Les Langues O’ et la Commune de Paris
Le 8 octobre 1870, le secrétaire général du ministère de l’Instruction publique, Saint-René Taillandier, contacte l’administrateur de l’École, Charles Schefer, pour connaître le nombre de ses membres engagés dans la Garde nationale, qu’il s’agisse de professeurs ou de membres du personnel¹. Cependant, du fait de leur âge, aucune des personnes présentes place Marcelin-Berthelot n’est susceptible d’être mobilisée. L’administrateur, philosophe, souligne néanmoins que « tous concourent à la défense du pays dans la limite de leurs forces et de leurs fonctions² ». Alors que le Collège de France accueille un hôpital militaire, et en dépit des bombardements, les cours se déroulent normalement jusqu’au début de l’année 1871. Dès le 18 janvier cependant, un arrêté interdit aux étudiants de se réunir dans un bâtiment « plusieurs fois touchés par des projectiles ennemis ». Les activités de plusieurs écoles, dont celle des langues orientales³, sont donc suspendues jusqu’en février, deux semaines après la signature de l’armistice par le Gouvernement de la Défense nationale le 29 janvier 1871⁴.
Mais, les troubles ne sont pas terminés et, à la suite de la signature de l’armistice, les habitants de Paris se soulèvent et forment la Commune de Paris, qui sera violemment réprimée par les forces versaillaises. Difficile d’enseigner les langues orientales dans ce contexte tumultueux. La situation qui semblait s’améliorer à partir de février se dégrade rapidement avant une nouvelle période de suspension des cours, du 1er avril au 12 juin 1871. Pendant les semaines qui précèdent les affrontements meurtriers de la « semaine sanglante » (21 au 28 mai 1871), un seul enseignant semble continuer d’assurer ses cours. Il s’agit de M. Sandou Savérirayan Rattinassâmy Udhayar de Patchacaday, chargé de cours, et premier enseignant de tamoul aux Langues O’. Les activités normales ne purent finalement reprendre qu’à partir du 12 juin 1871.
Pour l’École, la période du siège de Paris s’intercale donc entre le décret de 1869 et ceux de 1872 (qui la réforme une nouvelle fois) et de 1873 (qui l’installe à l’hôtel du 2 rue de Lille). D’un certain point de vue, les années 1870 et 1871 constituent donc paradoxalement une sorte de pause dans l’histoire de l’institution.
Article issu de la série de récits historiques Flâneries dans l'histoire de l'Inalco qui met en lumière, chaque mois, un épisode singulier de l'histoire de l'institut.
Références
¹ Lettre du ministère de l’Instruction publique adressée à l’administrateur de l’École des Langues orientales datée du 8 octobre 1870, 62/AJ/1, Archives nationales de Pierrefitte.
² Lettre de l’administrateur de l’École des Langues orientales adressée au ministre de l’Instruction publique, 1870, 62/AJ/1, Archives nationales de Pierrefitte.
³ Arrêté du ministère de l’Instruction publique du 18 janvier 1871, 62/AJ/1, Archives nationales de Pierrefitte.
⁴ Arrêté du ministère de l’Instruction publique du 13 février 1871, 62/AJ/1, Archives nationales de Pierrefitte.