Portrait d’Océane Meena Lleida : étudiante en immersion au Kirghizistan
Océane Meena Lleida, bénéficiaire d’une bourse d'immersion pour le Kirghizistan, revient, dans ce portrait, sur ce qui l’a amenée à s’intéresser à cette région d’Asie centrale, sur son parcours académique et sur l'objet de ses recherches sur place. Cette interview est également l'occasion pour elle de nous faire part des ses ambitions et de ses projets pour l’avenir.
Pourriez-vous vous présenter, ainsi que votre parcours académique ?
Je m'appelle Océane Meena Lleida et je suis étudiante à l'Inalco depuis 2018. Je suis née en France, de parents d'origine afghane. J'ai commencé par une LLCER de hindi, puis j'ai élargi mes connaissances en faisant une licence de Relations Internationales, une LLCER de persan, et à présent, une LLCER de turcologie. J'ai également suivi des cours de linguistique et de langues rares et anciennes à l'ILARA - EPHE (avestique, linguistique des langues turciques, sanskrit, mongol classique…), et j'ai suivi le premier semestre de la licence de mongol de l'Inalco, avant de partir au Tadjikistan. Je suis restée six mois au Tadjikistan, puis j'ai déménagé au Kirghizistan, où je vis actuellement. Vivre dans la région qui concerne mes études et recherches me permet d'apprendre bien plus vite et d'avoir directement accès aux informations voulues. Personnellement, je suis vraiment heureuse de vivre ici et je m'y sens épanouie.
Pourriez-vous nous présenter l’objet de vos recherches ?
Historiquement, les peuples turciques et iraniens ont plus ou moins toujours étés en contact, en tout cas depuis les grandes vagues de déplacement turciques depuis la Sibérie vers l'Asie Centrale, et naturellement, cela affecte de nombreux domaines, dont le langage.
Il y a eu de nombreux mots d'emprunts, mais également des influences grammaticales et syntaxiques entre les langues turciques et les langues iraniennes. On retrouve quelques études à ce sujet sur les langues turciques d'Anatolie et du Caucase (turc, azeri etc.), mais peu dans le cas de langues tel que le kirghiz, le tadjik etc. Or, il y a de nombreux emprunts et ils sont d'autant plus intéressants qu'ils correspondent à des dynamiques de contact spécifiques entre ces groupes. Par exemple, on retrouve de nombreux mots d'emprunts turciques en persan qui entrent dans le lexique de la métallurgie. Or, la métallurgie a longtemps été considérée comme un domaine de prédilection des nomades turciques. D'autre part, on retrouve plus ou moins d'emprunts selon la zone géographique et donc selon les dialectes. Par exemple, le tadjik de Khujand présente de nombreux emprunts, qui ne sont pas présents dans d'autres dialectes.
Ce sont tous ces aspects que j'étudie, ce qui nécessite d'apprendre ces langues, d'être attentive aux différents dialectes et parlers, ainsi qu'aux étymologies des termes, et aux signes qui peuvent indiquer l'origine d'un mot dans sa structure.
Comment avez-vous été amenée à choisir ce sujet ?
Je pensais que je souhaitais consacrer mes recherches et ma carrière future à l'anthropologie, mais à chaque fois que je découvrais un sujet passionnant à étudier, c'était toujours en lien avec les domaines de la linguistique, de la philologie, de l'anthropologie linguistique ou encore de la socio-linguistique. J'ai donc décidé que je me consacrerai aux langues et à ce qui s'y rapporte, et je me suis permise de prendre d'avantage de temps pour l'étude des langues centre-asiatiques (notamment le tadjik et le kirghiz pour l'instant). Le fait de m'intéresser à la fois aux langues turciques, aux langues iraniennes et aux langues indo-aryennes (sous-branche des langues indo-européennes du sous-continent indien) me permet de voir les points de rencontre, les échanges et les influences des unes sur les autres, et à la lumière de l'histoire de ces deux régions (Asie centrale et Asie du Sud). Je trouve cela passionnant.
Pourquoi avoir choisi le Kirghizistan, et la Manas University de Bichkek, pour poursuivre vos travaux de recherche?
Me trouver dans la région que j'étudie et qui me passionne me paraît être une nécessité. J'ai donc tout mis en oeuvre afin de pouvoir venir vivre en Asie Centrale, et je pense y rester pendant plusieurs années encore, tout en restant en contact avec l'Inalco et la vie académique parisienne. L'avènement du distanciel a de positif qu'il m'a permis de continuer à prendre des cours et à suivre la vie académique française depuis Bishkek.
Pour ce qui est du choix d'université, je m'étais déjà rendue à l'université de Manas auparavant, et celle-ci m'avait beaucoup plu. Je trouve que c'est une excellente université, et j'y bénéficie de cours passionnants et variés, enseignés en turc et en kirghiz. J'ai aussi accès à des locuteurs des langues qui m'intéressent pour mes recherches. De plus, l'université, qui est l'une des meilleures de la région, comporte un centre de recherche en sciences sociales sur l'Asie Centrale, ce qui me fournit un excellent contexte de recherche et intellectuel.
Avez-vous des projets après votre mobilité ?
Après cette année universitaire, je souhaite effectuer le master de turcologie de l'université de Manas, ainsi que le master de sciences du langage de l'université Paris Sorbonne Nouvelle, qui est en lien avec l'Inalco et qui est proposé à distance. J'espère être acceptée pour ces deux masters car ils me permettraient de poursuivre mes études et mes recherches dans la direction souhaitée, et d'obtenir un bagage théorique encore plus solide. Bien sûr, je rêve, et ce depuis de nombreuses années, de poursuivre mes études en doctorat, et je commencerai à organiser cela de manière plus approfondie une fois en master. A l'avenir, j'aspire à devenir enseignante-chercheuse spécialisée sur l'Asie Centrale et les questions de linguistique et de philologie. En plus des rapports entre langues turciques et iraniennes, je m'intéresse beaucoup à la langue chaghatai (langue turcique) et aux textes rédigés en chaghatai en Asie du Sud, notamment du XVIème au XIXème siècles durant l'empire Moghol.
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