, titulaire de la chaire des langues finno-ougriennes.
Le premier enseignant semble avoir été Valter Niilus (1913-1978), qui était arrivé à Paris en 1936 avec une bourse d'étude et aurait donné des cours d'estonien à cinq étudiants pendant une année universitaire. À son départ de Paris, les cours s'interrompirent, jusqu'à l'arrivée en 1938 d'Aleksander Aspel, sur un poste de lecteur ou de répétiteur.
L’enseignement de l’estonien était alors consacré par un diplôme en trois ans.
Après le départ d’Aleksander Aspel (1946), l’enseignement fut assuré pendant une année par Jenny Neggo-Vyssokotsky, avant que celle-ci ne quitte à son tour la France. L’enseignement de l’estonien s’interrompit ensuite pendant deux ans. De 1949 à 1951, les cours furent assurés par Tamara Kann-Ainsaar, qui dut s’interrompre pour des raisons de santé. En 1951-1952, le pasteur Ilmar Ainsaar la remplaça. Une nouvelle interruption de deux ans suivit, jusqu’à ce qu’Aleksander Aspel, revenu des États-Unis, rétablisse l’enseignement en décembre 1954. En 1959, Vahur Linnuste, exilé estonien venu de Suède, fut recruté comme chargé de conférences.
Le diplôme d’estonien fut à nouveau délivré, jusqu’en 1971, année où furent créés pour les langues enseignées aux Langues’O différents diplômes d’établissement, parmi lesquels le Certificat de langue et civilisation (CLC, en deux ans), le Diplôme unilingue de langue et civilisation orientale (DULCO, en trois ans) et le Diplôme supérieur (DS, en quatre ans). Pour l’estonien, le faible nombre d’heures de cours ne permit pas de mettre en place un DULCO et seul le Certificat de langue et civilisation fut alors délivré.
Après le départ en retraite de Vahur Linnuste (1990), le Professeur responsable des langues finno-ougriennes, Jean-Luc Moreau, assura l’intérim pendant une année en donnant un cours optionnel de grammaire estonienne dans le cadre du diplôme de finnois.
L’année suivante, un cursus d’estonien fut rétabli, débouchant sur le Certificat de langue et civilisation. Les cours pratiques étaient assurés par Malle Talvet, chargée d’affaire du gouvernement estonien en France et boursière du gouvernement français, tandis que Jean-Luc Moreau se chargeait de l’enseignement de la grammaire.
Après le départ de Malle Talvet (1994), plusieurs étudiants estoniens boursiers du gouvernement français assurèrent successivement les cours pratiques : Tiiu Grünthal (1994-1996), Tanel Lepsoo (1996-1997 et 1998-1999), Lembe Lokk et Meelike Naris (1998), Marek Tamm (civilisation, 1998-1999). Des chargés de cours intervinrent également dans l’enseignement, soit pour pallier l’absence momentanée d’étudiant boursier, soit pour assurer des cours plus spécifiques : Antoine Chalvin (1994-1998), Jean Pascal Ollivry (1998-1999), Suzanne Champonnois (Histoire des pays baltes, Histoire de l’Estonie).
À la rentrée 1999, le recrutement d’Antoine Chalvin sur un nouveau poste de maître de conférences en langues et littératures estonienne et finnoise permit la mise en place d’une troisième année et la création d’un DULCO d’estonien.
Les boursiers estoniens ont été par la suite : Marge Käsper (1999-2000, premier semestre), Marrit Sink (2001-2002), Viivian Jõemets (2002-2003) ; les chargés de cours : Krista Pikkat (à partir du 2e semestre 1999-2000), Sigrid Kristenprun (2000-2003).
À la rentrée 2003, l’arrivée d’une lectrice rémunérée par le gouvernement estonien, Malle Rüütli, permit la création d’un diplôme supérieur (4 années d’études).
La réforme dite "LMD" permet un nouveau développement des enseignements d’estonien. À la rentrée 2006, un parcours "estonien" est mis en place dans le cadre du master d’Études européennes de l’Inalco. À la rentrée 2007, c’est au tour de la licence d’estonien de voir le jour. Cette année-là, Malle Rüütli est remplacée par une nouvelle lectrice, Katre Talviste. Jean-Luc Moreau, parti en retraite, est remplacé par Eva Toulouze, recrutée sur un poste de maître de conférences en langues et littératures finno-ougriennes. Le DULCO est remplacé par trois diplômes d’établissement distincts, constitués par les enseignement fondamentaux des trois années de la licence. Le diplôme de 4e année est rebaptisé "Diplôme approfondi".
En 2011 voit le jour le premier manuel d’estonien destiné aux francophones, conçu par Antoine Chalvin, Malle Rüütli et Katre Talviste sur la base des matériaux pédagogiques élaborés pour les besoins des cours de l’Inalco (Manuel d’estonien, éditions l’Asiathèque, collection Langues-INALCO). La section d'estonien retrouve un poste de professeur des universités, occupé par Antoine Chalvin.
De 2012 à 2017, le poste de lecteur est occupé par Viivian Jõemets.
À la rentrée 2014 est mise en place une formule d'enseignement à distance de l'estonien, combinant des cours en ligne sur la plate-forme Moodle et une participation au cours d'expression orale en visioconférence.
À partir de la rentrée 2017, la nouvelle lectrice est Merit Kuldkepp, et le cursus d'estonien bénéficie du recrutement de Katerina Kesa sur un poste de maître de conférences en civilisation de l'espace baltique. Eva Toulouze, nommée pour cinq ans membre senior de l'Institut universitaire de France, doit renoncer à assurer les cours d'explication de texte, qui sont repris dans un premier temps par Jean Pascal Ollivry (2017-2018), puis par Antoine Chalvin. Les étudiants à distance sont désormais plus nombreux que les étudiants en présentiel.
Merit Kuldkepp est remplacée à partir d'octobre 2021 par Riina Roasto.
Sources
- Bernard Le Calloc’h, article dans le livre du bicentenaire des Langues O’.
- « Eesti keel Pariisi ülikoolis. Jutuajamine Prof. Alexander Aspeliga », Meie Kodu, 31 mars 1955.
- Aleksander Aspel, « Hommage estonien à Aurélien Sauvageot », in Vingt-cinq ans d’enseignement en France des langues finno-ougriennes, Paris, 1958, p. 29-30.