Groupe d'étude de philosophie japonaise

Deux conférences organisées dans le cadre du groupe d'étude de philosophie japonaise de l'IFRAE.

10h00 – 10h45 (l’heure au Japon 17h-17h45) Communication suivie de discussion d’une demie heure 

      Ameline GARNIER (M2 Inalco)
 « Questionner le langage philosophique : réflexions autour de Mori Arimasa (1911-1976) »

11h20-12h05 (l’heure au Japon 18h20-19h05) suivie de discussion d’une demie heure 

       IKEGAMI Kôsuke (Doctorant, université de Tôkyô)
« Une réflexion sur la pensée politique de Nakae Chômin (1847-1901) : la fondation des Dialogues politiques entre trois ivrognes »


12h40 :   fin de séance 
Pour le lien Zoom, prière de contacter : takako.saito@inalco.fr  à partir du 22 mai 2024

 

10:00 a.m. - 10:45 a.m. (Japanese time 5:00 p.m. - 5:45 p.m.) Lecture followed by half-hour discussion 

Ameline GARNIER (M2 Inalco)
"Questioning philosophical language: reflections on Mori Arimasa (1911-1976)".

 
11h20-12h05 (Japanese time 18h20-19h05) followed by half-hour discussion 

IKEGAMI Kôsuke (Doctoral student, University of Tokyo)
"A reflection on the political thought of Nakae Chômin (1847-1901): the founding of Political Dialogues between Three Drunkards"

 
12:40pm: end of session 

For the Zoom link, please contact: takako.saito@inalco.fr from May 22, 2024

 

e-mail contact: takako.saito@inalco.frakinobukuroda@gmail.com, arthur.mitteau@univ-amu.frsimon.ebersolt@gmail.com, yukiko.kuwayama@inalco.fr

 

Résumé / Summary

Ameline Garnier, « Questionner le langage philosophique : réflexions autour de Mori Arimasa »

Que peut le langage philosophique ? La question du langage est fondamentalement liée au geste philosophique. Plus que tout philosophe élaborant nécessairement à l’occasion de la formation de son propre système de pensée, un style et un langage qui lui soient propres, Mori Arimasa (1911-1976) aura proposer une prose philosophique unique dans le paysage de la philosophie japonaise de son époque. Délaissant l’écriture académique, il choisit le modèle de l’essai montaignien pour rendre compte de sa quête de l’expérience véritable. Ayant expérimenté avec douleur la difficulté à s’exprimer dans une langue étrangère et ainsi l’écart présent entre les mots et la réalité, Mori thématise l’angoisse qui nait de cette épreuve et lui attribue une fonction existentielle, faisant d’elle la condition de l’avènement de l’individualité. De ce fait, c’est par la crise du langage qu’il nous est permis de penser pour la première fois notre individualité au monde. A cette angoisse, succède alors la révélation dans la possibilité d’un retour à la véritable expérience de la réalité. Une fois cette expérience advenue, toute la difficulté est de proposer un langage adéquat qui parviendrait à restituer cette aventure spirituelle, sans tomber dans le piège de ce que Mori présente comme un langage superficiel fondé sur un vécu faussement collective, partagé par tous mais expérimenté par personne. L’écriture de Mori constitue de ce fait une proposition dans la recherche de ce langage idéal et se distingue par son caractère performatif. Dans la mise en scène de son intimité, Mori réalise et présente le cheminement vers cette expérience qui, sous la forme d’un pathos, constitue une connaissance de l’état des choses et se saisit par la sensation dans son aspect le plus pur. Se présente dès lors une tension fondamentale dans ce lien entre expérience et langage : si l’expérience véritable transcende le langage institutionnalisé et la logique, comment la saisir autrement que dans l’immédiatement de la perception sensible et peut-on seulement la restituer postérieurement à l’instant de la révélation ? N’est ce pas là annoncer l’échec ou du moins la limitation des prétentions du langage ?

A la lecture des considérations de Mori Arimasa sur un langage qui semble toujours osciller

entre le risque de la superficialité et l’impasse du silence, nous proposons de réfléchir sur la forme et les ambitions du langage philosophique.

 

IKEGAMI Kôsuke 

« Une réflexion sur la pensée politique de Nakae Chômin: La fondation des Dialogues politiques entre trois ivrognes »

Nakae Chômin (1847-1901) est un penseur de l’époque Meiji et est connu comme le « Rousseau de l’Orient ». Ce surnom provient du fait qu’il a en réalité traduit Du contrat social de Jean-Jacques Rousseau en japonais et puis en chinois classique. Il était le personnage de son époque qui comprenait le plus profondément la pensée de Rousseau. Néanmoins on ne peut résumer la philosophie de Chômin simplement comme Rousseauiste car son appréciation de Mencius, son approche du Taoïsme ou encore sa manière de penser néo-confucéenne illustrent bien le rôle majeur qu'ont eu les classiques chinois dans sa formation intellectuelle. Si au Japon, il y a déjà de nombreuses recherches à son sujet, telles que les ouvrages de Ida Shinya井田進也, Matsunaga Shôzô松永昌三 et Miyamura Haruo宮村治雄, il y a toutefois peu de recherches le concernant en langue française, hormis les travaux d'Eddy Dufourmont. De même, l’ouvrage principal de Chômin, les Dialogues politiques entre trois ivrognes, Sansuijin keirin mondô三酔人経綸問答, n’a pas encore été suffisamment analysé, bien qu’il ait été récemment traduit en français. 

En tenant en compte ce statu quo, nous aurons pour but, dans cette présentation, de discuter de sa pensée en soulignant la relation entre ses Dialogues et la pensée française. Puis, nous mettrons cet ouvrage en relation avec d'autres écrits de l'auteur, notamment le Du contrat social, en japonais Minyaku yakkai民約訳解, dont il a fait la traduction, le Kakumeimae furansu niseikiji革命前法朗西二世紀事, livre sur l’histoire française avant la révolution qu'il a édité en 1886, ou encore le Rigaku kôgen理学鉤玄, un traité de philosophie qu'il a publié la même année. En prêtant attention à cette pensée si fertile, nous analyserons ensuite le rapport entre les Dialogues et ces ouvrages. Puis, pour finir, nous clarifierons dans quelle mesure les Dialogues reflètent ses connaissances et sa compréhension de la pensée occidentale et chinoise.