Lancement du cycle de séminaires inauguraux du programme DÉCRIPT

Cette présentation examine comment la polarisation et la politique identitaire influencent la conception et la mise en œuvre des rôles des OIG. En m'appuyant sur la théorie des rôles, je soutiens que les OIG peuvent être considérées comme des porteuses de rôles, jouant des rôles tels que médiateur, stabilisateur, réformateur ou gardien, en fonction de l'interaction entre les attentes des États membres, les perceptions institutionnelles et les crises externes. La polarisation et la politique identitaire, qu'elles soient internes ou entre les États membres, modifient ces attentes et peuvent générer des pressions en faveur d'un ajustement, d'une adaptation, d'une innovation ou même d'un abandon des rôles. La récente redéfinition des rôles de la politique étrangère de l'Union européenne à la suite de l'invasion russe en Ukraine illustre comment les crises de sécurité ontologiques obligent les OIG à renégocier leur identité et à aligner leurs rôles externes sur les clivages internes en mutation.

En établissant un lien entre la recherche comparative sur les OIG et la théorie des rôles, l'analyse met en évidence deux implications plus larges. Premièrement, la polarisation remodèle l'action extérieure des OIG en limitant le consensus, en produisant des mises en œuvre fragmentées des rôles et en restreignant leur capacité à projeter la stabilité. Deuxièmement, la politique identitaire transforme les OIG en interne, car les récits concurrents sur « qui nous sommes » parmi les États membres se répercutent sur la conception des rôles organisationnels, renforçant parfois la cohésion grâce à des perceptions communes des menaces, d'autres fois approfondissant les fractures internes.

Cette présentation vise à préciser les notions de crise et de récit civilisationnel à partir d’exemples tirés du Moyen-Orient au sens large. Dans un premier temps, on précisera la notion de régime identitaire comme organisation hiérarchique entre groupes (ethnique, religieux). A partir de là, on peut aborder le récit civilisationnel comme forme particulière de récit identitaire dont la particularité est la prétention à donner sens aux évènements dans leur globalité (un méta-cadrage). Ces récits identitaires inspirent notamment la définition d’une politique étrangère (défense des chrétiens d’Orient par exemple) ou des mobilisations transnationales (caricature du prophète et défense de l’islam). Dans un deuxième temps, on abordera les crises qui entraînent une modification des structures sociales. Plus précisément, on montrera comment les conflits d’interprétation des évènements disruptifs permettent la mobilisation de récits concurrents (jihad ou lutte nationaliste en Afghanistan, les évènements de Gaza comme génocide ou défense contre l’islamisme) qui conditionnent la définition des situations et les ressources mobilisables. En particulier, les régimes identitaires sont redéfinis par de nouveaux récits (révolution kémaliste, statut des non sunnites en Iran après la révolution).

Cette présentation examine le tournant civilisationnel observé ces dernières années qui érige l’identité civilisationnelle en discours majeur de la scène internationale. La littérature académique tend de plus en plus à concevoir le civilisationnisme non comme une entité immuable vouée à l’affrontement mais comme une identité flexible et construite politiquement. Ces nouvelles « communautés imaginées » émergent à la fois des discours des élites et des perceptions populaires, soulevant des questions sur l’équilibre entre mobilisation par le haut et identification par le bas. Plus largement, le civilisationnisme fonctionne comme une idéologie contre-hégémonique, contestant l’universalisme libéral et articulant des systèmes alternatifs d’appartenance et de valeurs. Ce papier mettra particulièrement l’accent sur la mobilisation des récits civilisationnels en Russie et en Occident, en soulignant leur rôle dans la construction de la légitimité politique intérieure et dans les confrontations internationales.

Cette séance proposera une conceptualisation du salafisme politique et du souverainisme tels qu’ils se manifestent dans trois pays de l’intérieur sahélien, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Les questions analysées porteront notamment sur la structure narrative des deux discours idéologiques, leurs convergences et divergences, et ce qu’ils révèlent et dissimulent des enjeux de pouvoir – à un niveau aussi bien « événementiel » que structurel (sociologique) – dans les pays concernés.

Cette séance inaugurale du séminaire Indo-Pacifique propose une réflexion pluridisciplinaire et des regards croisés sur les registres culturels et civilisationnels mobilisés dans la région. Elle s’intéressera plus particulièrement à trois notions clés, « civilisation », « culture » et « valeurs asiatiques », qui sont utilisées pour mettre en récit des histoires nationales ou régionales et pour affirmer la singularité de trajectoires politiques. L’enjeu sera d’examiner à la fois la manière dont ces notions structurent des discours et des pratiques, ainsi que leur dimension circulatoire, aux échelles régionale et internationale, entre reprises, appropriations et réinterprétations.