Cycle de conférences "La place de l'Islam en Asie"
Contrairement aux idées reçues, la grande majorité des musulmans ne vivent pas dans les pays arabes, mais en Asie. Selon une étude du Pew Research Forum publiée en 2011, le continent rassemble aujourd’hui plus de 62% des fidèles. Ils sont 200 millions en Indonésie, pays qui compte le plus de musulmans au monde et qui sera détrôné par… l’Inde en 2050. Et pourtant, ces musulmans trop souvent qualifiés de « périphériques » sont souvent absents de la littérature consacrée à l’Islam et dans la sphère médiatique française.
Cet Islam ou plutôt « ces Islams » d’Asie n’échappent pas aux grandes questions d’actualité. Comment se fondent-ils dans la démocratie ? Comment s’adaptent-t-ils au gigantesque essor économique des pays asiatiques ? Pourquoi certaines minorités musulmanes sont-elles persécutées en Chine, en Inde ou en Birmanie ? Comment ont évolué les violences à dimension religieuse aux Philippines, en Indonésie ou au Sri Lanka, et les organisations djihadistes sud et sud-est asiatiques s'inscrivent-elles dans une perspective globale ou prioritairement régionale ?
Prenant le temps de perspectives historiques, sociologiques et politiques, ce cycle de trois conférences animées par des chercheurs et journalistes spécialistes des pays étudiés peut être regardé en streaming sur le site de France Culture. Ces conférences avaient été retransmises en direct.
1- « Islam en Asie : quelles gouvernances politiques ? »
Dans un sondage publié par Le Monde en 2013, 74% des Français estiment que « l’islam n’est pas compatible avec les valeurs républicaines ». Pour oxygéner le dialogue, un détour par l’Asie est nécessaire où les situations de l’Islam politique varient fortement d’un bout à l’autre de l’Asie.
En Indonésie, où il n’existe pas de religion d’État, la réélection du progressiste Joko Widodo a conforté l’image du pays comme « 3ème plus grande démocratie du monde ». À l’inverse, le sultanat de Bruneï, monarchie théocratique, a scandalisé la communauté internationale en annonçant une application extrêmement stricte de la charia.
La conférence revient également sur le rôle des organisations musulmanes, acteurs très impliqués dans les sphères politiques et sociales. Si certaines d’entre elles, conservatrices, constituent des groupes de pression sur les pouvoirs publics, d’autres s’illustrent par leur promotion du pluralisme religieux et leurs opérations de déradicalisation auprès des populations.
2- « Quel avenir pour les minorités musulmanes en Asie ? »
Les minorités musulmanes d’Asie sont victimes de persécutions croissantes. Les chiffres sont éloquents. En Birmanie, plus de 700 000 Rohingyas ont été contraints de quitter le pays en 2017. En Chine, un million de Ouighours seraient internés dans des camps de rééducation. Enfin dans l’état indien de l’Assam, des milliers d’attaques contre les musulmans ont été dénoncées depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014. Les contextes socio-ethniques et les agendas politiques varient d’un pays à l’autre, mais certaines questions sont communes.
Acculturation, privation de citoyenneté, voire nettoyage ethnique… la conférence analyse les objectifs de ces politiques répressives, tout en revenant sur l’indifférence qu’elles suscitent auprès des populations majoritaires.
3 - « Contextes et filières du djihadisme »
Les attentats commis le 21 avril 2019 à Sri Lanka (plus de 250 morts) ont rappelé que l’Asie n’était pas épargnée par le terrorisme islamiste. De la Jeemah Islamiyah indonésienne aux Philippins d’Abou Sayyaf, la région abrite des organisations djihadistes aux réseaux plus ou moins étendus.
La conférence se penche sur l’ampleur du phénomène, à travers plusieurs questions. Existe-t-il des réseaux djihadistes transnationaux en Asie ? Quelle est la stratégie du groupe État islamique en Asie du Sud et du Sud-Est ? Comment certains conflits locaux se sont confessionnalisés ? Comment les Etats gèrent-ils les radicalisations religieuses au sein de leurs populations ?
Delphine Allès
Professeure des universités en Science politique / Relations internationales
Chercheuse au Centre Asie du Sud-Est (CASE, EHESS/INALCO)