Apologie pour le métier d’historien : Quoi de neuf ? ou L’expérience historique et sa sublimation épistémologique

Bloch figure aussi parmi les rares historiens qui nous ont laissé des réflexions systématiques sur la pratique de l’histoire. Ainsi, entre pratique historienne et réflexivité de chercheur, s’insère l’expérience de l’histoire. En effet, sa vie est marquée par les deux guerres mondiales en tant que soldat, résistant et simple individu vivant des temps troubles. Et Bloch en est pleinement conscient. Des tranchées de la Grande guerre il décèle le phénomène de la diffusion des fausses rumeurs et en tire un livre. Quelle étrange coïncidence avec notre monde actuel de la post-vérité ! Durant les sombres années 1939-1943 – où il fut successivement soldat défait, universitaire exclu de l’enseignement en tant que Juif puis réintégré comme professeur à Montpellier, enfin résistant et membre du directoire général des Mouvements de la résistance – il rédige son magnifique Apologie pour l’histoire, ouvrage posthume publié en 1949 par son alter ego, Lucien Febvre auquel il dédie le manuscrit. Quelques lignes de cette dédicace suffisent pour évoquer en nous cet entre-deux de l’expérience historique et de sa sublimation intellectuelle :
« Longuement nous avons combattu de concert, pour une histoire plus large et plus humaine. La tâche commune, au moment où j’écris, subit bien des menaces. Non par notre faute. Nous sommes les vaincus provisoires d’un injuste destin. Le temps viendra, j’en suis sûr, où notre collaboration pourra vraiment reprendre, publique comme par le passé et, comme par le passé, libre. »
En prenant comme point de départ l’exemple de Marc Bloch, cette journée d’étude ne se veut pas un hommage à l’homme qu’il fut, ni une exégèse de son œuvre. Cette rencontre invite plutôt à quelque chose qui s’apparente à un jeu de rôles et repose la question de Marc Bloch : sommes-nous en mesure de proposer des nouvelles apologies pour le métier d’historien ?
Cette journée d’étude est organisée autour d’une double problématique : l’épistémologie de l’histoire aujourd’hui et le vécu du chercheur de métier en temps troubles.
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L’épistémologie de l’histoire aujourd’hui
Comme nous l’avons déjà souligné, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien fait date. Cet ouvrage s’inscrit dans une généalogie qui court de Langlois et Seignobos à Paul Veyne en passant par Henri Irénée Marrou. Hélas, cette généalogie ne comporte pas beaucoup de noms car les historiens confient souvent aux philosophes la réflexion épistémologique sur la pratique historienne même. Nous aimerions susciter une telle réflexion et attendons des propositions abordant des questions comme :
Assistons-nous à des « retours » comme par exemple celui de l’événement, du politique ou du positivisme ?
Y-a-t-il du nouveau dans l’acception de la notion de document ou de trace ?
Comment explique-t-on en histoire aujourd’hui ?
Comment envisage-t-on actuellement la relation de cause à effet ?
Quel est le rôle de la sériation ?
Quelle est la portée des études de cas ?
Quelle est la place du détail dans le raisonnement historien ?
Quelle critique de l’anachronisme ?
Le chercheur intègre-t-il dans sa démarche l’examen de sa propre subjectivité ?
Ces questions ne sont pas exclusives et toute autre proposition interrogeant l’épistémologie de l’histoire sera prise en compte.
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L’historien de métier en temps troubles
A l’heure où des conflits armés bouleversent nos vies dans la chair ou dans l’esprit, où le spectre de la dictature refait surface à des endroits attendus et inattendus, comment les chercheurs vivent-ils l’expérience des temps troubles ?
Quel est leur quotidien intellectuel ?
Quels sont leurs projets en tant que « gens de métier » ?
Répondre à l’appel :
Envoyer un résumé de 250-300 mots décrivant avec clarté la problématique abordée pour une communication de 30 minutes. Les propositions peuvent être en français ou en anglais. Date limite de l’envoi : 31 mai 2025. Réponse de la part des organisateurs : 15 juin 2025. Adresse d’envoi : mihaela-madalina.vartejanu-joubert@inalco.fr , nicolas.pitsos@bulac.fr
Apologie pour le métier d’historien : Quoi de neuf ?
AAC Marc Bloch.pdf (177.6 Ko, .pdf)