Vivre avec la surveillance numérique en Chine. Récits de citoyens au sujet de la technologie, de la vie privée et de la gouvernance

Séminaire organisé par Chloé Froissart (Ifrae-Inalco).
portrait de Madame Ollier-Malaterre
Portrait © Ariane Ollier-Malaterre‎

La surveillance numérique est une réalité quotidienne de la vie en Chine. La monographie Living with Digital Surveillance in China: Citizens’ Narratives on Technology, Privacy, and Governance, récemment parue dans la collection Routledge Studies in Surveillance, explore le sens que les citoyens chinois donnent à cette surveillance et la façon dont ils vivent avec elle. Elle interroge leur imaginaire de la surveillance et de la vie privée à la lumière du contexte historique et socio-politique chinois. Sur la base d’un corpus de 58 entretiens qualitatifs semi-structurés menés en Chine, d’un journal d’observations et d’une revue de littérature interdisciplinaire, Ariane Ollier-Malaterre tente de décentrer les recherches dans le champ de la surveillance, qui sont pour l’essentiel occidentales. Deux constats principaux se dégagent de cette analyse. Tout d’abord, les participants à la recherche tissent un système cohérent de récits angoissants concernant les lacunes morales qu’ils attribuent à la Chine, auxquels répondent d‘autres récits, rédempteurs ceux-là, présentant le gouvernement comme une figure protectrice et la technologie comme une solution à tous les problèmes et une force civilisatrice. De nombreux participants à la recherche voient donc la surveillance et les systèmes de crédit social comme indispensables pour remédier aux problèmes moraux que rencontre la Chine. Pourtant, cet appui à la surveillance se double de stratégies mentales sophistiquées visant à se distancer de l'exposition constante à la surveillance, et les participants expriment de la frustration, de la peur et de la colère. De fortes tensions intrapsychiques caractérisent ainsi l’imaginaire des participants vis-à-vis de la surveillance numérique. L’autrice présente également une réflexion sur le travail de terrain en Chine en tant que chercheure étrangère. Elle discute de ses choix visant à réduire autant que possible ses biais eurocentriques et de ses apprentissages sur les entretiens en contexte de censure politique.

A propos de l'intervenante

Ariane Ollier-Malaterre est professeure de management et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la régulation du digital dans le vie professionnelle et personnelle à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les technologies numériques et les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle dans différents contextes nationaux. Elle a co-écrit plus de 75 chapitres et articles évalués par des pairs dans des revues en management, sociologie, psychologie et systèmes d’information.

Discutants : 
Gilles Favarel-Garrigues, directeur de recherche au CERI.
Chloé Froissart, professeur de sciences politiques à l’Inalco.
Naoko Tokumitsu, maître de conférences à l'Inalco.