Cordée “Langues et Cultures du Monde”: l’Inalco tend l’oreille à la jeunesse et à l’étranger
A l’occasion des journées du patrimoine culturel immatériel, l’Inalco a accueilli soixante-dix lycéens d’Ile-de-France. Une table ronde intitulée « Migrations » leur a permis de penser la cuisine comme un ensemble de pratiques à la fois individuelles et collectives, liées aux transferts culturels et aux transformations sociales. Ils ont été particulièrement touchés par le récit de Harouna Sow. Celui-ci, devenu chef cuisinier après son arrivée du Mali en 2012, est désormais engagé au sein de l’association Refugee Food.
Je suis aussi issu de l’immigration, et entendre qu’il a accompli son rêve de devenir cuisinier m’a touché au cœur.
Témoignage d'un des jeunes encordés
Les élèves ont aussi eu l’occasion de s’interroger sur leur propre parcours et langues, et ont découvert les documentaires du Grandmas Project : des ateliers qui leur ont ouvert un espace de réflexion sur les processus de transmission des savoir-faire culinaires au fil des générations. La participation des lycéens à cette journée fut à la fois un avant-goût des projets d’enquêtes biographiques et patrimoniales qu’ils mèneront cette année sur le terrain, et l’occasion d’élargir leur regard sur les cultures « étrangères ».
L’étranger était aussi présent en juin dernier lors de la clôture de la Cordée Langues et Cultures du Monde : vingt-trois comédiens originaires d’Afrique, du Moyen-Orient ou encore d’Amérique du sud sont venus jouer à l’Inalco la pièce plurilingue Ubu en Afrique, fruit d’un chantier citoyen mené par le théâtre du Tiroir de Laval.
Inspirée d’Ubu Roi d’Alfred Jarry, Ubu en Afrique se déroule dans un pays imaginaire, quelque part en Afrique, où règne un pouvoir toujours plus tyrannique. Personnages hauts en couleurs, marionnettes géantes et costumes flamboyants, rythme électrique : une scénographie à la fois simple et spectaculaire pour un voyage théâtral, culturel mais aussi linguistique, puisque les chants et répliques sont dits dans une quinzaine de langues différentes.
La mise en scène fait résonner le message porté par la pièce et les comédiens, qui clament haut et fort que la diversité est synonyme de richesse. « Le théâtre, c’est sortir de la misère, permettre que l’autre te regarde. J’aide des gens qui n’ont jamais fait de théâtre et qui ne connaissent pas la France à monter sur scène et à se tenir debout », explique le metteur en scène Jean-Luc Bansard.
La représentation s’est achevée sur des échanges animés entre les comédiens et la salle qui font écho à toutes les actions menées dans le cadre de la Cordée. Ce spectacle était en effet le couronnement d’une année de découverte pour les six cent élèves encordés. Cycles d’ateliers, visites culturelles, rencontres et spectacles : ce programme se veut un espace de découverte et d’expérimentation sur les traces des langues et cultures du monde.
En témoigne les autres invités des trois journées de clôture : le conteur Ange Grah qui a raconté des histoires en nouchi et mandingue, le Trio de Cantadores de Paris et ses chants acoustiques polyphoniques, ou encore Nabil Wakim, journaliste et auteur d’un livre sur la perte de sa langue maternelle, l’arabe, et porteur d’une réflexion sur la question des langues minorées en France. Des journées de clôture riches, exigeantes et plurilingues, à la hauteur de l'engagement des jeunes dans le programme mené depuis trois ans.