La langue ouzbèke

La langue ouzbèke est la seconde langue turcique la plus utilisée après le turc de Turquie. C’est également la seule langue officielle de l’Ouzbékistan, pays le plus peuplé d’Asie centrale : rappelons que l’ouzbek compte environ 35 millions de locuteurs dans le monde.
Drapeau ouzbek
Drapeau ouzbek © DR‎

On parle l’ouzbek en Ouzbékistan, à l’est du Turkmenistan, au Tadjikistan, dans le nord-ouest de la Chine au nord de l’Afghanistan : là vivent près de 4 millions de locuteurs et la langue a le statut de langue officielle dans ces zones où vit l’ethnie ouzbek. Des groupes importants vivent aussi dans les pays voisins, territoire historique des peuples turcs d’Asie Centrale : un million au Tajikistan, plus de 900.000 au Kyrgyzstan, 600.000 au Kazakhstan, and environ 300.000 au Turkmenistan. 
 
 

Ouzbékistan, carte des langues
Ouzbékistan, carte des langues. Université Laval, Québec. Jacques Leclerc. https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/ouzbekistan.htm © Jacques Leclerc‎




L’ouzbek appartient à la branche çagatay des langues turciques. Le lexique contient de nombreux mots empruntés à l’arabe, au persan et au russe en raison de l’islamisation et de rapports historiques anciens. Les dialectes de l’ouzbek sont nombreux et comportent des caractéristiques du Qarluq, du Qipchaq, et de l’Oghuz, tous dialectes de la même langue.

Jusqu’en 1927, l’ouzbek s’écrivait en alphabet arabe, puis en alphabet latin entre 1927 et 1940, avant que l’alphabet cyrillique s’impose pour cinquante ans. En 1989 lorsque l’ouzbek devient langue officielle, les autorités décident, à la suggestion d’intellectuels locaux, de substituer l’alphabet cyrillique au latin mais la réforme (menée entre 1993 et 1995) a été interrompue et les deux alphabets coexistent maintenant. Dans la vie quotidienne et l’éducation, la population au-delà de trente ans lit et écrit en alphabet latin. Quant à la jeune génération, elle s’est rapidement adaptée aux deux alphabets : la progression de l’enseignement de l’anglais et la domination du russe dans la vie publique explique aussi le phénomène.
 
C’est en 2020 que le président ouzbek, Shavkat Mirziyoev promulgue un décret destiné à accélérer la transition complète vers l’ouzbek en alphabet latin : le décret fixe les grandes lignes de la politique linguistique pour les années 2020-30. En dépit du fait que la population russophone a décliné (d’un million de personnes) au cours des 30 dernières années, la langue russe reste un instrument de communication « inter-ethnique ». Et l’hybridité de la culture moderne a scindé la population ouzbek en deux : une classe développée et une à la traîne, c’est le choix de la langue qui indique le niveau social. L’ouzbek s’est retrouvé marginalisé et dans une situation quasiment néo-coloniale, ceux qui ignorent le russe se retrouvant mis à l’écart culturellement. Mais l’ouzbek se maintient au cinéma, au théâtre et dans le répertoire musical : cependant si l’on analyse la langue des films, on remarque que les dialogues sont majoritairement en dialecte de Tachkent. Cela pousse à une réduction du vocabulaire, à l’utilisation de plus d’argot et de néologismes, bref à une domination des codes urbains.

 

Film ouzbek 1
Film ouzbek 1 © DR‎




En 2016, une nouvelle université d’état de Langue et littérature ouzbek est fondée à Tachkent, l’université Alisher Navoi où l’on promeut les études ouzbek : en 2018, un centre turcologique est ouvert et le nouveau président annonce l’intention de traduire un centaine d’oeuvres de la littérature russe classique afin de contribuer au développement de la langue nationale. Une seconde politique concerne la traduction des classiques ouzbek en anglais.

L'internet et les réseaux sociaux contribuent également aux développements linguistiques : les agences d’information ouzbek kun.uz, daryo.uz, Turon24 et les grandes radios/Tv étrangères comme “Voice of America” et “Sputnik” stimulent un marché compétitif sur Facebook et Instagram : le seul problème est le manque d’unité linguistique, ce qui peut mener à des malentendus, des difficultés de compréhension chez les auditeurs et donne l’impression que l’ouzbek des médias est avant tout transnational, fortement marqué par l’anglais.


Quoi qu’il en soit, un programme de « sauvetage » de la langue ouzbek réclame non seulement d’importants investissements mais aussi des spécialistes de tous domaines, philologues, historiens, juristes, orientalistes et spécialistes de sciences dures et de mathématiques afin de faire émerger une langue ouzbek des sciences. Et bien sûr, il faut encourager le développement de la littérature par des aides aux publications en ouzbek.
 
 
Muyassar KHAYDAROVA
Chargée de cours en ouzbek à l’Inalco
http://www.inalco.fr/langue/ouzbek
 
 

Film ouzbek 2
Film ouzbek 2 © DR‎