L’idiot comme héros : le processus de la prise de conscience chez Jaroslav Hašek (Osudy dobrého vojáka Švejka za světové války) et Vladislav Vančura (Pekař Jan Marhoul)
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Intervenant
- Alfred GALL, professeur des universités, Université Johannes-Gutenberg de Mayence, Allemagne
Résumé de la manifestation scientifique
La conférence se penchera sur les stratégies de communication dans des textes littéraires qui ont l’objectif de susciter une prise de conscience politique. Deux romans de la littérature tchèque des années vingt du XXe siècle seront analysés sous l’angle de leur intention d’attirer l’attention sur de fausses conditions sociales. Il s'agit d'une part du roman de Jaroslav Hašek Osudy dobrého vojáka Švejka za světové války (Les Aventures du brave soldat Švejk pendant la Grande Guerre), et d'autre part de Pekař Jan Marhoul (Jan Marhoul) de Vladislav Vančura. La clé de voûte de la conférence est le héros central des deux romans (Josef Švejk et Jan Marhoul respectivement). Ces héros sont conçus comme des protagonistes qui agissent inconsciemment dans les conditions sociales existantes. Mais ces conditions sociales sont révélées et par conséquent critiquées précisément à travers les actions du héros inconscient, qui chez Hašek est même ouvertement qualifié d'idiot. Les deux romans mettent ainsi en scène un processus de prise de conscience qui se déroule dans la réception. La prise de conscience se fait donc exclusivement lors de la lecture. Ni Josef Švejk ni Jan Marhoul ne parvient à comprendre les circonstances sociales dans lesquelles ils se trouvent tous les deux. En quelque sorte, les deux textes jouent avec le lecteur, le but étant de mettre en scène, ainsi que de faire comprendre des situations qui demeurent incomprises par les héros des deux romans. L'une des thèses de la conférence est que Vančura se distancie dans la représentation de son héros (Jan Marhoul) du roman de Hašek et de son héros correspondant (Josef Švejk), voire qu'il critique implicitement le roman Les Aventures du brave soldat Švejk en proposant un autre héros inconscient, c'est-à-dire une autre figure de l’idiot.
La différence de point de vue est cruciale pour la dimension politique des deux romans : d'une part, nous avons affaire à des héros inconscients, d'autre part, le processus de prise de conscience se déroule dans la réception, c’est-à-dire dans la lecture. C'est cette différence qui contribue particulièrement au développement de la conscience politique : les idiots représentés dans les deux romans ne permettent pas une identification profonde mais leurs pensées et leurs actions provoquent chez le lecteur un dépassement de la perspective du personnage principal et contribuent donc à comprendre les conditions sociales qui restent incomprises, opaques et impénétrables aux héros. La textualité des romans est dès lors étroitement liée à l’organisation de l’interaction entre la perspective des personnages principaux et celle, bien différente, des lecteurs. En étudiant l'interaction entre ces deux perspectives, nous voulons mettre en lumière la signification de la figure littéraire de l'idiot et contribuer à clarifier la fonction politique de la littérature.
Organisation
- Catherine SERVANT (CREE, Inalco)
- Alena KOTŠMÍDOVÁ (CREE, Inalco)