Soutien à l'ONG Memorial et à l'historien russe Iouri Dmitriev
Institut
Déclaration du Conseil d'administration de l'Inalco
L'ONG russe Memorial International a été dissoute le 28 décembre 2021, puis le 29 sa jumelle "Centre de défense des droits", sur décision de la Cour suprême de Russie puis d'un tribunal de Moscou, au motif,
- pour la première, de prétendues violations de la loi sur "les agents de l'étranger", de "création d'une image mensongère de l'URSS comme un Etat terroriste" (jouant sur le sens du mot "terreur" appliqué à la période stalinienne) ainsi que de "critique des organes du pouvoir de l'Etat",
- et d'apologie « du terrorisme et de l'extrémisme » pour la seconde.
Le caractère absurde et/ou cynique de ces accusations a été souligné unanimement, dans les médias, par la communauté universitaire, en France comme dans les autres pays ayant une forte tradition de libertés académiques : notamment les membres du Bureau de l'association Mémorial France (fondée en 2020), dont l'historien Nicolas Werth, son président, qui a écrit une tribune soulignant la gravité de l'événement, et cet entretien avec la sociologue Françoise Daucé.
Le cas de l'historien Iouri Dmitriev, mentionné ces dernières années dans la presse française par Nicolas Werth et par d'autres membres de la communauté académique, est étroitement lié à la persécution de l'ONG par le pouvoir actuel : sa peine d'emprisonnement a été prolongée le 27 décembre, la veille de la dissolution des deux branches de Memorial. Or son travail, comme celui de la société savante, nous concerne directement en tant qu'universitaires, puisqu'il s'agit de faire la lumière sur, et de conserver la mémoire des crimes du stalinisme, en Russie et dans les autres pays concernés, y compris via le mouvement ouvrier mondial au XXe siècle. Il faut préciser ici qu'à aucun moment, depuis sa création en 1989, l'ONG n'a nié les crimes du fascisme et du nazisme en Europe, ou du militarisme japonais en Asie, ni cherché à les relativiser, comme le prétendent ses accusateurs en Russie aujourd'hui. De son côté, la branche "Centre des droits humains" de Memorial s'efforce depuis sa création en 1991 d'améliorer l'accès au droit des personnes habitant les territoires en crise de la Russie (au Caucase Nord, notamment), et en Asie centrale : une tâche difficile, qui a coûté la vie à la journaliste et militante de l'ONG Natalia Estemirova, en 2009.