Raphaëlle Pache, lauréate du Prix de la traduction Inalco/Vo-Vf 2023
Ce prix lui a été remis le 1er octobre 2023 lors du festival Vo/Vf par Olivier Mannoni, traducteur littéraire et directeur de l’ETL (École de traduction littéraire) en présence des initiatrices du prix, Nathalie Carré et Marie Vrinat-Nikolov (Inalco).
Le public français doit à Raphaëlle Pache de nombreuses traductions d’écrivaines et d’écrivains russes contemporains de grande qualité, notamment dans les genres du roman policier et de la science-fiction qui se révèlent particulièrement adéquats pour mettre au jour des drames, individuels et collectifs, alerter sur des problèmes sociétaux, scandales politiques et écologiques.
Une première lecture des traductions avait permis de pré-sélectionner huit livres qui ont été brièvement présentés lors de la remise du prix.
- Le dernier Afghan d'Alexeï Ivanov, traduit du russe par Raphaëlle Pache (Rivages/Noir)
- Les yeux de l'Océan de Syaman Rapongan, traduit du chinois (Taiwan) par Damien Ligot (L'Asiathèque)
- Le Serpent blanc de Yan Geling, traduit du chinois par Brigitte Duzan (L'Asiathèque)
- La femme du deuxième étage de Jurica Pavičić, traduit du croate par Olivier Lannuzel (Agullo)
- La Sterne rouge d'Antonythasan Jesuthasan, traduit du tamoul (Sri Lanka) par Léticia Ibanez (Zulma)
- Les Portes de la Grande Muraille de S.X., traduit du chinois par Emmanuelle Péchenart (Zulma)
- L'été jaune de Mahir Ünsal Eriş, traduit du turc par Noémi Cingöz (La Reine Blanche)
- En mémoire de la mémoire de Maria Stepanova, traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard (Stock)
Le dernier Afghan est un grand texte qui a suscité l’admiration et l’enthousiasme de ses lecteurs : il évoque, comme son titre l’indique, les « Afghans », ces jeunes soldats soviétiques rescapés, envoyés au casse-pipe en Afghanistan où ils côtoient quotidiennement la mort, la peur et l‘horreur. Peu aimés par la population, ils érigent une micro-société qui s’entraide dans tous les aspects de la vie quotidienne, dans la Russie de Gorbatchov puis post-soviétique. Animé par un véritable souffle romanesque, c’est un roman à portée politique et sociale, ample (plus de 600 pages) et fort bien maîtrisé avec sa structure non linéaire, ses nombreux retours en arrière, ses scènes rocambolesques, le retour sur l'horreur de la guérilla en Afghanistan. Et d’une brûlante actualité dans sa dénonciation de ce que le post-communisme a pu garder de l’époque soviétique allié à l’ultra-libéralisme (mafia, corruption, ravages de l’alcoolisme). Par la grande diversité des registres, les accents un peu céliniens, les passages très poétiques, il réussit dans ce monde noir, violent, désespéré qu’il décrit à introduire des instants de pure beauté : descriptions de paysages, de la jeune Tatiana et de sa relation qui la lie à Guerman, le personnage principal.
La mise en perspective des traductions avec les textes originaux a mis en lumière le remarquable travail de traduction effectué par Raphaëlle Pache sur les dialogues et registres de ce texte : langue poétique, descriptions réalistes, images et métaphores qui frappent par leur sensualité et leur tendresse contrastant avec l’univers violent de la Russie des années 1990, mais aussi langue familière, argotique, parlée par différentes classes sociales et générations. Comme l’a souligné cette mise en perspective des deux textes, « la traduction épouse à merveille les différents styles de l’original, en suit le rythme et le flux parfois exubérant, en comprend le « sous-texte », les clins d’œil. L’écriture riche et foisonnante d’Alexei Ivanov a trouvé sa voix, son écho dans la traduction flamboyante de Raphaëlle Pache. »
Le prix de la traduction Inalco - Festival Vo/Vf
Doté à hauteur de 2500 euros, ce prix est destiné à mettre en avant la qualité du travail d’un traducteur ou d’une traductrice ainsi que la richesse de littératures parfois encore peu connues du grand public car souvent moins diffusées. Sont éligibles à ce concours les textes en prose (nouvelles ou roman), publiés au cours des trois années précédant la remise du prix. Les ouvrages traduits par des membres ou des étudiants de l’Inalco ne peuvent être présentés.
Par cette initiative, l’Inalco souhaite mettre en lumière son expertise en matière de traduction, tout comme la reconnaissance du travail du traducteur et de son éditeur dans le dialogue entre les littératures du monde.