AXE 1 : DIVERSITE LINGUISTIQUE PARTAGEE

Coordination : Natalia Bernitskaïa, Antoine Chalvin & Snejana Gadjeva

L’axe Diversité linguistique partagée réunit deux sous-axes consacrés à la transmission des langues, à leur description théorique, à la création de divers supports destinés à leur apprentissage et à l’étude des contacts de langues.

 

STRUCTURE DE L'AXE

Sous-axe 1.1. Transmission des langues, méthodes, corpus, dictionnaires

  • GR 1.1.1. ELAN (Enseigner les langues : approches novatrices)
  • GR 1.1.2. COLLEX (Corpus, logiciels, lexicographie collective)

Sous-axe 1.2. Langues et langages : description et théorisation. Langues en contact

  • GR 1.2.1. Changements et variations linguistiques. Contacts de langues
  • GR 1.2.2. Description et théorisation des langues slaves et finno-ougriennes

 

Sous-axe 1.1. Transmission des langues, méthodes, corpus, dictionnaires

Responsables : Antoine Chalvin & Svetlana Krylosova

Ce sous-axe réunit deux groupes de recherche qui s’intéressent aux enjeux de transmission des langues, en intégrant des approches pédagogiques, lexicographiques et numériques. D’un côté, le projet ELAN explore l'enseignement des langues à travers des méthodes innovantes et des supports adaptés aux besoins des apprenants. De l’autre, le projet COLLEX vise à enrichir les ressources linguistiques en développant des corpus, des dictionnaires et des outils numériques pour plusieurs langues du CREE.

Le sous-axe comprend deux groupes de recherche et implique 8 titulaires : Angelina Biktchourina, Iryna Dmytrychyn, Antoine Chalvin, Snejana Gadjeva, Georges Kostakiotis, Svetlana Krylosova, Polina Mikhel, Irina Nesterenko ; 2 doctorants : Denis Lakine et Antoine Nicolle ; 8 associés : Vincent Bénet, Kaja Dolar, Olena Saint-Joanis, Julieta Rotaru, Natalya Shevchenko, Aurore Tirard, Anatoly Tokmakov, Jeanna Vassilioutchek.

 

GR 1.1.1. ELAN (Enseigner les langues : approches novatrices)

  • L’enseignement de l’oral (Snejana Gadjeva et Georges Kostakiotis)
  • L’interaction entre grammaire et lexique dans l’enseignement du russe langue étrangère (Svetlana Krylosova)
  • Méthodologie d’enseignement de l’ukrainien adaptée à ces publics hétérogènes (Iryna Dmytrychyn et Olena Saint-Joanis)
  • Enseigner les langues de tradition orale : le rromani (d’Aurore Tirard)
  • Manuel de mat russe (Denis Lakine et Antoine Nicolle)
  • Manuel pour débutants en bélarussien (A1-A2) (Jeanna Vassilioutchek)

 

1.1.2. COLLEX (Corpus, logiciels, lexicographie collective)

  • Annotations multiniveaux des données de langue orale en interaction (Angelina Biktchourina et Irina Nesterenko)
  • Développement des ressources en langues ukrainienne et russe pour la plateforme NooJ (Vincent Bénet et Olena Saint-Joanis)
  • Études lexicographiques du rromani Vlax(Julieta Rotaru et Aurore Tirard)
  • Rédaction du Grand dictionnaire estonien-français (GDEF) (Antoine Chalvin)
  • Ressources lexicales collaboratives (Kaja Dolar)
  • Lexicographie et didactique des verbes russes (Svetlana Krylosova et Anatoly Tokmakov)
  • Lexicologie Explicative et Combinatoire du Russe (LEC-ru) (Svetlana Krylosova et Polina Mikhel)
  • Dictionnaire français-ukrainien du vocabulaire non-standard (Natalya Shevchenko)

Mots-clés : didactique des langues ; lexicographie ; corpus ; TAL ; ressources pédagogiques

 

1.1.1. ELAN (Enseigner les langues : approches novatrices)

Responsables : Snejana Gadjeva & Georges Kostakiotis

L’enseignement des langues vivantes et la réalisation de divers supports permettant leur apprentissage est l’une des pistes de recherche principales du présent projet du CREE. Une place importante est réservée aux questionnements liés à l’enseignement de l’oral et de l’écrit en relation avec les autres cours de langue, ainsi qu’à la rénovation et au renouvellement des pratiques et techniques d’enseignement face à un public d’apprenants en constante évolution.

Snejana Gadjeva et Georges Kostakiotis travaillent sur l’enseignement de l’oral, respectivement du bulgare et du grec. Ils abordent plusieurs sujets, parmi lesquels les profils et les besoins des apprenants, la mise en place et la consolidation d’un groupe de travail malgré l’hétérogénéité des étudiants, la mise en pratique du vocabulaire et de la grammaire grâce à des activités en binôme ou en équipe intégrant à la fois les aspects grammaticaux et lexicaux des éléments appris, l’utilisation de ressources authentiques (corpus oraux, outils numériques, documents écrits, données réunies via les réseaux sociaux, etc.) Il est essentiel de distinguer entre les connaissances (vocabulaire, grammaire, orthographe) et les capacités (lire, écrire, s'exprimer à l'oral). Parler une langue implique non seulement d'acquérir des éléments linguistiques, mais aussi de comprendre les dynamiques d'une action langagière. Cela inclut l'interprétation des marqueurs de discours qui ponctuent les échanges et modifient parfois le sens, ainsi que l'identification des structures lexicales et syntaxiques du langage parlé. Cette approche met en lumière l'importance d'une pédagogie qui ne se limite pas à l'énoncé des savoirs, mais qui favorise une intégration des connaissances dans des situations d'apprentissage authentiques.

En se basant sur la Lexicologie Explicative et Combinatoire (LEC) comme cadre théorique et descriptif, le projet de Svetlana Krylosova porte sur l’interaction entre grammaire et lexique dans l’enseignement du russe langue étrangère. Dans la continuité des travaux menés lors du quinquennat précédent, elle élabore des définitions lexicographiques « didactisées » adaptées à l’enseignement universitaire et propose des modules exploitant ces définitions en cours. Pour la période 2025-2029, son attention se porte plus particulièrement sur les définitions lexicographiques des verbes de déplacement russes (orientés et non orientés), du type idti / khodit’. L’objectif est de proposer des définitions à la fois scientifiques et pédagogiques (learner-friendly), ainsi que des modules de travail permettant d’exploiter ces définitions en cours de grammaire. Cette approche vise à aborder ces verbes sous un angle combinant grammaire et lexique, tout en privilégiant la production de la parole.

L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie a entraîné un déplacement massif de populations, poussant de nombreux Ukrainiens à se réfugier en Europe et, pour certains, à intégrer des établissements scolaires et universitaires. Par conséquent, des institutions comme l’Inalco, où l’ukrainien est enseigné comme langue étrangère, accueillent aujourd’hui des étudiants aux profils variés : certains découvrent la langue et la culture, pour lesquelles l’intérêt progresse dans le monde entier, tandis que d’autres les maîtrisent depuis l’enfance. Face à cette situation, Iryna Dmytrychyn et Olena Saint-Joanis développent une méthodologie d’enseignement de l’ukrainien intégrative, adaptée à ces publics hétérogènes. Leur projet vise à proposer une approche pédagogique tenant compte des différences linguistiques et culturelles afin d’enrichir l’apprentissage et de favoriser une meilleure interaction entre les apprenants.

Il est intéressant de se pencher également sur des questions liées à l’enseignement des langues de tradition orale caractérisées par une grande diversité de formes dialectales et ne disposant pas de norme standard. C’est le sujet d’Aurore Tirard qui travaille sur le rromani. Dans ce type de contexte où une langue transnationale est parlée par de nombreux locuteurs non pas dans les limites d’un pays mais dispersés dans le monde, le choix de la ou des variété(s) à enseigner est en soi un sujet de discussion.

Le projet de Denis Lakine et Antoine Nicolle vise à élaborer un manuel consacré au mat russe, un registre argotique et vulgaire du russe, destiné aux francophones ayant atteint un niveau B2-C1. L’ouvrage s’adresse principalement aux étudiants en langue russe désireux de mieux comprendre l’usage et la portée culturelle de ce langage codifié et omniprésent dans la communication informelle. Une attention particulière sera portée à l’ancrage culturel du mat, avec l’intégration d’exemples issus de la littérature contemporaine, du folklore et des médias, illustrant son emploi réel. Sans prétendre à l’exhaustivité, le lexique proposé mettra l’accent sur les termes les plus représentatifs et relativement stables dans l’usage, en adoptant une approche à la fois analytique et pédagogique.

Le projet suivant, porté par Jeanna Vassilioutchek, vise à combler un manque dans l’enseignement du bélarussien comme langue étrangère en proposant un manuel pour débutants (A1-A2), adapté aux francophones. Malgré l’indépendance du Bélarus depuis 1991, le bélarussien reste peu enseigné et méconnu en France. Son statut de « langue en voie de disparition », reconnu par l’UNESCO, contraste avec la richesse de son histoire et de sa littérature. L’actualité récente (manifestations de 2020, guerre en Ukraine, exil) suscite un intérêt croissant pour la langue et la culture bélarussiennes, renforçant la nécessité d’un manuel actualisé. L’ouvrage adoptera une approche communicative et progressive, combinant dialogues, exercices et supports audio. Il mettra en avant la culture bélarussienne à travers des commentaires et documents iconographiques. Ce manuel répond ainsi à l’absence de ressources récentes en français, le dernier ouvrage datant de 1997.

L’enseignement des langues nécessite une approche réfléchie qui intègre les dimensions linguistiques, culturelles et didactiques. En favorisant des échanges authentiques et en articulant grammaire et lexique, les enseignants peuvent enrichir l'expérience d'apprentissage et mieux préparer les étudiants à naviguer dans des contextes linguistiques variés. Ces projets illustrent l'importance de l'innovation pédagogique dans un monde en constante évolution, où la diversité linguistique et culturelle doit être valorisée et préservée.

 

1.1.2. COLLEX (Corpus, logiciels, lexicographie collective)

Responsables : Antoine Chalvin & Olena Saint-Joanis

Le groupe de recherche COLLEX a pour objectif d’enrichir et de développer les ressources linguistiques pour plusieurs langues du CREE, notamment l'estonien, le rromani, le russe et l’ukrainien. À l’intersection de la lexicographie, de la linguistique de corpus, ainsi que de la linguistique formelle et appliquée, ce groupe mène des travaux dans plusieurs directions : publication de dictionnaires inédits, création d’ouvrages pédagogiques, constitution et amélioration de corpus, et perfectionnement des outils existants. Chaque projet de recherche s’intègre dans une démarche collective, où la coopération scientifique joue un rôle central face aux défis en constante évolution des domaines académiques, pédagogiques et technologiques.

Dans leur projet Annotations multiniveaux des données de langue orale en interaction, Angelina Biktchourina et Irina Nesterenko s’attachent à collecter, annoter et analyser des corpus oraux en russe, incluant des interactions spontanées et contrôlées. Trois profils de locuteurs sont pris en compte : natifs, locuteurs du russe comme langue d’héritage et apprenants étrangers. Destinés tant à la recherche fondamentale qu’à la didactique des langues, ces corpus permettront aussi d’identifier les difficultés des apprenants dans une approche comparative. L’étude portera sur plusieurs niveaux linguistiques (prosodie, syntaxe, discours, interaction, mimo-gestualité) et aboutira à un protocole d’annotation facilitant l’analyse des liens entre ces niveaux.

Vincent Bénet et Olena Saint-Joanis, dans leur projet Développement des ressources en langues ukrainienne et russe pour la plateforme NooJ, améliorent les modules de russe et d’ukrainien sur NooJ, un environnement permettant la formalisation linguistique à travers des dictionnaires électroniques, corpus annotés et grammaires formelles. Pour le russe, l’accent est mis sur l’intégration des étiquettes sémantiques du dictionnaire de Tuzov afin d’enrichir l’analyse syntaxique et sémantique. En ukrainien, l’objectif est d’élargir les ressources aux variantes linguistiques (ancien ukrainien, ukrainien familier, suržyk) et de développer WebNooJ.

Julieta Rotaru et Aurore Tirard se consacrent aux Études lexicographiques du rromani Vlax, en s’intéressant à la publication de dictionnaires inédits et à la réédition critique d’ouvrages anciens. Leur travail porte sur la documentation lexicographique des dialectes Vlax parlés en Roumanie. Il prévoit l’édition de dictionnaires manuscrits inédits conservés dans des collections publiques roumaines, ainsi que la réédition critique d’ouvrages lexicographiques du XIXe siècle, notamment ceux de Mihail Kogălniceanu et A. Vaillant. Un volet particulier est consacré à un dictionnaire trilingue du XVIIIe siècle, rédigé par un étudiant théologien rom et conservé à la Bibliothèque universitaire centrale de Cluj.

Antoine Chalvin poursuit, dans le cadre de son projet Rédaction du Grand dictionnaire estonien-français (GDEF), l’enrichissement d’un dictionnaire bilingue qui compte actuellement 39 000 articles en ligne. Son objectif est de finaliser les articles sur les 10 000 mots les plus fréquents de l’estonien. En parallèle, il travaille à l’enrichissement du corpus parallèle estonien-français (CoPEF) par l’ajout de nouveaux textes littéraires. Cette initiative est menée en collaboration avec l’Association franco-estonienne de lexicographie et des chercheurs des deux universités estoniennes.

Kaja Dolar, à travers son projet Ressources lexicales collaboratives, explore la lexicographie collaborative et les bases lexicales en ligne créées par des contributeurs non spécialistes. Son travail vise à mieux comprendre le processus de contribution, les profils des participants et la gestion des données dans ces plateformes collaboratives. Outre une analyse scientifique, l’objectif est de structurer un réseau de chercheurs travaillant sur ce sujet, d’élaborer des outils pratiques (bibliographie, sitographie) et de favoriser le dialogue interinstitutionnel.

Dans leur projet Lexicographie et didactique des verbes russes, Svetlana Krylosova et Anatoly Tokmakov cherchent à optimiser l’apprentissage des verbes russes, en particulier des verbes préverbés. Leur travail aboutira à la création d’un ouvrage pédagogique innovant structuré de manière progressive, évitant les approches trop rigides et axé sur l’expérience des apprenants. Par ailleurs, un travail lexicographique sera mené sur les verbes de déplacement russes en s’appuyant sur la théorie Sens-Texte d’Igor Mel’čuk et les travaux de l’École sémantique de Ju. D. Apresjan.

Svetlana Krylosova et Polina Mikhel développent le projet Lexicologie Explicative et Combinatoire du Russe (LEC-ru)lancé en 2016. Il repose sur deux axes : l’analyse formalisée des unités lexicales en intégrant leurs relations syntagmatiques et paradigmatiquesainsi que la constitution d’un Réseau Lexical du russe (RL-ru). Cette initiative s’inscrit dans une collaboration entre l’Inalco, l’ATILF CNRS et l’Observatoire de linguistique Sens-Texte de l’Université de Montréal. L’objectif est de fournir un cadre structuré permettant une exploitation didactique et une modélisation adaptée aux besoins du traitement automatique de la langue et de l’enseignement du russe langue étrangère.

Enfin, Natalya Shevchenko travaille sur la Mise à jour et publication en ligne d’un dictionnaire français-ukrainien du vocabulaire non-standard. Elle développe une base de données bilingue enrichie, en tenant compte des usages attestés dans les corpus nationaux et sur Internet (forums, réseaux sociaux). L’objectif final est de proposer un dictionnaire collaboratif régulièrement mis à jour et modéré par des spécialistes.

L’ensemble des travaux menés dans le cadre du projet COLLEX reflète une volonté d’innovation et de coopération scientifique au service du développement des ressources linguistiques. En mettant en synergie lexicographie, corpus et outils numériques, ce projet ambitionne d’offrir des ressources adaptées aux besoins actuels des étudiants, des chercheurs et des enseignants.

 

Sous-axe 1.2. Langues et langages : description et théorisation. Langues en contact

Responsables : Natalia Bernitskaïa & Snejana Gadjeva

Ce sous-axe réunit des groupes de recherche engagés dans la théorisation et la description des langues et sur leur évolution interne ou au contact d’autres langues. D’un côté, le projet Changements et variations linguistiques. Langues en contact aborde les transformations dans les langues en lien avec les mutations dans les sociétés qui les parlent, et en tant que conséquences des interactions avec d’autres langues. De l’autre, le projet Description et théorisation des langues slaves et finno-ougriennes se donne comme objectif d’étudier les langues à travers leur histoire ou en se fondant sur divers marqueurs de discours exprimant la subjectivité. Il inclut également un volet d’échange et de coopération entre les chercheurs travaillant en France sur les langues finno-ougriennes. 

Le sous-axe comprend deux groupes de recherche et implique 9 titulaires : Gueorgui Armianov, Natalia Bernitskaïa, Angelina Biktchourina, Antoine Chalvin, Oleg Chinkarouk, Snejana Gadjeva, Svetlana Krylosova, Polina Mikhel, Eva Toulouze ; 1 doctorante : Alia Catherine Satterfield ; 4 associés : Jules Sergei FediuninJean KudelaAurore TirardNatalya Shevchenko.

 

GR 1.2.1. Changements et variations linguistiques. Contacts de langues

  • Les nouveaux urbanolectes bulgares (Gueorgui Armianov)
  • Variations et changements au sein du lexique du russe contemporain (Svetlana Krylosova)
  • Le passage à l’écrit dans les communautés autochtones du Nord sibérien (Khanty) et du Nord américain (Cherokee ou Creek-Muskogee) (Alia Catherine Satterfield)
  • Contacts de langues dans l’Arctique et le Nord sibériens (Dominique Samson)
  • Les effets de contacts des langues dans l’aire linguistique balkanique (Snejana Gadjeva)
  • Description du romani (Aurore Tirard)
  • Étude de l’hybridation en langue sorabe (Jean Kudela)

 

GR 1.2.2. Description et théorisation des langues slaves et finno-ougriennes

  • Les marques de l’attitude énonciative du locuteur exprimée à travers le verbe russe (Natalia Bernitskaïa)
  • La phraséologie pragmatique des interactions orales de type dialogal (Angelina Biktchourina et Polina Mikhel)
  • Les discours judiciaires, administratifs et règlementaires (Angelina Biktchourina)
  • Description systématique des marqueurs discursifs en ukrainien (Oleg Chinkarouk)
  • Le discours politique russe contemporain (Jules Sergei Fediunin)
  • Évolution des normes législatives et des usages de l’ukrainien après 2014 (Natalya Shevchenko)

Mots-clés : changements linguistiques ; contacts de langues ; aspect verbal ; analyse de discours ; énonciation ; pragmatique ; subjectivité

 

1.2.1. Changements et variations linguistiques. Contacts de langues

Responsables : Gueorgui Armianov, Snejana Gadjeva & Dominique Samson

Les langues vivantes évoluent constamment, d’un côté, suite à des variations qui se présentent dans leurs systèmes et, d’un autre côté, suite à des contacts avec d’autres langues. Ces deux sources du changement linguistique fédèrent les recherches menées dans le cadre de ce groupe de recherchequi allient les faits proprement linguistiques à des transformations sociales. La première série de travaux se focalise sur des changements observés de nos jours dans les langues standards comme résultat de leurs interactions avec des variétés non standards et/ou substandards, alors que la seconde série de travaux met au cœur de ses analyses les changements motivés par des contacts linguistiques. Nos projets regroupent des collègues de différentes aires géoculturelles pour une approche pluridisciplinaire (linguistique, historique, anthropologique, sociologique) et pourront donner lieu à des articles ou des Journées d’étude autour des langues.

Dans ses recherches, Gueorgui Armianov accorde une attention particulière aux nouveaux urbanolectes bulgares établis dans un contexte d’expansion constante des grandes villes en Bulgarie. Il affirme que les centres administratifs, économiques et culturels attirent de plus en plus de locuteurs de diverses provenances et deviennent ainsi des lieux de mélange social et linguistique. Par conséquent, il considère que les changements linguistiques contemporains du bulgare reflètent le recul progressif des dialectes régionaux et leur remplacement par des nouvelles variétés linguistiques ainsi que la transition entre langage familier et langue standard. Par ailleurs, dans un champ d’étude restreint, Gueorgui Armianov étudie la présence et l’évolution du lexique non standard dans plusieurs domaines : les médias et la littérature bulgare au cours des cinquante-soixante dernières années ainsi que les dictionnaires monolingues et bilingues modernes bulgares.

Pendant le quinquennat 2025-2029, Svetlana Krylosova poursuit son exploration des variations et changements au sein du lexique du russe contemporain, amorcée par l’étude des phénomènes de désarchaïsation lexicale et d’emprunts seconds. Elle se focalise sur le processus de déterminologisation, en s’intéressant particulièrement aux termes issus de la psychothérapie qui ont récemment migré vers le langage commun. D’après elle, ces dernières décennies, la langue russe a connu une « thérapeutisation » (ou « psychologisation pop »), marquée par l’intégration massive de termes spécialisés liés aux émotions et aux relations humaines dans la langue générale. Ce phénomène, qui illustre les interactions entre langue de spécialité et langue commune, soulève des questions sur le statut, le sens et l’usage de ces termes hors de leur domaine d’origine. Pour mieux comprendre ce processus, Svetlana Krylosova propose une analyse détaillée du fonctionnement de ces unités lexicales dans des contextes non spécialisés, en considérant la déterminologisation à la fois comme un processus dynamique et un résultat linguistique.

Dans son projet de thèse, Alia Catherine Satterfield interroge les éléments pédagogiques des Khanty, un peuple autochtone minoritaire de Sibérie, pendant une période comprenant la genèse d’une langue écrite et allant jusqu’à nos jours. À l’aide d’un corpus composé de ressources variées – manuels scolaires, livres de lecture, documents officiels (recensements, rapports administratifs, etc., mais aussi des témoignages contemporains des Khanty, elle vise à disséquer l’étendue des objectifs des éducateurs, comprendre les besoins et les ressentis des individus autochtones, et évaluer l’efficacité de l’enseignement ainsi que les bénéfices et les dégâts culturels, sociaux et linguistiques engendrés par ce dernier siècle d’apprentissage. Alia Satterfield se propose d’éclaircir ces questions sur une base comparative entre les Khanty, et un peuple amérindien ou, éventuellement, un autre peuple finno-ougrien.

Snejana Gadjeva apporte un regard nouveau sur les effets de contacts des langues dans l’aire linguistique balkanique. S’appuyant sur les avancées d’un projet collaboratif visant l’élaboration d’un Atlas de l’aire linguistique balkanique en ligne (Atlas of the Balkan Linguistic Area Online) auquel elle prend part, elle prolonge sa réflexion sur quelques traits partagés par les langues balkaniques. Ces traits relèvent de différents domaines linguistiques : groupe nominal, phrase simple, phrase complexe et emprunt linguistique. Suivant une approche comparative fondée sur des exemples concrets provenant des langues documentées, elle fait une description des spécificités de chaque trait étudié et de leur étendue dans l’aire linguistique. Dans ce contexte, Snejana Gadjeva étudie de près les caractéristiques du bulgare et du turc dialectal parlé en Bulgarie. Elle portera une attention particulière aux changements motivés par le contact de ces deux langues, mais aussi par les interactions entre variétés standards et variétés non standards.

La problématique centrale dans les travaux d’Aurore Tirard est celle de la description du rromani, caractérisée par l’absence de langues standards et des contacts de langues en permanence. Si sur le plan génétique, il s’agit d’une langue indienne, sur le plan typologique le romani est marqué par plusieurs traits linguistiques balkaniques du fait que la majorité de ses locuteurs vit dans les pays des Balkans et de l’Europe centrale. Ainsi Aurore Tirard s’intéressera aux spécificités du brassage linguistique et culturel que connaît le romani en tant que langue dominée, parlée par une minorité qui en limite l’usage à la sphère privée. Elle se penchera sur les différents facteurs qui expliquent cette situation : la dispersion géographique des Roms, la tradition orale, l’indifférence des locuteurs à la forme écrite, la pluralité et l’absence de coordination dans les tentatives d’harmonisation et de codification. L’absence de territoire compact et d’État commun rend également difficile la mise en place d’une politique éducative cohérente.

Jean Kudela se consacre à l’étude de l’hybridation qui va à l’encontre du courant de réfections lexicales soucieux de retrouver artificiellement la « pureté originelle » des langues « nationales » aux XIXe et XXe siècles. Il souligne le fait que l’hybridation est un phénomène naturel et spontané dû à de multiples causes et affectant toutes les langues. Il se propose de suivre la genèse de ce phénomène en partant d’une langue slave peu répandue, mais exemplaire en ce domaine, le sorabe, et en répertoriant les diverses causes que l’on retrouve dans d’autres langues hors du domaine slave. Selon son étude, les étapes du développement de l’hybridation seraient trois : le processus à partir de l’emprunt ; la dimension du phénomène et son étendue ; les motivations et l’aspect psychologique. Ainsi, Jean Kudela touche le moteur de l’évolution des langues en général, une évolution en rapport avec l’ethnogenèse au départ, et qui n’a cessé de s’exercer depuis.

 

1.2.2. Description et théorisation des langues slaves et finno-ougriennes

Responsable : Natalia Bernitskaïa

Ce groupe de recherche regroupe sept thématiques. Les cinq premiers peuvent être réunis sous une même enseigne, celle de la subjectivité dans les langues et le langage. Ils s’inscrivent en effet dans la tradition linguistique pour laquelle le locuteur se propose comme « sujet ». Cette approche suppose que les langues naturelles possèdent des marques linguistiques de subjectivité, présentes dans le discours et dans le texte. La subjectivité apparaît à travers différents éléments grammaticaux et lexicaux qui permettent de situer le locuteur dans le temps et dans l’espace et de lui attribuer des moyens d’exprimer son état intérieur, ses attitudes et ses croyances. Les deux autres thématiques portent sur des aires linguistiques spécifiques — les langues finno-ougriennes et la langue ukrainienne — et sont respectivement consacrées à l’animation d’un réseau scientifique dédié aux études finno-ougriennes et à l’analyse de l’évolution historique du statut et des usages de l’ukrainien dans le contexte sociopolitique contemporain.

Natalia Bernitskaïa s’intéresse aux marques de l’attitude énonciative du locuteur exprimée à travers le verbe russe (et, plus généralement, le verbe slave). Elle se penche en particulier sur la « supercatégorie » Temps-Aspect-Modalité, en essayant de montrer que le choix des formes aspecto-temporelles reflète l’attitude du locuteur envers les événements relatés. En même temps, N. Bernitskaïa tente de trouver des mécanismes subtils, non évidents, qui regroupent différents éléments de l’énoncé en un seul ensemble cohérent ; dans cette perspective, elle étudie tout particulièrement le fonctionnement du présent-futur. 

Angelina Biktchourina et Polina Mikhel s’intéressent à la phraséologie pragmatique des interactions orales de type dialogal, notamment, aux répliques réactives ou initiatives récurrentes, expressives et / ou évaluatives en étudiant leurs aspects pragmatiques, lexico-sémantiques et syntaxiques. Dans le cadre de leur travail collaboratif, elles ont un projet de création d’un dictionnaire russe-français du « prêt-à-parler » de type conversationnel quotidien et un projet de création d’un corpus parallèle russe-français. 

Angelina Biktchourina a un autre projet qui a pour but d’analyser les discours judiciaires, administratifs et règlementaires, et les stratégies rhétoriques et argumentatives utilisées. Plus spécifiquement, elle continue à étudier l’emploi de termes d’adresse afin de comprendre comment les locuteurs les utilisent pour structurer leurs interactions, exprimer des relations sociales et marquer des dynamiques de pouvoir ou de politesse selon leurs intentions et en fonction des paramètres sociaux. 

OlegChinkarouk consacre son projet à une description systématique d’une trentaine de marqueurs discursifs (notés MD) ukrainiens. Il étudie l’interaction entre le sémantisme propre des MD et le contexte dans lequel ils figurent. Cette interaction peut donner lieu à différents types de variation de leur signification qui seront analysés en détail. Une telle étude des MD demandera la mise en place d’un métalangage spécifique permettant leur description. Un classement des MD en fonction de leurs propriétés sémantiques pourrait être envisagé.

Un autre projet d’Oleg Chinkarouk est consacré aux catégories grammaticales du système verbal ukrainien, notamment aux catégories qui, à son avis, sont présentées de manière insatisfaisante, parfois divergente voire contradictoire, dans les grammaires de l’ukrainien. Il s’agit avant tout de proposer une nouvelle description du gérondif et du participe, puis du plus-que-parfait et des deux futurs imperfectifs. Suivront des études sur le rôle primordial que joue la catégorie de l’aspect à l’infinitif et à l’impératif.

Jules Sergei Fediunin (en coopération avec Natalia Bernitskaïa, Angelina Biktchourina, Polina Mikhel) s’intéresse au discours politique russe contemporain. Ce projet a pour ambition d’associer de manière fructueuse les approches linguistiques et politologiques de l’analyse du discours à travers leurs dimensions syntaxique et sémantique, mais surtout énonciative et interactionnelle. Le discours est à la fois un acte politique, indissociable de la mise en scène de l’orateur, et une représentation du politique. La « matérialité » du discours politique se manifeste à travers l’influence qu’il exerce, mais aussi via des « problèmes » de politique qu’il énonce. En somme, le discours politique est non seulement un instrument de pouvoir, mais aussi un outil de construction de la réalité sociale. Le projet prend pour exemple le discours politique russe contemporain avec pour objectif de proposer des éléments pouvant servir à mieux saisir ses spécificités. Cette démarche suppose une possibilité de comparaison avec des discours politiques relevant d’autres contextes géoculturels.

Eva Toulouze et Antoine Chalvin travaillent sur les langues finno-ougriennes. Ils relancent en 2025, après une interruption de plusieurs années, la tradition des Journées d'étude sur les langues finno-ougriennes (JELFO). La première édition aura lieu en mai 2025 et a comme objectif de faire un état des lieux des études linguistiques finno-ougriennes en France. Trois conférenciers invités interviendront, en plus des conférenciers français qui feront le point de leurs travaux. Sur la base de cette première journée, les rencontres suivantes seront mises en place, avec une périodicité régulière à décider (une fois par an, ou tous les deux ans).

Natalya Shevchenko travaille sur l’histoire de l’ukrainien ; ce projet est la suite de l’étude publiée en 2014-2015, intitulée L’histoire du bilinguisme en Ukraine et son rôle dans la crise politique d’aujourd’hui. Ce nouveau projet développe une analyse de l’évolution de l’ukrainien en Ukraine tant au niveau législatif qu’au niveau de l’usage entre 2014 et 2024. La publication de ce travail est prévue courant 2025.