Portraits
Gulistan Sido, semer les graines de la vie et de la solidarité
Gulistan Sido, semer les graines de la vie et de la solidarité
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Gulistan Sido, je suis kurde de Syrie, originaire de la Montagne kurde « Afrine », une région montagneuse très fertile et fief d’oliviers qui s’étendent à perte de vue, terre de mes ancêtres à laquelle je suis très attachée depuis mon enfance. Nous la considérons comme notre petit paradis. Je suis née en 1979 et à deux ans, j’ai eu la poliomyélite. Avec une mobilité réduite, j’ai été confrontée à plusieurs difficultés dans ma vie. Mais cette situation particulière ne m’a pas empêchée de faire des études. J’ai grandi et fait mes études à Alep, où la scolarisation jusqu’au baccalauréat se déroulait en langue arabe.
Quel a été votre parcours universitaire en Syrie, puis en France ?
J’ai une formation littéraire à la base. J’ai pu lire et découvrir la littérature russe traduite en arabe qui, à l’époque, était abondamment publiée en Syrie. Ensuite, entre 1997 et 2001, j’ai suivi des études de littérature française à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, au Département de langue française de l’Université d'Alep. En 2002, j’ai obtenu un diplôme d’études supérieures littéraires. Mon premier mémoire portait sur le thème de la violence dans le roman La condition humaine d’André Malraux.
En 2006, j’ai poursuivi mes études en France où j’ai fait un Master en lettres modernes à Paris III. J’ai travaillé sur le thème de la sagesse et les figures du sage dans les œuvres d’André Gide. J’envisageais de faire un Master en littérature orale kurde à l’Inalco, mais, après un retour en Syrie en 2008, j’ai eu des difficultés pour revenir en France et ces études ont été interrompues.
Alors, durant cette période jusqu’en 2011, j’ai collecté et enregistré de nombreux textes de littérature orale dans ma région natale et dans le quartier kurde Cheik Maqsoud à Alep. J’enseignais également le français à l’université d’Alep.
Dans le sillage du « Printemps arabe », le soulèvement populaire a commencé en Syrie en mars 2011 et, sous les coups de la violente répression, il s'est transformé en une guerre civile qui s'est rapidement internationalisée. J’ai vécu dix ans de cette guerre qui fait encore rage dans mon pays. Un long exode a commencé pour moi, d’Alep vers Afrine, puis d’Afrine vers les régions d’Al-Jazeera et enfin le débarquement et l’exil en France en octobre 2021. Là, j’ai pu m’inscrire en doctorat à l’Inalco.
Vous êtes lauréate du programme PAUSE et poursuivez votre thèse de doctorat à l'Inalco, sous la direction de Mme Ursula Baumgardt et la co-direction de Amr Ahmed (CeRMI) Sur quels sujets portent vos recherches ?
Aujourd’hui, je suis membre de l’équipe de recherche Plidam (Inalco) et du Groupe de recherche « Oralités du Monde » (ODM). Je m’intéresse aux questions des articulations et des rapports entre les deux modalités d’expressions littéraires orale et écrite. J’étudie les représentations de l’identité et de l’altérité culturelles dans la littérature orale et écrite en kurde.
Depuis 2018, Afrine est occupée par la Turquie. En janvier 2018, la Turquie a commencé à bombarder la ville et après 58 jours de bombardements, j’ai dû partir avec les autres, le 18 mars, vers la campagne et, hélas, je n’ai pas pu sauver ma bibliothèque qui contenait des centaines de livres en plusieurs langues. Fort heureusement, j’ai pu sauvegarder l’archive de mon corpus de littérature orale. Cette archive est pour moi un trésor. Ce corpus de contes oraux constitue le terreau à partir duquel s’articule ma problématique de thèse.
Depuis toujours, je vis à la lisière de plusieurs langues et cultures. Je parle le kurde, l'arabe, le turc, que j'ai appris à Alep, et le français. Ma formation en littérature française et en traduction m'a permis de me pencher sur une œuvre d’Emmanuel Roblès, la pièce de théâtre « Montserrat » dont j’ai achevé la traduction en kurde en 2022.
Dans une interview accordée à Contretemps en juin 2021, nous découvrons que vous étiez très engagée dans la création de l'Institut de langue et de littérature kurde d'Afrine en 2013 et de la première université du Rojava. Pourriez-vous revenir en quelques lignes sur le contexte et les enjeux de l'époque ? Aujourd'hui, quel est le fonctionnement de ces universités et sur quels soutiens s'appuient-elles ?
Sous la pression des populations kurdes qui se sont soulevées, les services de renseignements et l’armée du régime se sont retirés des villes kurdes : Afrine, Kobané et Al-Jazeera. Un an après, le 19 juillet 2012, la révolution du Rojava a démarré. Cette révolution s’est traduite par la construction de nouvelles institutions alternatives sociales et l’émergence d’un vrai mouvement culturel.
En mars 2013, le régime a bombardé le quartier à Alep où je vivais. J'ai dû partir et aller vers Afrine. Les régions kurdes étaient alors sous blocus, complètement isolées. Il était aussi très dangereux de se déplacer entre ces villes et les deux grandes villes, Damas et Alep.
Avec plusieurs universitaires, dans une démarche de se réapproprier notre langue, notre culture qui, depuis toujours, était marginalisée, interdite, étouffée, nous nous sommes regroupés pour fonder, en octobre 2013, le premier institut de langue et littérature kurde « Viyan Amara » destiné à la formation des enseignants en 2 ans. Pour nous, l’enseignement du kurde était un événement important et un tournant historique. En tant que membre fondatrice, j’ai participé à la préparation des matières d’enseignement et à la planification des formations en histoire, grammaire et plus spécialement en littérature kurde, en adaptant la méthodologie acquise dans mon cursus de littérature française.
Créer des universités était un réel besoin pour que les étudiants puissent continuer leurs études. En 2015, une première université voit le jour à Afrine. Trois autres universités suivront : Rojava (2016), Kobané (2017) et Al Charq à Raqqa (2021). Des dizaines de départements offrent des formations dans différentes disciplines (la médecine, l’ingénierie civile et écologique, la pétrochimie, l’agriculture, la langue et littérature kurde, la Jineolojie « science de la femme »...). Ces universités ne sont pas reconnues étant donné le statut politique des régions de l’auto-administration démocratique du Nord-Est de la Syrie. Elles sont financées par l’administration. Plus de 2000 étudiants ont déjà obtenus des diplômes et peuvent soit travailler soit continuer leurs études en Master.
En 2020, avec plusieurs collaborateurs, vous initiez le programme écologique "Tresses Vertes" au Rojava. Pourriez-vous revenir sur la genèse de ce projet, ses objectifs et réalisations ?
Gulistan Sido et ses partenaires. Pépinière de Rojava / Qamishlo
L’association des Tresses Vertes est une initiative écologique populaire née en octobre 2020 dans ce contexte de guerre. Lancée par une équipe de 8 personnes issues de différentes régions du Rojava, elle est basée à Qamișlo et est active dans la région du Nord-Est de la Syrie. Le projet a commencé sur une base de volontariat, sans aucun budget, et avec juste quelques graines récupérées gratuitement. Elle vise à intensifier les efforts de reforestation en mobilisant largement la société civile, et en encourageant, à travers cette mobilisation citoyenne, l’auto-administration et les municipalités à fournir les moyens nécessaires pour faire face aux fortes dégradations écologiques de la région.
Après dix années de conflit armé et de politiques destructrices orchestrées par le régime de Bachar el-Assad dans les territoires de la Syrie, notamment dans la région du « Nord-Est de la Syrie », il a fallu trouver des solutions alternatives pour faire face à de véritables catastrophes sociales, humanitaires et écologiques.
Les investissements dans des champs pétroliers, l’imposition de monocultures intensives de céréales et l'interdiction de planter des arbres ont contribué à l’avancée du désert, à l’asséchement des cours d’eau et à la pollution de l’air. Les populations, non seulement privées d’eau potable, sont également aujourd’hui confrontées à l'augmentation de maladies respiratoires et de cancers.
* En Syrie, 80% des patientes atteintes de cancer viennent du nord/est. * Il n’y a que 1,5% d’espaces verts au Rojava, alors que les recommandations internationales sont de 10 à 12%. * Au moins cinq rivières au Rojava sont aujourd’hui à sec. Par conséquent, une très grande variété de plantes a disparue. |
L'association des Tresses Vertes a pour vocation de tisser à nouveau des liens avec la vie grâce à la création de pépinières. C’est un acte de résistance. Par cette initiative bénévole, nous aspirons à préparer 4 millions de semis de différentes variétés d’arbres à replanter en 5 ans dans l’ensemble de la région.
Les objectifs spécifiques du projet sont :
- Consolider la capacité de reproduction de plants du projet Tresses Vertes, notamment sur la nouvelle pépinière de Qamishlo. Nous sommes épaulés et soutenus par la Fondation Danielle Mitterrand et la municipalité de Lyon.
- Renforcer la sensibilisation écologique au Nord-Est Syrie, et plus particulièrement une culture de soin des arbres.
- Contribuer à l’accompagnement technique et au renforcement des capacités du projet des Tresses Vertes à travers des échanges avec des spécialistes
- Contribuer à préserver/rétablir des écosystèmes sains et une diversité biologique.
Atténuer la pression psychologique causée par la guerre en impliquant les habitants de la région dans le projet.
Partie d’une pépinière de 17 000 arbres cultivés sur un petit terrain prêté par l’Université du Rojava à Qamishlo, l’association a fait essaimé de nouveaux groupes de bénévoles et jusqu'à 10 pépinières dans les villes de Kobanê, Amuda, Derbasiyê, Tell Tamer, Hassakeh et Raqqa. Afin d’augmenter la couverture végétale tout en respectant les équilibres naturels, on a choisi des essences d’arbres adaptées aux écosystèmes locaux. On verra bientôt fleurir cyprès, pins de Beyrouth ou d’Alep, tilleuls et grenadiers dans toute la région d’Al-Jazeera. L'objectif, ambitieux, est de recouvrir 10% du territoire du Nord et de l'Est de la Syrie.
Accompagnée par un conseil scientifique, l’initiative se poursuit avec la création de cinq nouvelles pépinières de plus grandes capacités. En promouvant la participation des habitants et habitantes des territoires, les Tresses Vertes font de la mobilisation populaire le moteur de leur ambition : régénérer des milieux de vie sains et vivants dans le Nord-Est de la Syrie. Dans les écoles et les lycées, les organisations de la société civile, les communes, le travail collectif est favorisé à travers des campagnes de sensibilisation aux enjeux écologiques et des formations.
Jardin de l'Université de Rojava (Qamishlo)
Ce programme est lauréat du Prix de la fondation Danielle Mitterrand 2022, avec quatre autres initiatives locales et populaires de la région du Nord-Est de la Syrie. Quel soutien représente ce prix pour les acteurs du projet ?
Ce prix nous a été décerné dans le cadre du réseau JASMINES (Jalons et Actions de Solidarité Municipalisme et Internationale avec le Nord-Est de la Syrie) initié et conçu par la Fondation Danielle Mitterrand. Ce réseau soutient les projets démocratiques, écologiques et alternatifs menés par la société civile au Rojava et au Nord-Est de la Syrie et œuvre à construire des ponts d’amitié et de coopération. C’est grâce à ce programme que la ville de Lyon nous a offert la première aide financière pour développer et pérenniser notre projet.
Ce prix représente pour nous une reconnaissance de ces projets. Cette distinction que nous avons méritée montre l’importance et la valeur des projets réalisés. Le prix vise à les rendre plus visibles. Il nous ouvre de nouvelles portes de soutien et de solidarité et nous prouve que nous ne sommes pas seuls et abandonnés.
Quelles sont les interactions entre ces différents programmes de la région ?
Le point commun entre ces différents programmes alternatifs est le contexte de guerre et d’embargo dans lequel ils se développent. Chaque programme représente une façon d’agir et de faire résistance. Ils se complètent et sont très vitaux dans le sens où chacun d'eux essaie de trouver des solutions et cherche à améliorer la situation. L’écologie, l’émancipation de la femme et son rôle dans la démocratisation des esprits, la réorganisation de la société et la construction d'infrastructures vitales sont des besoins essentiels pour subsister et trouver des réponses collectives locales.
Aujourd'hui, comment les populations locales font-elles face aux exactions commises par la Turquie sur leur territoire ? Sur quels soutiens pourraient-elles compter pour mener à bien ces projets ?
Face aux menaces intérieures (l’existence des cellules dormantes de l’Etat islamique) et extérieures (les attaques et les exactions commises par la Turquie), l’auto-administration démocratique du Nord-Est de la Syrie et les populations qui vivent sous sa bannière « Kurde, Arabe, Syriaque et Arménien » comptent tout d’abord sur leur propre force militaire, les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui ont pu vaincre l’EI en 2017. Leur attachement aux valeurs portées par leur projet démocratique est basé sur un nouveau paradigme : la fraternité des peuples, la liberté et l’égalité homme-femme.
Les populations comptent également sur le soutien des grandes forces internationales qui croient aux mêmes valeurs et qui défendent les droits de peuples à l’autodétermination. Elles espèrent une prise de position plus ferme de la part de ces forces contre les attaques aériennes turques qui ont ciblé les infrastructures et les ressources de vie. C’est à travers la construction des ponts d’amitié, de solidarité et par le renforcement des relations de coopération avec les organisations et les associations de la société civile que les projets peuvent être soutenus et perdurer.
Présentation en images des premières pépinières du projet Tresses Vertes / Green Trees
Guillaume Gibert, passionné de langue finno-ougriennes et traducteur de vespe (Carélie)
Guillaume Gibert, passionné de langue finno-ougriennes et traducteur de vespe (Carélie)
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
J’ai tout d’abord étudié les lettres classiques en me spécialisant dans la linguistique des langues anciennes. Ce parcours et notamment la préparation à l’agrégation de grammaire m’a permis de côtoyer différentes langues qui m’ont ouvert une première fenêtre sur la richesse de la diversité des langues. J’ai ensuite rédigé une thèse en linguistique latine et j’enseigne depuis les lettres classiques dans un lycée.
Racontez-nous votre parcours à l'Inalco ? Quelle(s) aires culturelles et langue(s) étudiez-vous ?
Après mon doctorat, j’ai commencé à apprendre le finnois grâce au manuel On tie… et en prenant des cours avec une finnoise à Lyon. J’étais très intéressé par le fonctionnement de la langue, par sa « musique » et par cette aire culturelle. Les langues « sœurs » du finnois, et en particulier l’estonien, ont aussi suscité ma curiosité. Je me suis procuré le Manuel d’estonien (A. Chalvin, M. Rüütli & K. Talviste, Inalco) et j’ai été touché par les poèmes proposés dans ce livre et par la musique de la langue. Lorsque j’ai découvert que la section d’estonien proposait une formation à distance, j’étais très content, c’était une chance car je pouvais ainsi suivre des cours universitaires et je me suis inscrit. Dès la première année, j’ai beaucoup appris. Pouvoir assister aux différents cours de langue orale à distance était très enrichissant parce que je pouvais échanger avec les autres et pratiquer la langue. La formation est stimulante, je poursuis mon apprentissage (je suis actuellement en DLC4) de cette langue passionnante où, par exemple, les consonnes et les voyelles peuvent avoir trois longueurs.
Comment avez-vous "rencontré" la langue et la culture vepse ?
En faisant des recherches sur les langues fenniques, j’ai lu qu’une langue, le vepse, avait été appelée « le sanskrit du finnois » et cette expression m’a intrigué. Lors de mes études de lettres classiques, le sanskrit était souvent mentionné, en particulier dans le cadre de la grammaire comparée des langues indo-européennes. J’ai donc voulu en apprendre plus à propos de ce « sanskrit fennique » qu’était le vepse. J’ai commencé à approfondir mes lectures d’articles et j’ai commandé une grammaire vepse, en vepse, un livre de lecture vepse utilisé à l’école primaire et un dictionnaire vepse-russe. Je me suis mis ainsi à étudier la langue tout d’abord par curiosité, puis les particularités de la langue elle-même, comme les formes réfléchies dans la conjugaison ou l’absence d’alternance consonantique dans la déclinaison, m’ont intéressé et donné envie de l’apprendre de manière plus approfondie. J’écoutais également la radio vepse sur internet et je regardais différentes émissions proposées par la télévision de Carélie. Avec le temps, je comprenais mieux et j’écoutais et lisais donc davantage. Un jour, j’ai trouvé le journal vepse Kodima sur internet avec l’adresse mail de la rédaction en dernière page. Je rêvais de rencontrer quelqu’un avec qui je puisse échanger dans cette langue. J’ai donc (timidement) essayé d’écrire en vepse à l’adresse mail du journal pour demander des conseils dans l’apprentissage de la langue. Galina Baburova, une journaliste, m’a très vite répondu et nous avons commencé à correspondre.
Plus tard, je me suis rendu à Petrozavodsk pour la rencontrer et c’était très émouvant de pouvoir enfin parler en vepse. Les gens étaient charmants et, dans le groupe d’amis de Galina Baburova, se côtoyaient les langues vepse, russe et finnoise. La Carélie est ainsi passionnante pour ce mélange de cultures et d’influences. La nature est également très belle, l’architecture et le travail du bois, au musée vepse à Šoutjärv ou sur l’île de Kiži sont des trésors culturels.
Vous êtes traducteur. Comment vous est venue cette vocation ?
La traduction, en tant qu’« acte », oblige à se confronter au plus près avec une autre langue, à prendre conscience de cette altérité, à l’observer « à la loupe » et à regarder les détails qui font la richesse d’une langue. Mais traduire est également créer dans sa propre langue, en trouvant, si possible « du même ». C’est ce mouvement d’immersion dans une langue différente et de création dans sa propre langue que je trouve intéressant.
Vous venez de traduire Le chant de l'ours, une épopée vepse de Nina Zaïtséva parue en novembre 2021 aux éditions Boréalia. Qu'est-ce qui a déterminé votre désir de traduire ce texte en français ?
Quand je me suis procuré le texte, j’étais intrigué par le fait que l’on puisse encore écrire en 2012 une épopée. J’avais en tête les repères que sont les épopées d’Homère et le Kalevala. J’ai tout d’abord effectué une première traduction pour lire et comprendre le texte. J’ai été étonné parce que cela ne correspondait pas à mes représentations et à mes « repères épiques », c’était « autre chose ». C’était aussi un accès privilégié vers le cœur de la culture vepse. Je trouvais le texte beau : la langue est musicale, les voiks* (les chants de lamentation) ont une grande force expressive et le texte présente une diversité poétique remarquable grâce à différents types de vers. C’est une œuvre singulière qui touche également par sa belle simplicité. C’est la volonté de partager ce texte donnant une ouverture sur la culture vepse, largement méconnue, qui m’a incité à traduire le texte en français. Antoine Chalvin m’a ensuite dirigé vers Émilie Maj et les éditions Borealia.
*Lecture d'extraits de l'épopée vepse (à partir de 4.20mn) par Nina Zaiceva
Parlez-nous de votre expérience dans le travail de traduction de ce texte (et plus généralement...)
C’était parfois difficile mais j’ai eu la chance de travailler avec Pierre Présumey qui a une grande expérience dans la pratique de l’écriture poétique. C’est lui qui a eu l’idée d’utiliser l’hépta-, l’octo- et le décasyllabe, à partir de mes premières traductions, ce qui a permis de rendre au texte français la diversité métrique de l’original vepse. Nous avons repris plusieurs fois le texte, vers à vers pour la prosodie et la métrique, puis je revenais au texte vepse avec le texte français en regard pour noter les points de langue à corriger puis nous retournions au texte français, vers à vers. C’était un travail linguistique et poétique stimulant pour nous deux.
Nina Zaiceva m’a également beaucoup aidé. Quand j’avais des questions, je pouvais lui écrire et elle m’expliquait certaines expressions, certaines formes dialectales ou certaines métaphores. Le cours de traduction littéraire de l’estonien m’a aussi beaucoup apporté parce qu’il permet de comprendre ce qu’est la traduction littéraire.
Quelle expression de la culture vepse a été particulièrement difficile à traduire ?
Nina Zaiceva aime évoquer une expression vepse imagée : vauged uni, littéralement « le sommeil blanc », qu’elle a utilisée dans le titre de l’un de ses recueils de poèmes : Vauktan unen süles, litt. « Dans les bras, dans l’étreinte du sommeil blanc ». Valentina Lebedeva, autre auteure vepse, a également consacré un texte au vauged uni. Cette expression n’est pas difficile à traduire littéralement, même si le mot uni peut aussi signifier « rêve ». Ce qui est délicat, voire impossible à rendre en français, est l’expérience à laquelle renvoie cette expression. Vauged uni pourrait être traduit par « nuit blanche », puisque cela désigne le fait de ne pas dormir pendant la nuit, mais en vepse, comme l’explique Nina Zaiceva, il s’agit d’un moment où certes, on ne dort pas, mais pendant lequel, on peut penser à ce que l’on a fait ou à ce que l’on va faire, « converser avec Dieu et lui confier ses pensées »… ce n’est ni un mauvais moment ni associé à quelque chose de négatif, comme le mot « insomnie », autre traduction possible, pourrait le suggérer. Valentina Lebedeva explique, à propos du vauged uni, qu’elle ne dort pas et que les étoiles lui disent alors : Tule tänna ! Libu meidennoks « Viens ici, monte vers nous » ; elle regarde plus précisément l’une d’entre elles qui scintille et prend conscience du passage du temps pour accueillir paisiblement le jour. « Nuit blanche », qui renvoie plutôt à l’absence de sommeil pendant toute la nuit, ou « insomnie », qui est plutôt perçu comme une expérience négative, ne conviendraient pas vraiment. L’expression vepse et toute la poésie qu’elle contient reste donc difficile à traduire.
Avez-vous de nouveaux projets ou désirs de traduction ?
C’est une belle expérience qui donne envie de continuer à traduire. J’ai d’autres textes vepses dont j’ai parlé à Emilie Maj (éditions Borealia) ainsi que des textes sâmes que j’ai traduits et que je lui ai fait passer. Je continue avant tout d’apprendre.
Sophie Hohmann, sociologue sur les questions migratoires dans l'espace post-so
Sophie Hohmann, sociologue sur les questions migratoires dans l'espace post-so
Sophie Hohmann, sociologue spécialisée sur les questions migratoires dans l'espace post-soviétique et responsable du DU Passerelle
Quel est votre parcours universitaire (Inalco et hors Inalco)?
J’ai commencé par faire deux ans de droit, et très vite, il m’est apparu que cette discipline était trop hermétique pour moi. Mon parcours allait en effet s’avérer plus éclectique. Je me suis inscrite à l’Inalco en russe en 1992, puis en persan, que j’ai abandonné deux ans après avoir commencé en raison des chevauchements, il faut se rappeler qu’à l’époque on courrait entre les centres d'enseignement de Clichy (russe) et d’Asnières (persan). J’ai obtenu une licence Culture islamique et civilisation musulmane (CICM) de l’Inalco, puis j’ai validé une maîtrise sur les thèmes de la famille en Ouzbékistan et un DEA sur la situation épidémiologique de ce même pays, sous la direction de Catherine Poujol, professeure d’histoire de l’Asie centrale. C’était les années 1990, des années noires et sauvages. Je suis allée en Russie dès ma première année de russe, j’étais dans la promotion de Monsieur Michel Chicouène, professeur incroyable, inoubliable et d’une grande exigence.
Grâce à une bourse du MAE, je suis partie 6 mois à Tachkent en Ouzbékistan pour mon mémoire de maîtrise (Master 1) où j’ai été accueillie par l’IFEAC (Institut français d’Études sur l’Asie centrale) dirigé à l'époque par l’helléniste Pierre Chuvin. Après la soutenance de ma maitrise, je suis repartie à Tachkent travailler au service culturel de l’ambassade de France. J’ai dirigé un moment l’Alliance française de Tachkent, et celle de Samarcande quelques mois, tout en continuant mes recherches pour mon DEA.
En parallèle, je me suis occupée d’un orphelinat en aidant à l'approvisionnement en médicaments. On avait créé toute une chaîne avec les pharmaciens de Picardie, la région où j’habite, et les pilotes de ligne …je traduisais les notices, j’aidais comme je pouvais, nous élaborions de petits bricolages, seules choses possible à l’époque, nous développions des stratégies…
J’ai beaucoup appris du terrain, et sans l’Inalco et Catherine Poujol, ma professeure sur l’Asie centrale, je n’en serais pas là…Il n’y a pas de hasard dans la vie, à présent nous sommes collègues à l’Inalco au département Eurasie, c’est pour moi un beau parcours !
Avant de commencer ma thèse de doctorat, j’ai passé un diplôme d’épidémiologie et de statistiques appliquées à la biologie (Inserm et École de médecine). J’avais besoin de cette formation pour pouvoir imaginer des enquêtes cas-témoins sur le terrain et pouvoir maitriser le protocole, les questions éthiques et statistiques.
Ma thèse de doctorat effectuée à l’EHESS, sous la direction d’Alain Blum, portait sur les rapports de pouvoir et la santé en Ouzbékistan. Elle est aujourd’hui publiée aux Éditions Petra. J’ai participé à de nombreux projets ANR (CNRS), PHARE (Ined) et fait des consultations pour la Banque mondiale, Sofreco, le ministère du Travail français. J’ai également travaillé au Maroc en milieu rural auprès des populations démunies et dans les centres de santé où j’étudiais les questions d’accès aux soins et les indicateurs de mortalité infantile aussi.
Toujours dans les années 1990, j’ai beaucoup travaillé en Ouzbékistan au moment où les premiers projets de lutte contre le sida se mettaient en place dans les pays d’ex URSS avec les programmes TACIS, et sur les toxicomanies aussi. Bien évidemment, dans ces régimes très autoritaires et/ou illibéraux ces questions n’avaient pas lieu d’exister et les personnes infectées non plus. Avec Médecins du monde, j’ai travaillé aussi sur les groupes à risques, notamment les héroïnomanes au Tadjikistan dans le Haut-Badakhshan à la frontière avec l’Afghanistan.
Pour moi, le terrain est essentiel, il est au cœur de mes recherches et de mes réflexions, de ma méthodologie, les fondamentaux théoriques le sont aussi mais ils ne précèdent pas systématiquement le travail de terrain.
En tant que sociologue, quels sont vos axes de recherche ? Sur quelle(s) aire(s) culturelle(s) travaillez-vous et/ou avez-vous travaillé ?
Mes recherches et activités ont longtemps porté sur les questions de santé, le rapport à la maladie, les différentes pratiques thérapeutiques, qu’elles soient traditionnelles ou non, les acteurs, les stratégies de ces acteurs et leur manière de résister à un pouvoir autoritaire, notamment en Asie centrale et en Russie. J’ai aussi beaucoup travaillé sur les questions sociales et démographiques, les systèmes de protection sociales avec ma collègue Cécile Lefèvre, professeure de sociologie à l’Université de Paris. Nous avons travaillé ensemble sur ces sujets dans les trois pays du Caucase du sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) et sur les questions de mesures de la pauvreté aussi qui sont des enjeux passionnants au plan sociologique. A partir des années 2007-2009, j’ai bifurqué et je me suis intéressée aux migrations de travail étant alors témoin sur le terrain des phénomènes majeurs de migrations économiques entre les pays d’Asie centrale et la Russie. Ces processus ont commencé dès le début des années 2000 et même parfois avant en fonction des pays et des conflits. Depuis presque 15 ans, je me passionne pour ces thématiques, les stratégies des migrants, leurs réseaux, leur mode d’organisation, de décision, les modifications des rapports de pouvoir au sein de sociétés patriarcales, la division du travail, les rapports de genre, les transformations démographiques, le rôle de l’argent (les transferts de fonds des migrants vers leur famille le pays d’origine) qui impose une relecture de l’Essai sur le don de Marcel Mauss d’ailleurs.
À partir de 2014-2015, j’ai été sollicitée pour travailler sur un projet américain, PIRE - Promoting Urban Sustainability in the Arctic (auquel participent aussi les Russes, et les Norvégiens entre autres), financé par la National Science Fondation. C'est un énorme projet portant sur les questions arctiques dans de nombreuses disciplines notamment en sciences dures mais comportant un volet en sciences humaines et sociales dans lequel s’inscrivent mes recherches sur les migrations de travail des populations originaires d’Asie centrale et du Caucase et sur les questions d’identité urbaine dans les grandes villes de l’Arctique russe. Avec ma collègue Marlene Laruelle, ancienne de l’Inalco et dorénavant professeure à l'Université George Washington (Washington DC), nous avons sillonné de nombreuses régions et villes arctiques de Mourmansk jusqu’à la Iakoutie en passant par Norilsk. Ce projet continue et nous avons l’intention, la perspective d’aller faire du terrain dans une petite ville de la Kolyma au bord de la mer des Laptev dans deux ans. Bien entendu, l’épidémie de covid a coupé les chercheurs de leurs terrains, et la Russie n’est toujours pas réouverte aux chercheurs je crois, mais cela permet aussi de prendre du recul sur ses recherches, de prendre le temps de lire, de revenir sur certains apports théoriques mis de côté ou d’en consolider d’autres, de nourrir sa recherche autrement.
Je m'intéresse également au fait religieux et à l’islam, en particulier chez les migrants originaires d’Asie centrale et du Caucase que j’étudie ainsi qu'à l’islam qui représente une ressource non seulement religieuse mais aussi politique et sociale que ce soit en Russie ou en Asie centrale. L’histoire de la relation du pouvoir avec la religion à l’époque impériale, puis soviétique et depuis la fin de l’URSS est absolument fascinante et très complexe. Sur mes terrains arctiques, je me suis passionnée pour l’islam « polaire » et ses traductions aussi bien sociologiques que multiformes.
Dans mes recherches sur l’immigration en ex-URSS, je m’inspire aussi beaucoup des travaux réalisés par des sociologues comme Sayad et Bourdieu, Noiriel pour ne citer qu’eux qui travaillé sur l’immigration algérienne. Je souligne souvent l’importance de mettre en perspectives des situations dans des aires culturelles différentes et pas forcément de comparer mais plutôt d'éclairer une situation par une autre.
Enfin pour terminer ce volet sur l’immigration, thème central de mes recherches, je voulais mentionner qu’avec ma collègue Laetitia Bucaille, nous avons thématisé notre séminaire de Master 1 HSS autour d’un objet de recherche qui est l’usine Renault de Boulogne-Billancourt fermée en 1992 et rasée en 2004. Ce sujet synthétise de nombreuses thématiques de recherches comme l’immigration bien sûr, mais aussi le militantisme, le syndicalisme, les stratégies familiales, la vie quotidienne, le logement, etc. Les étudiants vont donc devoir définir leur méthodologie et travailler soit en archives, soit mener des entretiens avec les anciens, les ouvriers spécialisés, les patrons, les acteurs sociaux, etc. De cette manière, nous nous appuyons sur une diversité de ressources mémorielles et nous allions la théorie méthodologique aux différentes formes de terrain ! Nous avons la chance à l’Inalco de pouvoir mener ce type de projet et il y a un réel intérêt de la part des étudiants.
Le projet "ArmenYouth Rest&Rev" que vous portez avec une collègue de l'Université de Paris est lauréat du prix Emergence Idex. La récente pandémie de Covid-19 a-t-elle impacté (ou impacte-t-elle encore) ce projet ? Quelles solutions avez-vous dû adopter ?
Oui, bien sûr nos terrains ont été impactés par la pandémie, néanmoins lorsque nous avons écrit le projet avec ma collègue Cécile Lefèvre en mai 2020, nous étions déjà dans la crise et nous avions tout à fait conscience de ce qui pourrait se passer en termes de fermeture de frontières et de restrictions. Nous avons donc décidé durant la rédaction d’ajouter un terrain français à Marseille, lieu historique de la formation de la diaspora après le génocide de 1915. Nous avons d’ailleurs réalisé un premier terrain à Marseille au moment du confinement du printemps dernier (2021). Ce qui nous a permis de commencer à réaliser des entretiens filmés (ce projet comporte une dimension visuelle) et à suivre les commémorations du génocide, le 24 avril. Plusieurs autres terrains ont été faits à Marseille ainsi que des entretiens réalisés à l’Inalco avec des étudiants d’origine arménienne.
Par ailleurs, lorsque nous avons rédigé notre projet nous n’imaginions pas un instant qu’une troisième guerre du Karabagh aurait lieu. Cela fait un an que ce conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie a éclaté et nous avons ajouté cette dimension douloureuse et tragique de la vie des jeunes (puisque notre projet s’intéresse aux jeunesses arméniennes plurielles), ceux et celles qui ont été touchés de plein fouet en Arménie par la guerre et ceux de la diaspora qui sont partis pour se battre et /ou aider. Nous nous adaptons donc aux contingences qu’elles soient sanitaires ou géopolitiques.
Je compte me rendre en Arménie à l’automne dans le cadre de ce projet pour faire des entretiens mais cela reste hypothétique.
Vous êtes co-organisatrice du festival Transcaucases qui se déroulera d'octobre à décembre à l'Inalco. Comment êtes-vous impliquée dans ce projet ?
Ce projet est merveilleux, et d’une grande originalité, j’avais participé au précédent festival Transcaucases il y a plusieurs années et je trouve l’idée de mêler le cinéma, la musique, la recherche, les présentations d’ouvrages, les débats, absolument passionnante et innovante. Étant passionnée par le Caucase et sensible aux thématiques dégagées par ce programme d’une grande richesse, j’étais ravie que Taline Ter Minassian (Inalco) me propose de le co-organiser avec elle et Anouche Der-Sarkissian, notre collègue de Nanterre. Je vais présenter plusieurs films et un débat autour d’ouvrages sur les écrivains français ayant voyagé durant les terribles années 1930 en URSS (Caucase et Ukraine). Ce festival est important car il permet de laisser parler de nombreux acteurs sur cette région qui est souvent mal comprise.
Vous êtes responsable du DU Passerelle à l'Inalco. Suite à la campagne de mobilisation Urgence Afghanistan lancée par l'Institut et la Fondation Inalco, vous allez intégrer des étudiants afghans au sein du DU. Quel est votre rôle ? Comment va s'organiser cet accueil ? Quels sont les défis à relever, les espoirs ? Parlez-nous de votre engagement...
J’ai pris la responsabilité du DU Passerelle en septembre 2020 il y a donc juste un an. Ma rencontre avec Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, responsable du DU H2M (Inalco), qui en était la responsable avant moi, a été fabuleuse. Grâce à elle, j’ai pu très vite m’engager dans cette responsabilité. Malgré que nous n'ayons pas beaucoup d’étudiants (20 en tout sur deux ans), il y a une vraie responsabilité et une empathie vis-à-vis des étudiants sélectionnés. À l’inalco, nous donnons une chance à tous les étudiants quelque soit leur statut. Cette année, en juin, nous avons sélectionné 4 Afghans (3 hommes et une femme) qui sont arrivés avant les événements de cet été. Tous sont affectés par la situation, tous ont perdu au moins un parent à cause des talibans. Les Syriens aussi sont très représentés dans le DU, il ne faut pas les oublier.
La prise du pouvoir par les talibans, le 15 août, et les événements qui ont suivi jusqu’à l’attentat et le départ des Américains nous ont laissé très peu de temps pour agir dans l’urgence. Avec plusieurs collègues et la Présidence de l'Inalco, nous avons fait notre maximum en lien avec différentes institutions, le MEAE, le MESRI, etc., pour faire évacuer qui nous pouvions. L’attentat a mis à mal le processus, et ensuite vous connaissez la situation. L’aéroport vient de réouvrir ses vols commerciaux mais les prix des billets sont inabordables qui plus est pour les étudiants.
Nous avons admis à distance dans le DU Passerelle trois étudiants (deux hommes et une femme). Ces étudiants sont toujours bloqués en Afghanistan et attendent un appel comme le message de l’Ange...Je garde espoir pour qu’ils puissent être évacués. Beaucoup de choses se passent actuellement : l’AUF (Agence universitaire de le francophonie), le MEnS (Migrants dans l’enseignement supérieur) sont très actifs et très investis auprès des autorités françaises. Je suis en contact mail quotidien avec l’un des étudiants qui raconte et qui essaie tant bien que mal de continuer à espérer malgré la violence omniprésente dans la société. La Fondation Inalco nous soutient financièrement et se mobilise beaucoup à travers cette campagne pour l’Afghanistan que ce soit pour aider le DU Passerelle mais aussi les chercheurs à risque (programme national PAUSE). Nous travaillons de concert avec la Fondation pour développer d’autres possibilités, l’adaptabilité est absolument nécessaire dans le contexte actuel.
Par ailleurs, nous travaillons beaucoup avec le réseau MEnS et l'AUF qui, grâce à son programme AIMES (Accueil et intégration des migrants dans l’Enseignement supérieur), nous finance en partie et nous soutient beaucoup. Le réseau MEnS compte 42 DU Passerelle, nous avons donc beaucoup réfléchi et agi dès la mi-août à travers ce réseau à répartir les dossiers d’étudiants afghans qui nous parvenaient par la CPU (Conférence des présidents d'universités). Les questions qui seront plus compliquées à résoudre seront sans doute liées au logement comme pour beaucoup d’étudiants, mais nous nous organisons à travers différents réseaux personnels et associatifs. Il faut savoir que si nous parvenons à sauver les étudiants nous ne sauvons pas leur famille la plupart du temps, et cela n' est pas sans conséquence sur la santé mentale de chacun. Nous rencontrons déjà ces problèmes depuis plus longtemps avec d’autres populations originaires d’Afrique et du Moyen-Orient surtout. Nous avons une cellule psy dans le cadre du DU Passerelle et du DU H2M, ce qui nous permet aussi de travailler ensemble sur ces problématiques. À l’Inalco, nous disposons de nombreuses ressources humaines et pédagogiques, et de nombreuses idées. Il y a une véritable disposition humaine et d’esprit à se mobiliser pour aider ces étudiantes et étudiants à trouver une place dans la société, à exister. Cette année nous avons créé un atelier d’écriture pour les étudiants du DU Passerelle et nous souhaitons leur donner la parole, la possibilité de dire, d’écrire, de « faire » les mots et les maux. Nous verrons si, ensuite, de cela sort un projet d’écriture.
La question de l’exil, du rapport à soi et un sujet qui m’anime aussi depuis longtemps, lorsque je travaillais avec les communautés tchétchènes notamment. J'ai par ailleurs été formatrice pour France Terre d’asile et Forum réfugiés pendant des années. Les questions de vulnérabilités ont toujours été au cœur de mon travail et de mes recherches que ce soit à travers la santé, les questions sociales, les migrations… Les défis sont immenses et les espoirs aussi !
Thomas Szende, la recherche tous azimuts.
Thomas Szende, la recherche tous azimuts.
Thomas Szende, vous êtes directeur de l'Unité de Recherche EA 4514 Plidam, responsable de la section d'études hongroises de l'Inalco, membre du Conseil scientifique de l'Inalco et également membre du Conseil d'administration d'Uspc.
Quel est votre parcours ?
Je suis né en Hongrie. De cette enfance, j’ai hérité une insatiable curiosité pour les langues et les cultures, une étrange fascination pour les frontières (chez nous elles étaient fermées). Je voulais être ailleurs et voir autre chose. Je dois énormément à mes professeurs qui me disaient souvent: « Omnia disce. Postea videbis nihil esse superfluum » (Apprends tout, tu verras ensuite que rien n’est superflu).
Et puisque j’ai l’occasion de revisiter mon passé grâce à vos questions, je me rends compte que la majeure partie de mes interrogations scientifiques actuelles provient de mes années scolaires et universitaires. Notre jeunesse, du fait des premières lectures et découvertes, semble établir une ligne de conduite qui ne cesse d’irriguer nos travaux et nos priorités tout au long de notre chemin professionnel et personnel.
J’ai acquis ma formation de professeur dans le cadre d’un triple cursus hongrois-français-russe à l’Université ELTE de Budapest. Après avoir été enseignant à l’Université Paris 3 et à l'Ecole normale supérieure (rue d'Ulm), j’ai été nommé en 1994 maître de conférences de hongrois à l’Inalco. En 1997, j’ai obtenu l’habilitation à diriger des recherches. Depuis 2008, j’occupe un poste de professeur des universités.
Qu’enseignez-vous ?
Rattaché au département Europe, je suis responsable de la section d’études hongroises. J’y enseigne la langue et la civilisation hongroises et la traduction. Je suis également chargé de cours dans les filières « Didactique des langues » et « Communication et Formation interculturelles ».
Quel est le regard personnel que vous portez sur notre établissement ?
Par une chance incroyable, j’ai été recruté à l’Inalco. Cela fait assez longtemps que j’y enseigne – entre joies et déceptions – et j’en suis extrêmement fier. Notre établissement constitue une référence académique planétaire avec son réservoir d’experts hors norme. J’aime particulièrement l’Inalco lorsqu’il remplit ses nobles missions de transmission et de diffusion, lorsqu’il est respectueux de nos compétences sachant nous unir, lorsqu’il est solidaire à même d’ouvrir ses portes devant nous tous.
Autrement, j’ai la conviction d’un continuum entre nos deux casquettes : enseignement et recherche. Dans mon cas : c'est la même incrédulité que suscitent ces deux dimensions de mon métier. « - J’enseigne le hongrois. - Quoi donc ? Le droit ? » « - Je fais des recherches dans un labo de linguistique appliquée. - Appliquée à quoi ? En blouse blanche ? Avec des éprouvettes ? »
Vous êtes directeur de l'Unité mixte de Recherche EA 4514 PLIDAM
Il s’agit d’un observatoire unique : Plidam regroupe des chercheurs, docteurs et doctorants, issus d’origines géographiques et de contextes académiques divers, disposant de données de première main concernant toute une série de langues, de littératures et de civilisations européennes, africaines et asiatiques. On y croise réflexions théoriques et enquêtes de terrain dans le domaine de l’apprentissage, de l’enseignement et de l’usage des langues.
Plus concrètement ?
Je vais vous citer quelques-uns de nos domaines d’intervention. Production de modèles linguistiques à usage d’enseignement ; interrogation des arrière-plans géopolitiques et politiques sur lesquels s’appuient les systèmes éducatifs pour diffuser les langues étrangères ; rôle des langues maternelles, étrangères et secondes dans la construction du lien social ; processus d’acquisition des langues, modalités de construction et d’ évaluation des compétences ; relations enseignants/apprenants, nouvelles technologies dans la transmission des connaissances ; enjeux de la traduction littéraire et spécialisée, statut du lexique, de la culture, des arts et de la littérature dans l’apprentissage des langues ; réalisation d’outils d’enseignement innovants et dématérialisés.
Que signifie pour vous être à la tête d’un laboratoire ?
Il faut jouer un rôle à la fois d'impulsion, d'arbitre et de suivi des projets. Avec l’aide bien entendu de mes deux adjoints, des responsables de nos six axes et de notre responsable administrative. Je pense que tous les directeurs d’équipe rêvent de créer un environnement motivant, où règne une ambiance à la fois conviviale et studieuse : fédérer des chercheurs exceptionnels qui ont besoin de travailler comme des électrons libres, générer des débats scientifiques retentissants, susciter des rencontres applaudies et des publications lues et abondamment citées. Et surtout : avoir le goût du contact humain. Disons autrement : cultiver nos talents, bien des fois, internationalement reconnus. Tous mes collègues méritent une attention particulière, il nous appartient de guider leurs plans de carrière qui se construisent tout au long de la vie.
De quoi êtes-vous satisfait ?
J’ai autour de moi des gens formidables. J’aimerais tellement pouvoir les citer toutes et tous, mais nous sommes une équipe qui ne cesse de grandir. Sans mes collègues, Plidam n’existerait pas. Dans le cas de notre équipe la démarche de recherche prend racine aussi dans la diversité d’origine de nos chercheurs, la variété de leurs codes et rituels. Nos propres trajectoires sont autant de pistes nouvelles pour la réflexion.
Autre chose. Avec opiniâtreté et enthousiasme, nous avons bâti un réseau scientifique international, du Brésil au Japon à travers la Tanzanie et le Maroc. Et j’entends dire de tous côtés que nous sommes devenus un laboratoire « leader » dans notre domaine. C’est pour moi la récompense suprême.
Je dois vous avouer : l’animation de la recherche est une activité jubilatoire entre le bonheur de repérer un étudiant de master, qui abandonnant les perspectives lucratives du « pro », se met à songer à se lancer dans une thèse affrontant le parcours du combattant qui l’attend… et la joie des retrouvailles avec les professeurs émérites pour continuer à mobiliser leur érudition.
Vos difficultés ?
Par l’encadrement de nos jeunes chercheurs en leur apprenant à construire leur parcours avec passion, humilité et détermination, nous portons l’université de demain. C’est une immense responsabilité. Toutefois, la formation des doctorants n’est pas toujours simple.
D’abord, en raison des moyens mis à disposition des jeunes qui sont largement insuffisants, malgré toute la bonne volonté de l’Ecole doctorale. Par ailleurs, je ne sais pas s’il existe une recette pour former les doctorants. De quelle manière réussir à déclencher chez eux l’envie de s’y mettre.
Il faut leur faire comprendre que tout vrai projet de recherche est aussi un projet de vie et qu’il faut coûte que coûte progresser malgré les doutes qui sont inévitables. Doutes sur son sujet, sur ses capacités rédactionnelles face à la pression pour publier, doutes sur l’intérêt d’intervenir dans des colloques où le degré d’écoute du public est parfois symbolique excepté les pauses café, doutes aussi sur son directeur de recherche : saura-t-il vous mettre le pied à l’étrier ? le moment venu, au-delà de son soutien moral, voudra-t-il faire fonctionner son réseau pour vous placer ?
Ajoutons une note optimiste. Faire une thèse demande beaucoup de sacrifices mais l’équipe a vocation à montrer au doctorant qu’il n’est pas seul.
Y-a-t-il une compétition entre chercheurs, équipes et institutions ?
La compétition est féroce pour survivre, et à l’heure où la chance sourit aux vies linéaires, nous accompagnons des chercheurs aux parcours en forme de zig-zag. Nos doctorants, pour la plupart, viennent de loin et ne savent pas toujours où ils vont. La frustration est constante de ne pouvoir exprimer tout son potentiel en raison de contraintes stupidement matérielles. Comment donner le meilleur de soi-même dans un climat de malaise latent quant à l’avenir ? Et après, la thèse en poche, passage obligé pour toute carrière dans un organisme de recherche ou dans le supérieur, comment traduire tout cet investissement en terme d’emploi ?
Plidam est connu pour ses grandes manifestations internationales.
Une douzaine d’ouvrages collectifs sont en cours de publication, dont plusieurs en coopération avec des partenaires à travers le monde dans le prolongement de colloques bilatéraux : Université de Macerata (Italie), Université Herzen de St. Petersbourg (Russie), Université de Mumbai (Inde), Université de Pécs (Hongrie).
Peut-être un mot à propos de notre récent séminaire international d’envergure intitulé « Distances apprivoisées - l’enseignement confiné des langues étrangères », organisé à l’Inalco en juin dernier. Le thème nous avait été livré directement par une sombre actualité sanitaire. La mise en place de classes virtuelles et l’appropriation de nouveaux outils constituent un défi particulièrement délicat tant pour les professeurs que pour les étudiants et les établissements d’enseignement. Afin de tirer les premières leçons de cette expérience inédite, nous avons invité plus de 40 chercheurs issus du monde entier, spécialistes de langues/cultures diverses et exerçant leur métier dans des contextes variés, qui ont accepté de témoigner en ligne. Grâce aux services techniques de l’Institut, toutes les interventions, parfois poignantes sont déjà en ligne, et les actes vont sortir très rapidement aux Editions des archives contemporaines par les bons soins de mes collègues Diana Lemay et Louise Ouvrard.
Sur quoi portent vos propres travaux ?
Mes domaines de recherche recouvrent la lexicologie, la lexicographie, la didactique des langues et des cultures et la linguistique hongroise.
Vous venez de publier une nouvelle monographie en anglais.
Szende, T. (2020), Form, Use, Consciousness : Key Topics In L2 Grammar Instruction, Brussels: Peter Lang (256 pages).
Grâce au dispositif « soutien à la mobilité internationale », j’ai pu passer un semestre à Oxford : bibliothèques, coffee shops et pubs à portée de main. Existe-t-il un meilleur environnement pour finir la rédaction d’un ouvrage sur lequel vous travaillez depuis deux ans ? C’est le moment de remercier le CNRS, le C.S. (conseil scientifique de l’Inalo), ma section et mon département qui m’ont laissé partir.
Votre livre porte sur la grammaire. Est-ce à la mode ?
La grammaire est difficilement contournable. Certes, les modalités d’enseignement varient d’une langue à l’autre. Une langue sans code écrit attesté et sans grammaire institutionnalisée ne s’enseigne pas de la même manière qu’une langue lourdement et historiquement codifiée.
Pensez à l’Inalco, en dépit des différences dans la mise en œuvre pédagogique, chaque section de langue et de civilisation propose à tous les niveaux d’apprentissage des cours axés explicitement sur la grammaire. Ce qui signifie que dans le cadre de notre dispositif prévu pour l’appropriation des langues, une place spécifique et typiquement ‘frontale’ est réservée aux structures linguistiques. De même, la grammaire est l’objet (à peine voilé) des cours de traduction (thème / version) destinés à faire comprendre et à mémoriser les structures de la langue, et aussi de nombreux cours appelés ‘explication de textes’ (souvent littéraires).
Travailler sur les constructions grammaticales ne freine-t-elle pas l’apprentissage ?
Certains pensent que la grammaire fait obstacle à l’appropriation proprement linguistique. Rien n’est plus inexact. C’est en communiquant qu’on parvient à construire une compétence langagière, a-t-on l’habitude de dire. Mais pour échanger dans une langue étrangère, il faut disposer d’outils structurés, et avoir la capacité à repérer la spécificité des constructions exploitées face à d’autres constructions. L’apprenant se lance dans l’aventure de l’appropriation d’une langue nouvelle avec comme bagage obligé sa première langue et les diverses matrices solidement enracinées du fait de sa langue maternelle. Pour exprimer ses pensées, il doit effectuer de multiples opérations : connexion, détermination, quantification, etc. Si l’apprenant a l’ambition de produire et de comprendre des énoncés en langue étrangère, il éprouve constamment le besoin de sélectionner, d’assembler et d’organiser un matériau linguistique nouveau. Et il se rend compte rapidement de ses limites grammaticales.
Êtes-vous passéiste ? Communiquer en langue sans maîtriser la grammaire serait alors inutile
Indéniablement, l’objet grammatical doit être habilement articulé aux impératifs de la communication interpersonnelle. Cependant, le ‘tout communicatif’ n’existe pas. Savoir une langue, c’est savoir comment communiquer adéquatement. La grammaire sert à structurer ses messages et à faire comprendre au mieux ses intentions.
Les méthodes de langue, y compris les plus modernes et les plus contextualisées, se passent péniblement du traitement plus systématique des formes. Pour motiver au maximum l’apprenant, l’enseignant peut faire l’illusion de ‘perturber’ l’itinéraire traditionnel d’apprentissage des langues en partant de séquences utilisables telles quelles dans les échanges quotidiens, de manière à stimuler la participation active des apprenants.
Toutefois, l’apprentissage purement communicatif configuré ‘dans une globalité fonctionnelle’ n’existe pas. A un moment donné, si l’on veut que l’apprenant comprenne l'utilité de produire les formes de façon correcte, nous devrons attirer son attention sur les composantes et sur les modalités d’assemblage de ces composantes au sein de la langue cible.
Mais souvent la grammaire fait peur…
La trace laissée par l'enseignement grammatical est parfois catastrophique. Est-ce lié à la connotation inhibante du concept lui-même de grammaire ? Dans l’imaginaire de beaucoup de nos apprenants, le travail sur les constructions linguistiques en langue étrangère réveille des inquiétudes alimentées par des réminiscences scolaires et notamment le formalisme stérile des repérages et des étiquetages en langue maternelle.
Qui de nous n’a jamais entendu dire dans sa classe de langue : « Oh non, pas ça ! »… La peur des fautes grammaticales entraîne la paralysie interactionnelle, et la grammaire signifie maintes fois : séances d’exercices répétitifs, terminologie multiple et sibylline, tableaux de déclinaison et de conjugaison à apprendre par cœur dont on ne voit guère l’intérêt.
On ne peut guère éluder la question de la représentation du savoir grammatical. Trop souvent, on associe l’apprentissage des langues étrangères à la mémorisation des règles et à leur bonne application, tout en oubliant la portée communicative des faits de langue.
Que conseillez-vous à vos collègues : plus de grammaire, moins de grammaire ?
Rappelons une première chose. Passer d’un système linguistique à un autre nécessite qu’on s’efforce de tenir compte des savoirs grammaticaux que l’apprenant a déjà acquis auparavant en incorporant des données nouvelles dans des schémas existants. L’expression linguistique est intimement liée à l’organisation et à la conceptualisation de l’environnement dans nos cultures. Un rapide exemple : la localisation ne passe pas seulement par une simple traduction de mots ou d’expressions de sa langue maternelle (ou d’autres langues de son répertoire langagier), mais aussi par la compréhension d’un mode de pensée différent qui nécessite la mise en place d’activités pédagogiques réflexives.
A l’évidence, nos apprenants rêvent de s’exprimer ‘sans filtre’ et cherchent à faire partie de la communauté cible. Aussi, tant que la grammaire apparaît en classe comme quelque chose de purement spéculatif, un discours ‘inappropriable’ sur la langue qui n’avoue pas ses fonctions pratiques, les apprenants risquent d’adopter une attitude ambivalente.
La question reste posée. Est-il opportun d’interroger la grammaire à l’heure du communicatif et des tâches sociales ? Je tente de l’expliquer tout au long de mon ouvrage : loin d’être un système abstrait de formes, la langue n’existe que dans des pratiques langagières effectives qui se déploient entre locuteurs réels, dans un environnement physique et social concret. L’opposition binaire ‘faire de la grammaire’ ou ‘agir’ est finalement peu opératoire.
Organisée autour de faits de langue à transmettre, la pédagogie des langues est beaucoup plus que l’identification du contenu linguistique à enseigner en classe. Par exemple, comprendre la grammaire du hongrois est une affaire de linguistes, comprendre la grammaire du hongrois telle qu’elle est appréhendée dans un contexte institutionnel par un étudiant de langue maternelle française de l’Inalco, au début du XXIe siècle, n’est pas une affaire purement linguistique. Bénéficiant de l'interdisciplinarité, et de toute une série d’ouvertures thématiques, l’appropriation des langues tend à inclure les apports de secteurs tels que : linguistique contrastive, sociolinguistique, ethnolinguistique, politique linguistique, psycholinguistique, anthropologie, sémiotique, littérature, etc.
Pour finir, sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je réfléchis sur la manière dont certaines séquences stéréotypées peuvent être décrites et répertoriées. Je reste volontairement flou, car je ne vois pas encore la fin. Et puis, je préfère surprendre mes lecteurs. D’ailleurs, c’est dans l’isolement, en restant confiné chez moi pendant des mois afin de lutter contre la propagation du virus Covid-19, que j’ai eu l’idée de me mettre à écrire un nouvel ouvrage qui semble tomber à pic, illustrant que la langue, outil social puissant et socle fondamental de toute collectivité, est ce qui nous relie à l'Autre.
Abdul-Azam Azizi, interprète-médiateur diplômé du DIU H2M et étudiant à l'Inalco
Abdul-Azam Azizi, interprète-médiateur diplômé du DIU H2M et étudiant à l'Inalco
Abdul-Azam AZIZI est originaire d’Afghanistan, plus précisément de Kaboul. Il est arrivé en France il y a 3 ans. Il est interprète-médiateur diplômé de la 1ère promotion du DIU Hospitalité, Médiations, Migrations (Inalco-Université de Paris) et poursuit ses études à l'Inalco en Relations internationales et en persan. Il est aujourd'hui bénéficiaire de la protection subsidiaire.
Quelle est votre formation initiale ? vos études et/ou profession en Afghanistan.
A Kaboul, J'étais étudiant en 3 ème année de Droit et Sciences politiques quand j’ai dû partir. Je souhaitais devenir professeur à l’Université. Et pour payer mes études, j’étais enseignant d’histoire et de persan (langue et littérature) pour un niveau collège.
Quand êtes-vous arrivé en France ?
Je suis arrivé en France en janvier 2017 à Paris, gare du Nord.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Dès que je suis arrivé en France, j’ai rencontré pas mal de difficultés. Au début, j’étais "dubliné"1. Mes empreintes avaient été prises en Norvège et là-bas, on m’avait refusé le statut de réfugié donc j’avais peur d’être renvoyé de France comme je l’avais été de Norvège. Et si j’étais renvoyé par la France en Norvège, le pays que j’avais fui, c’était risquer l’expulsion en Afghanistan. Je ne savais pas où aller, je ne parlais que quelques mots grâce aux cours de français de mon lycée. J’ai passé une semaine dans la rue avant de réussir à rentrer dans le camp de réfugiés de la Chapelle. J’avais des espoirs car normalement dans le camp, ils donnent de l’aide aux arrivants. Mais après 3 jours, ils m’ont transféré à Tarbes.
Une fois là-bas, environ un mois après, ils ont pris mes empreintes et les problèmes ont commencé. Selon la procédure, pour déclarer ma présence sur le territoire, je devais me présenter au commissariat chaque semaine. Ce que j’ai fait jusqu’à ce qu’un jour, ils ferment les portes sur moi et me disent que je ne pouvais pas repartir cette fois. Ils m’ont transféré au centre de rétention de Toulouse, la dernière étape avant de me renvoyer en Norvège. Je suis resté au centre une dizaine de jours et je me suis présenté au tribunal deux fois, mon dossier a été rejeté à chaque fois donc j’allais être expulsé. J’ai eu un coup de chance car au dernier moment un article a paru plus indulgent envers les réfugiés qui respectaient la procédure.
Cet article autorisait les réfugiés à partir d’eux-mêmes et non contraints par la force. A la dernière minute, j’ai eu droit de me présenter une troisième fois au tribunal et là le juge m’a libéré du centre de rétention. Je suis retourné à Tarbes et j’ai fui à Paris, de crainte de retourner au centre de rétention et d’être expulsé pour de bon. Ensuite j’ai vécu 18 mois dans la clandestinité. Grâce à des amis, je ne dormais plus dans la rue mais je n’avais le droit ni à l’Université, ni au travail, ni à aucune aide. Pour reprendre mes études d’une manière ou d’une autre, j’ai commencé les cours de français dans différentes associations à Paris et en Ile de France. Gräce à ces cours, j’ai enfin réussi à acquérir un niveau débutant en langue française fin 2018.
Comment avez-vous connu l’Inalco ?
Grâce aux bénévoles de l'association ‘la 1011’ qui donnait des cours de français à la MIE Paris 3eme, j’ai entendu parler de l'Inalco. Je n'arrêtais pas de demander de l’aide pour rentrer à l’Université et reprendre mes études alors une bénévole m’a conseillé de me renseigner sur Inalc’ER. Je ne perdais pas ma volonté de revenir à l’Université. Elle m’a parlé d’un programme destiné aux réfugiés et m’a dit d’essayer de déposer un dossier. Elle m’a précisé que c’était une Université de Langues et qu’avec ma maîtrise du persan, je pourrais même étudier là bas en prolongement. J’ai déposé mon dossier, j’ai passé un petit test de maîtrise de langue française avec le directeur d’Inalc’ER et j’ai reçu une réponse positive une semaine après. J’étais si content, c’était le premier système où j’étais officiellement accepté pour suivre des cours officiels dans un espace académique, mon rêve depuis longtemps. Tout cela s’est passé en décembre 2018.
Comment s’est passée votre intégration au sein de l’Inalco ?
Début 2019, j’ai intégré le programme Inalc’ER. C’était une dizaine d’heures par semaine environ, je me souviens pas très bien car il s’est passé beaucoup de choses après. Petit à petit j’ai rencontré des camarades de tous les pays, j’ai profité des tuteurs, des étudiants en maîtrise par exemple qui étaient très gentils. Ils nous indiquaient comment dépasser les difficultés au niveau des cours. J’ai profité de professeurs qui étaient tellement investis. Sans cesse ils nous accompagnaient, ils nous apprenaient le français mais pas seulement, ils nous montraient le chemin et les différentes possibilités que nous pouvions avoir si nous souhaitions travailler ou étudier. C’était très concret et stimulant. Par exemple on avait des rendez-vous dans des écoles de commerce pour connaître ce milieu, à la BNF pour les expositions… Ils nous montraient toutes nos possibilités en tant qu’étudiant.
Parlez-nous de votre parcours à l’Inalco
L’Inalc’ER, c’est sur deux ans. Pour ma part, j’ai suivi tous mes cours de langue et d’intégration jusqu’à l’été 2019 puis j’ai tenté d’intégrer la 2ème année de Relations Internationales et Langue Persan. J’ai réussi à suivre ce cursus l’année dernière et j’ai aussi eu la chance de faire partie de la première promotion du DIU H2M dont m’avait parlé mon professeur d’Inalc’ER.
Pourquoi avez-vous choisi cette formation ?
J’avais plusieurs raisons. Je voulais travailler auprès des exilés et avoir une légitimité. Ici, sans diplôme c’est un peu compliqué, cela permet aussi de mettre en avant des compétences. En plus, je venais de vivre ce parcours de migrant. J’ai senti que je pouvais apporter beaucoup d’aide. Je comprenais les difficultés qu’on pouvait passer dans ces situations. Être interprète, je l’avais été à Pôle Emploi, à la Mission Locale, à la CAF, à la Préfecture, à la banque… mais je pensais que c’était bien d’approfondir mon action. La médiation, c’était une idée importante et intéressante pour moi, pas seulement traduire mais établir un lien avec les personnes et entre les personnes. Personnellement, je n’aime pas le conflit et je cherche toujours des solutions, j’ai pensé que je pourrais réussir dans ce métier.
Combien de langues maîtrisez-vous ?
Je maîtrise 4 langues. Ma langue maternelle, le persan. Je comprends le pachto également, la seconde langue officielle en Afghanistan. Je lis et j'écris l'arabe. Je parle couramment le français. Je parle un peu l'anglais et le norvégien de par mes voyages et mes études.
Durant la crise sanitaire, votre promo du DIU s'est mobilisée en faveur des personnes vulnérables. Racontez-nous votre expérience.
Pour commencer, je dois dire que moi-même je n’étais pas très en forme pendant le confinement. Je m’ennuyais et je perdais mon enthousiasme petit à petit. Je poursuivais mes cours mais je n’étais pas très bien. Soudainement, les professeurs ont proposé de soutenir concrètement les gens qui rencontraient des difficultés de compréhension ou de solitude avec la crise. Ce travail m’a beaucoup aidé, ça change les choses d’être utile pour les gens qui ont plus besoin d’aide que moi. J’ai traduit, interprété, j’ai mis en forme des documents précieux, par exemple des textes d’information pour la Croix Rouge dans le contexte de la crise sanitaire, des renseignements de la préfecture sur les procédures de demande d’asile ou les dispositifs sanitaires, les guides de Watizat. J’ai aussi travaillé avec Le Cèdre pour prendre des nouvelles régulièrement de personnes loin de leur pays et sans famille ni proches.
Comment améliorer les dispositifs d’accueil aux étudiants exilés mis en place à l’Inalco ?
Sur le site de l’Inalco, je pense qu’il serait intéressant de donner un peu plus d’informations pour les étudiants exilés. Ils ne savent pas toujours ce qu’ils peuvent faire ou pas pour poursuivre leurs études par exemple. Aussi pendant les cours, on a précisé qu’il serait intéressant d’avoir un bureau de médiation pour les étudiants exilés pour prévenir les malentendus entre étudiants et professeurs par exemple et aussi pour les accompagner dans le système scolaire français.
Avez-vous d’autres activités en dehors de l’Inalco ?
Je travaille à la BULAC, bibliothèque de l’Université. Je suis investi dans plusieurs associations, notamment culturelles.
Quels sont vos projets, vos objectifs ?
J’aimerais continuer mes études jusqu’au doctorat et devenir professeur à l’Université. J’espère travailler dans un domaine de médiation culturelle entre France et Afghanistan.
Quel conseil ou message avez-vous envie de transmettre aux nouveaux étudiants du DU passerelle ou du DIU H2M ?
Un seul message : Profitez de cette année si riche avec des rencontres importantes, un chemin qui s’ouvre pour vous vers l’avenir. Vous trouverez un réseau formidable et des expériences à partager avec les professeurs, les camarades et les intervenants.
1 "dubliné" désigne les demandeurs d’asile qui font l’objet d’une procédure selon le règlement de 2013 dit Dublin III, qui stipule qu'une demande d'asile ne peut être examinée que par un seul pays européen, en général le premier pays d'entrée en Europe où ont été recueillies les empreintes digitales.
Hélène de Penanros, maîtresse de conférence HDR de lituanien
Hélène de Penanros, maîtresse de conférence HDR de lituanien
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
Rien. On peut dire que je suis un vrai « produit Inalco », débarquant de ma Bretagne natale, un an après le Bac, pour rejoindre les rangs des russisants de Clichy. Je voulais « faire Langues O’ ».
Comment se sont faits la découverte puis le choix de votre langue d'étude ? Avez-vous été tenté par une ou d'autres langues ?
J’étais tentée par toutes les langues a priori. Il fallait choisir. Pourquoi le russe ? Peut-être le contexte international, la chute du mur ont-ils joué un rôle, comme pour beaucoup à l’époque.
Votre arrivée à l'Inalco comme étudiante ?
Mon arrivée à l’Inalco a été marquée par un coup de chance : choisir au hasard, à l’inscription, entre trois groupes d’enseignement, celui du professeur Michel Chicouène (biographie sur la revue des études slaves) . Ce professeur charismatique était remarquable par sa méthode d’enseignement du russe basée sur un subtil cocktail mêlant théorie, pratique orale, écrite et usage de nouvelles technologies, ce qui impliquait une coordination sans faille de tous les enseignants de son groupe. Rien n’était laissé au hasard et nous bénéficions ainsi d’une progression réglée et harmonisée dans toutes les matières.
Passionnée par ses cours, d’une rigueur et d’une clarté admirables, c’est tout naturellement que je l’ai suivi dans le cursus de lituanien, dont il était également responsable. J’apprendrai plus tard qu’au-delà du pédagogue, Michel Chicouène (bibliographie sur Babelio) était également un grand linguiste, auteur de théories originales, largement à contre-courant des modèles établis, notamment sur l’écriture du russe et du lituanien.
Ces théories, qui ont l’avantage de simplifier considérablement la présentation des systèmes phonologiques et morphologiques de ces langues et de mettre de la régularité là où les incohérences sont habituellement légion, sont encore totalement d’actualité – et je les applique bien entendu aujourd’hui dans mon enseignement de la grammaire lituanienne, de même que son mode d’organisation pour la coordination de ma section, d’ailleurs.
La rencontre de M. Chicouène a été décisive pour moi. J’étais déjà passionnée de langues, mais l’enseignement dans le secondaire, quasi-exclusivement basé sur la « pratique », laissait en suspens tant de questions : Pourquoi le « présent progressif » (be+ING) en anglais peut-il renvoyer au futur ? (cf. « He’s leaving tomorrow. ») Pourquoi dans l’expression « was für ein… » (…Mensch bist du ?) en allemand, für ne régit pas l’accusatif contrairement à l’emploi général de cette préposition ? A chaque fait de langue – une question, sans réponse autre que « C’est comme ça ». Et là, avec ces cours de russe et de lituanien, je découvrais une méthode qui permet d’analyser les formes, de faire ressortir leurs régularités, donc de mettre en évidence des principes explicatifs : je découvrais la linguistique.
J’en faisais rapidement ma spécialité, en m’engageant dans un cursus parallèle en sciences du langage à Paris 7 – Denis Diderot à partir de la licence. Mais je n’oublie pas que c’est à ce professeur de l’Inalco que je dois la découverte de cette discipline, qui commande aujourd’hui mon occupation de tous les jours – un linguiste ne cesse plus de s’interroger sur la façon dont ce qui se dit autour de lui est dit (ce qui peut le rendre un peu pénible) !
Quand et comment s'est engagé votre parcours d'enseignante / de chercheure ? quelle année ? où ?
Ma recherche a commencé avec une thèse en linguistique portant sur un morphème du russe qui peut avoir le statut de préfixe ou de préposition, ce qui posait la question plus générale de ce qu’est une catégorie grammaticale.
Après ma thèse, je suis allée parfaire mon lituanien en Lituanie, et très vite l’Inalco a ouvert un poste en lituanien, M. Chicouène étant parti à la retraite. Après mon recrutement (2002), c’est bien entendu cette langue qui a concentré toute mon attention, que ce soit pour le développement du cursus (avec le passage au LMD) et la recherche de moyens supplémentaires, la structuration d’un cours propre ou le développement d’une recherche originale.
Sur quoi porte votre travail de recherche ? Votre rattachement au centre de recherche UMR 8202 SEDYL (CNRS).
Le lituanien est une langue rarement enseignée. L’Inalco est le seul établissement en France où cette langue est enseignée, et un des très rares lieux au niveau mondial à en proposer un cursus aussi complet (de la licence au doctorat). Du point de vue de la recherche, le lituanien a également un statut particulier : en tant que langue patrimoniale, dans la mesure où sa valeur testimoniale pour les études indo-européennes est inestimable, où sa complexité et son archaïsme sont souvent présentés comme des éléments de prestige, le lituanien est plutôt réservé aux études diachroniques (historiques).
J’ai choisi, pour ma part, dès le départ, de l’étudier dans une perspective synchronique et sur des thématiques pertinentes pour toute langue vivante. C’était important, d’une part, dans la perspective de l’enseignement du lituanien actuel, afin de donner un éclairage nouveau aux données et de dégager des ressorts explicatifs efficaces pour les étudiants de l’Inalco. Mon objectif était, d’autre part, d’étudier le lituanien dans une optique aréale et de pouvoir construire des parallèles avec le russe, ce qui impliquait de construire des espaces de comparaison. Enfin, je souhaitais intégrer le lituanien au programme de recherches en linguistique théorique dans lequel j’étais inscrite, lequel était fondé sur la description de langues aussi diverses que possible. C’est d’ailleurs dans cette optique que j’ai intégré le Sedyl en 2015, parce qu’il offrait une diversité de langues et d’approches que je ne trouvais plus dans mon laboratoire d’origine.
En tant que chercheur(e), quels sont vos axes de recherche ?
Je m’intéresse particulièrement à la polysémie, donc à la question de l’identité sémantique des formes et de leur capacité à se « déformer », à pouvoir dire autre chose, selon le contexte où elles sont employées. Je m’intéresse aussi beaucoup à la synonymie. Ce qui est fascinant, c’est que l’analyse microscopique des formes, c’est-à-dire dans la diversité de leurs emplois, en prenant en compte le contexte textuel (propriétés des mots voisins) et situationnel (qui parle, où, avec qui, dans quel but, compte tenu de quoi, etc.) permet le plus souvent de faire ressortir des logiques, des régularités, qui expliquent pourquoi c’est telle forme qui est employée et non telle autre, pourtant réputée synonyme ; et ce qui est généralement traité comme « variante stylistique » ou « question d’usage » trouve en fait une explication linguistique.
Ce type de recherche nous informe, à un niveau général, sur la façon dont le sens se construit dans une langue, et, quand on peut recouper les résultats avec des phénomènes comparables dans d’autres langues, cela permet de progresser dans les hypothèses sur la façon dont le langage fonctionne – d’où l’importance d’une recherche articulée autour de projets communs dans une équipe multilingue. Et puis, bien entendu, les descriptions effectuées ont pour moi une application directe dans l’enseignement du lituanien puisqu’elles permettent de fournir des principes explicatifs aux étudiants, de les aider à comprendre, donc de s’approprier la langue, en soulageant l’effort de mémorisation « à l’aveugle », …parce que « c’est comme ça ».
Des projets ? En recherche ou des publications à venir ?
J’ai deux ouvrages à venir. L’un est un livre en hommage à M. Chicouène, qui nous a quittés en 2017. Le volume, qui est à paraître à la rentrée 2020 aux Presses de l’Inalco[1], comportera des republications de ses articles fondateurs (qui ne sont plus accessibles car ils datent d’avant le numérique), d’articles de certains de ses anciens étudiants qui montrent l’actualité de ses recherches et de nombreux témoignages de ses amis, anciens étudiants et collègues.
Le second est un ouvrage collectif sur les notions de temporalité et d’aspect que je coordonnais avec notre très regretté collègue J. Thach, spécialiste de khmer, qui nous a quittés prématurément le mois dernier. Le recueil[2], qui lui sera dédié, fournit un ensemble d’éclairages ciblés sur ce que les linguistes entendent par ces notions, à partir d’analyses des théories dominant actuellement la linguistique, aussi bien que de formes spécifiques en bunong, finnois, français, khmer, lituanien, russe ou encore en hopi, avec une relecture du célèbre texte de B. L Whorf.
Maintenant, j’ai aussi pour projet de publier ma thèse. Ma spécialisation en lituanien immédiatement après ma soutenance et les années qui ont été nécessaires pour développer un programme de recherche sur cette langue ne m’en ont pas laissé le temps. Or, elle contient de nombreuses descriptions inédites qui mériteraient d’être diffusées. C’est mon prochain objectif, qui s’inscrit dans une nouvelle période : après des années quasi-exclusivement consacrées au lituanien, je compte dorénavant établir plus de passerelles avec le russe, et, plus largement, me concentrer davantage sur le versant aréal de ma recherche. Nous avons ouvert cette année un séminaire de master de linguistique fenno-balto-slave qui réunit pour l’instant nos collègues linguistes spécialistes de finnois, biélorusse, bulgare, russe et ukrainien (et lituanien, donc). Ce séminaire, qui est une première en Europe, s’avère être un cadre extrêmement stimulant pour mener à bien ce type de projet.
Vous avez été chargée par le président de l’Inalco de mettre en place une réflexion sur les enseignements à « petits » effectifs.
Quelle réflexion a été menée pour y aboutir ?
Oui, Jean-François Huchet m’a chargée d’animer un groupe de réflexion sur cette question dès sa nomination. C’est effectivement une thématique cruciale pour notre établissement, dont la majorité des 100 langues enseignées sont des « langues à petits effectifs ». L’objectif est de montrer à notre tutelle que nous sommes pro-actifs sur la question, et que nous avons mis en place un certain nombre de mesures pour attirer de nouveaux publics vers ces langues.
L’idée n’est bien sûr pas de nous lancer dans une course à l’attractivité – perdue d’avance –, mais de mettre en œuvre toutes les actions concrètes que nous pouvons imaginer pour développer l’accès à nos formations. Et l’objectif, in fine, est de réaffirmer la place de l’Inalco dans le paysage national et international, et de justifier l’existence de langues à petits effectifs : faire entendre que pour nous, qui assurons une mission unique en Europe, voire au-delà, un raisonnement en termes quantitatifs n’est pas adapté.
Je pense que nous sommes dans un contexte plutôt favorable pour nous faire entendre. Partout les conséquences des réformes des universités et la baisse des moyens ont conduit à la fermeture des cours et des parcours les moins fréquentés, et il y a une prise de conscience générale de la mise en danger de pans entiers du savoir et de la connaissance du monde. Souligné dès 2012 aux Assises de l’ESR, ce risque est maintenant clairement reconnu, je crois, et les groupes de réflexion lancés sur le sujet par la CPU (Conférence des Présidents d’Université) ou la CPCNU (Conférence des Présidents des sections CNU) le confirment. L’Inalco a un rôle important à jouer dans ces débats et Jean-François Huchet a eu raison de faire de cette question une priorité.
Pouvez-vous nous expliquer le chemin intellectuel parcouru pour produire des solutions nouvelles pour l'Inalco ?
Le groupe de réflexion est ouvert à tous. Il ne s’agit pas d’en limiter l’entrée aux seuls collègues des langues « à petits effectifs » ! L’Inalco est un tout, sa force inégalable est la réunion de toutes ses langues, et c’est tous ensemble que nous devons penser notre potentiel. Les deux premières réunions plénières ont fait émerger une dizaine de thématiques, de l’enseignement à distance à la formation continue, en passant par la communication, la valorisation de nos méthodes de langue ou la réflexion sur nos partenariats.
Nous avons jusqu’ici travaillé en petit atelier d’une douzaine de collègues sur l’enseignement à distance et sommes en train de finaliser notre synthèse qui comporte une première proposition d’actions concrètes. Dès que la période de confinement sera terminée, je fixerai une nouvelle réunion plénière pour présenter ces résultats et lancer un nouvel atelier. Sans doute la prochaine thématique sera-t-elle notre offre de formation. Nous devons y réfléchir suffisamment longtemps avant la nouvelle accréditation, pour nous préparer sereinement.
Il s’agira de réfléchir à la façon d’attirer de nouveaux publics, mais aussi de mieux faire circuler notre public entre nos langues. J’ai été chargée il y a deux ans de mettre en place une nouvelle offre de licence, dite « bilangue », que nous étions nombreux à soutenir. Cette licence permet aux étudiants d’apprendre une seconde langue, dite « mineure », à partir de la L2. Je crois beaucoup en ce type de projets, qui profitent de la richesse unique de l’Inalco, à savoir la diversité de ses langues, et qui le placent de fait sur un terrain où il ne peut pas être concurrencé.
Bien entendu, il faut réfléchir scrupuleusement à la mise en œuvre de ce type de formations : sélection des cours et volume horaire utile pour la langue mineure en fonction du niveau de compétence visé, de la faisabilité pour l’étudiant, des débouchés envisagés, etc. Voilà une discussion que nous devons mener, parmi bien d’autres !
Je n’ai aucun doute que la réflexion collective, dans ce domaine comme dans les autres, fera émerger des idées totalement nouvelles et prometteuses. Et peut-être aboutira-t-elle même au choix d’une dénomination pratique et enfin valorisante pour ces langues qu’on qualifie trop souvent, par raccourci, de « petites ».
Hélène de Penanros, MCF HDR de lituanien, Inalco – Sedyl
[1] « Un homme rare » : Michel Chicouène (1936-2017), Études russes et lituaniennes, R. Camus et H. de Penanros (éds), Presses de l’Inalco.
[2] Du temps et de l’aspect dans les langues. Approches linguistiques de la temporalité, H. de Penanros et J. Thach (éds.), Peter Lang.
Simon Ebersolt, un jeune chercheur multi-primé
Simon Ebersolt, un jeune chercheur multi-primé
Simon Ebersolt, jeune chercheur de l'Inalco multi-primé.
- Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
J’ai fait des études littéraires, notamment philosophiques, dans le cadre de l’hypokhâgne et de la khâgne du Lycée Jules Ferry (Paris), puis du master de philosophie de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
- Comment s'est fait le choix de votre langue d'étude ? Avez-vous été tenté par une ou d'autres langues ?
Ce ne fut pas un « choix » à proprement parler, le japonais étant ma langue maternelle, celle que j’ai toujours parlée à ma mère. La langue et la culture japonaises n’ont pas été des « découvertes » pour moi. J’ai plutôt été « jeté » dans le bain, pour ainsi dire, sans le vouloir : c’est ma mère qui a commencé à me parler dans cette langue.
J’ai été un temps tenté par l’arabe, sous l’influence de mon cher maître Christian Jambet, mon professeur de philosophie en khâgne et grand spécialiste de philosophie islamique.
- Comment s’est faite votre découverte de la philosophie japonaise en particulier ?
Pendant ma formation philosophique, centrée sur les philosophes européens (des Anciens aux Modernes), j’étais curieux de savoir ce qu’il y avait du côté japonais. Christian Jambet, qui savait que j’avais des compétences en japonais, m’a aussi encouragé à regarder du côté du Japon.
- Votre arrivée à l'Inalco ? Comme étudiant, doctorant ?
Justement, c’est à l’Inalco, en master, que j’ai re-découvert la langue et la culture japonaises, de manière plus intellectualisée et nuancée. Car mon rapport au Japon avait été plutôt charnel et instinctif, malgré une certaine connaissance de la langue et de nombreux séjours au pays. Si le japonais m’a été pour ainsi dire « donné » par ma mère, il ne m’a pas non plus été servi tout frais tout prêt, et je l’ai repris à bras le corps à l’Inalco.
C’est en effet l’Inalco, et notamment mon directeur de mémoire et de thèse, Emmanuel Lozerand, qui m’ont amené à être plus sensible aux multiples nuances des mots et des phrases, aux va-et-vient entre les langues, dans mon cas le japonais, le français et l’allemand. J’ai par là même redécouvert la langue française, avec ses nuances et ses dynamiques propres. Cette sensibilisation à la langue a été accrue par l’étude de Kuki Shûzô (1888-1941) et de Martin Heidegger (1889-1976), des philosophes très attentifs aux nuances que comportent les mots. Une très bonne alchimie s’est dégagée de ma formation à l’Inalco et de mes recherches philosophiques.
- Quand et comment s'est engagé votre parcours de chercheur ? quelle année ? où ?
Cela dépend de la définition que l’on donne au mot « chercheur » ! Si un doctorant est un chercheur, alors j’ai engagé le parcours en 2011, le doctorat étant plutôt cette zone grise où l’on est pris aussi bien pour un étudiant qu’un chercheur ; s’il faut être docteur pour être un chercheur, c’est alors en novembre 2017. À la pré-rentrée de l’année dernière, j’ai été présenté aux étudiants comme un apprenti-chercheur. On pourrait même dire qu’on apprend à chercher toute sa vie, car la recherche et son apprentissage vont de pair : de même que l’on apprend à nager en nageant, on apprend à chercher en cherchant.
En ce sens, j’ai commencé mon parcours de chercheur en master, à Paris 1 puis à l’Inalco, quand j’ai engagé des recherches sur la réception d’Henri Bergson (1859-1941) au Japon, ce qui m’a permis d’entrer en douceur sur un terrain que je connaissais encore très mal (le XXe siècle japonais et ses philosophes) en m’appuyant sur la philosophie européenne dont j’étais plus familier, en particulier sur Bergson. J’ai notamment travaillé sur les interprétations qu’en ont donné Miki Kiyoshi (1897-1945) et Kuki Shûzô. Cet angle d’attaque me semble avoir été juste car, de fait, la philosophie japonaise moderne dans toute sa variété s’est constituée à travers un dialogue constant et très poussé avec l’Europe philosophique. Pour mener à bien ces recherches, j’ai bien fait attention à contextualiser ce dialogue – car c’est toujours en contexte que les philosophes dialoguent et conceptualisent –, et j’ai traduit des textes de Miki et de Kuki, qui expriment ce dialogue. Remarquons que les philosophes n’écrivent plus sous forme de dialogue, mais ils sont toujours implicitement en dialogue avec d’autres philosophes quand ils écrivent. La traduction nous permet donc d’être dans le concret, nous montrant que l’originalité philosophique et le processus de conceptualisation, c’est-à-dire d’universalisation, émerge à partir de tête-à-tête entre philosophes et plus largement d’un contexte intellectuel et philosophique précis (sans cependant s’y réduire), ce qui nous permet de dépasser, par exemple, l’opposition abstraite entre Occident et Orient ou, ce qui revient à peu près au même, leur synthèse. Par ailleurs, en traduisant, je me suis mieux rendu compte que les philosophes eux-mêmes se traduisent entre eux pendant l’acte de conceptualisation.
- Votre rattachement au centre de recherche CEJ / IFRAE.
Pendant mon doctorat, j’ai été rattaché au CEJ, puis, depuis cette année, à l’IFRAE (Inalco/Université de Paris /CNRS), notamment dans le Groupe d’étude de philosophie japonaise, dont je suis co-responsable avec Saitô Takako et Kuroda Akinobu.
- En tant que chercheur, quels sont vos axes de recherche ? Sur quoi porte votre travail de recherche ?
Je poursuis mes recherches sur la notion de communauté dans le cadre de l’histoire de la philosophie japonaise des années 1920 aux années 1950, notamment en approfondissant la question de l’articulation entre le « nous » dual et le « nous » collectif, c’est-à-dire entre d’une part, la communauté phénoménologique entre individus – notamment le phénomène contingent de la rencontre entre individus différents –, et d’autre part, la communauté collective, qu’elle soit sociale, religieuse ou politique. À moyen terme, je projette une histoire de la philosophie moderne englobant aussi bien le Japon que l’Asie de l’Est (notamment la Chine) et, à plus long terme, une philosophie et une histoire philosophique du commun.
La philosophie étant un travail sur les mots en tant qu’acte de conceptualisation, la prise en compte du phénomène de la traduction sera cruciale dans la réflexion sur le commun. La traduction est en effet toujours un phénomène de la simultanéité du commun et du différent : rencontre entre des langues différentes, mais en même temps l’acte même où l’on cherche et trouve du commun entre deux mots ou deux phrases de communautés linguistiques différentes. Le cas de la philosophie japonaise moderne est passionnant dans la mesure où l’émergence des concepts et ce travail du commun se sont faits dans un contexte de polyglossie, entre les langues européennes (notamment l’allemand, l’anglais, le français) et le japonais, avec sa structure grammaticale, ses mots japonais (wago 和語) et sino-japonais (kango 漢語) – mots provenant directement de Chine ou créés au Japon à partir de sinogrammes en lecture sino-japonaise.
Je profite de l’occasion pour insister là-dessus : la traduction nous sauvera des élucubrations et des fictions, notamment de l’universalisme abstrait, qui n’est en fait que l’imposition d’une culture, notamment d’une langue particulière, au monde, et qui est l’autre nom de l’impérialisme. À mon sens, l’Inalco – et je voudrais ajouter : la France – a un vrai rôle à jouer, éminemment politique, pour résister à l’impérialisme culturel et linguistique anglo-saxon, non seulement pour illustrer et défendre la pluralité culturelle et linguistique du monde, mais aussi, à travers la traduction entre les langues, ce qu’il y a de commun entre elles. La traduction n’est en effet pas l’identité simple entre deux éléments de langues différentes, mais leur communauté, qui va de pair avec un certain écart, une légère différence de nuance entre eux. L’acte de la traduction est l’uni-versel au sens littéral, acte d’orientation « vers » l’« Un » indéterminé, et non pas simple imposition au monde d’« une » culture ou d’« une » langue particulière déterminée. Ce projet pourrait être appelé l’universalisme concret, celui qui prend au sérieux les contextes culturels et linguistiques, sans céder sur l’exigence universaliste du savoir, lequel suppose qu’il y a du commun entre les individus, les cultures et les nations, compréhensible de tout le monde. N’oublions pas en effet que le mot « université » provient d’universus : « universel ».
- Votre thèse a remporté de nombreuses récompenses. Comment l'avez-vous vécu ?
Sur le moment, j’ai été ébahi, avec un sentiment d’irréalité et de flottement. Ensuite, j’ai pensé à ceux qui m’ont soutenu pendant mon doctorat, mes directeurs de thèse Emmanuel Lozerand et Frédéric Fruteau de Laclos, mes professeurs de l’Inalco et de l’université de Kyôto où j’ai étudié cinq ans, mes amis et ma famille. Enfin, je ne mentirai pas : je ressens une grande fierté, mais une fierté qui oblige.
Du point de vue de ma recherche, ces reconnaissances d’ordres disciplinaire et aréal m’encouragent, malgré les obstacles de toute sorte, à persévérer dans ma voie, dans la méthode qui s’est révélée à travers ma double formation en philosophie et en études japonaises : celle de l’exigence universaliste du concept et de la prise en compte du contexte historique et culturel.
- Vos projets ? La publication de votre thèse ?
Je profite au premier semestre d’un contrat post-doctoral de l’École française d’Extrême-Orient pour avancer dans mes nouvelles recherches, notamment avec un court séjour au Japon, puis je reviendrai enseigner à l’Inalco au second semestre.
Ma thèse est à paraître chez Vrin, dans la collection « Bibliothèque d’histoire de la philosophie ». Si je ne m’abuse, ce sera dans la collection le premier ouvrage consacré à un philosophe non-occidental.
Je prépare aussi, dans le cadre du projet du Groupe d’étude de philosophie japonaise, la publication d’un recueil de traductions de textes de Kuki, ceux de philosophie, mais aussi d’esthétique, de poétique, et même d’ordre politico-culturel, afin de montrer la richesse de son œuvre.
Je caresse enfin l’idée d’écrire un petit livre d’introduction à la philosophie japonaise moderne, à l’attention de non-spécialistes. Car plus largement, mon dessein est de contribuer à une meilleure connaissance de la philosophie japonaise en France, tout en gardant des contacts forts avec le monde de la recherche japonais.
Simon Ebersolt
Co-responsable du Groupe d'étude de philosophie japonaise (IFRAE, Inalco/Université de Paris/CNRS)
Nathalie Krauze, nouvelle responsable de la Formation continue
Nathalie Krauze, nouvelle responsable de la Formation continue
Quelle a été votre formation initiale ?
Je suis issue des sciences sociales, et possède un DEA en Sciences Sociales de l’EHESS. Ce DEA pluridisciplinaire était en partenariat avec l'Ecole normale supérieure (ENS). J’ai étudié par la suite l’ethnologie et la psychologie clinique.
Quel a été votre parcours professionnel avant l’Inalco et quelles expériences en retirez-vous?
Mon parcours avant l’Inalco était principalement dans le secteur de la formation continue. En Greta (formation continue au sein de l’Education nationale) durant les trois dernières années, mais aussi en tant que conseillère en parcours professionnels au sein d’Opacif tel que le FONGECIF.
J’ai également fait de l’accompagnement individuel à la reconversion pour des salariés ou des demandeurs d’emploi.
J’ai suivi plusieurs voies qui ont construit ce que je suis aujourd’hui, mais c’est d’abord par l’ethnopsychiatrie que je suis arrivée à l’insertion professionnelle des personnes en grandes difficultés, au commencement de ma vie professionnelle. J’ai travaillé avec différentes populations précarisées or cet accompagnement psycho-social m’a permis d’apporter une touche supplémentaire pour aider ces publics dits « fragiles » vers une démarche de formation ou d’insertion professionnelle.
Une autre partie de ma vie s’est déroulée en Egypte. J’ai pu développer une activité très personnelle, principalement créative en lien avec les populations d’artisans locaux. Je suis restée 7 ans et ai vécu au contact d’Egyptiens de tous bords, de tous milieux, de toutes conditions. Que ce soit à Louxor, au Sinaï et au Caire.
A mon retour d’Egypte, j’ai continué une activité professionnelle en lien avec l’artisanat : j'ai commercialisé une gamme de produits de décoration issus du Commerce Équitable.
Puis, je suis retournée dans le champ de la formation professionnelle, puis de la formation continue.
Vous arrivez donc début juillet à l'Inalco... Pourquoi avoir choisi l’Inalco ?
L’offre d’emploi à laquelle j’ai répondu, mettait en avant les différents secteurs d’activités sur lesquels je travaillais déjà en tant que conseillère en formation continue. Cela me paraissait une opportunité professionnelle à saisir.
En juillet, les étudiants n’étaient plus là, mais l’équipe administrative du pôle de la formation continue ainsi que Jean Tardy, directeur pédagogique du service, ont été très présents et bienveillants à mon égard. J’ai eu le temps d’entrevoir dans sa globalité l’activité du service, me familiariser avec les logiciels de gestion et préparer la rentrée avec une intention de commencer en septembre avec la satisfaction maximum de tous.
Vous êtes responsable de la Formation continue, quelles sont vos missions ?
Je dois veiller à ce que le service commun de la formation continue accueille dans les meilleures conditions les publics désireux de rentrer en formation. Je supervise, tout en mettant « la main à la pâte », l’inscription des publics individuels et salariés et organise la rentrée à la fois des stagiaires mais aussi des enseignants.
Il m’a été aussi demandé de développer des actions de formation qui puissent toucher une plus grande gamme de publics mais aussi d’entreprises et qui permettent des synergies entre la formation initiale et la formation continue.
Enfin, et cela est aussi essentiel, il faut que le service puisse engranger des bénéfices afin de développer un éventail plus larges de formations (hybrides), voire même, être moteur d’actions innovantes, tout en gardant l’intention de couvrir un champ plus vastes de langues ou de domaines peut être moins bénéficiaires que d’autres.
Quels sont les défis à relever ? les projets ?
Le premier défi à relever, est de faire que la formation continue ne soit plus la « cinquième roue du carrosse », mais que toutes les personnes (personnels enseignants, publics salariés, étudiants, demandeurs d’emploi…) soient dans une démarche d’amélioration et de développement des compétences. Il s’agit de s’orienter, faire des démarches pour une évolution ou une reconversion professionnelle, plus juste, et se former dans des domaines qui permettent une dynamique, une force motrice pour avancer professionnellement vers des projets qui soient le plus près de ce que l’on recherche. Se former tout au long de la vie à une dimension à la fois personnelle et économique. Elle suppose que chacun soit accompagné dans sa démarche par des personnels attentifs aux évolutions sociétales et aux enjeux économiques de demain.
Les projets de la formation continue suivent ce chemin. Tout d’abord nous souhaitons développer l’offre de formation vers des publics étrangers qui viendraient se former en « français langue étrangère » afin de passer une certification appelée le diplôme de Compétences en langue (DCL).
Il s’agit aussi d’étendre notre offre certifiante : DCL (arabe, chinois, russe), HSK (chinois), JLPT (japonais) à plus de personnes via le Compte Personnel de Formation. Tout du moins pour le DCL actuellement. Apprendre une langue et utiliser ses heures de CPF pour cela, est aujourd’hui facile avec le compte d'activite et le sera de plus en plus avec les nouvelles orientations de la formation professionnelle qui entrent en vigueur depuis cet été.
Un autre projet nous tient à cœur, c’est la formation en e-learning. Nous nous sommes rapprochés de l’unité TICE de l’Inalco et de Luc Deheuvels afin de proposer une offre de formation hybride (en ligne et en présentiel) à partir du MOOC « kit de contact en langue arabe », transformé par la plateforme FUN (utilisant la technologie open source) en SPOC (Small Private Online Course), c’est-à-dire en formation interactive en ligne avec un nombre limité de participants. Nous commençons ensemble à voir quel sera son format et les personnes et entreprises ciblées.
En attendant, il nous faut délimiter un certain nombre d’éléments (calcul des coûts, cadre légal, prix de mise en vente, communication…) pour que ces deux projets puissent voir le jour au début de 2019.
Après 7 ans passés en Egypte, vous avez donc une certaine affinité avec cette culture ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, je m’étais mise (par la force des choses) à l’arabe égyptien. Malheureusement, j’ai perdu ma capacité à m’exprimer, à parler de la pluie et du beau temps en arabe.
Je souhaiterai reprendre au second semestre les cours afin de recouvrer cette vivacité intellectuelle que l’on a lorsque l’on parle plusieurs langues. C’est du moins ce qu’il me semblait, lorsque je parlais trois langues à différents interlocuteurs.
En Egypte, j’ai appris à vivre dans le Sinaï, dans la montagne avec les bédouins de Ste Catherine dans le sud Sinaï. Plusieurs mois de vie frugale, m’ont permis de travailler sur différents projets avec les Bédouines, perleuses et brodeuses aux techniques ancestrales. Ce lieu magique et ces êtres merveilleux aux conditions de vie rude, m’ont fait évoluer et m’ont permis de regarder la vie d’une façon différente. Je suis absolument fascinée par la montagne désertique et le désert… Je suis fan de littérature de voyages et des écrivains voyageurs comme : Wilfred Thesiger, Theodore Monod, Henri de Monfreid, Alexandra David-Néel, Nicolas Bouvier…
Mais, je suis curieuse et l’anthropologie a toujours été ma passion : Afrique du Nord et de l’Ouest avec ses différents rituels thérapeutiques pour soigner les maladies mentales, l’Inde avec sa médecine traditionnelle ayurvédique, les mythes de la création du monde de tous les peuples, sur tous les continents…
Le monde est tellement riche, il y a tant à apprendre !
Mathias Soupault, ingénieur en ingénierie logicielle
Mathias Soupault, ingénieur en ingénierie logicielle
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
Après avoir obtenu mon DEA de Robotique et Systèmes INtelligents à l'université Paris 6, j'ai échoué à financer ma thèse et j'ai du me résoudre à accepter des emplois alimentaires.
Après deux ans au rayon téléphonie chez Carrefour, riche d'une expérience qui me sert encore aujourd'hui, j'avais assez d'économies pour suivre une formation professionnelle de développeur en langage JAVA à l'IFOCOP.
Quels ont été vos premiers pas professionnels avant l’Inalco ?
Embauché dans la société où j'avais réalisé mon stage pratique, j'ai transformé leur logiciel de gestion de point de vente pour l'adapter aux exigences et technologies du marché actuel. La taille réduite des effectifs aidant, j'étais quotidiennement au contact des utilisateurs et ainsi à même de mieux répondre à leurs besoins.
Comment s'est passée votre arrivée à l'Inalco ?
J'ai appris que l'Inalco cherchait un ingénieur en développement et déploiement d'applications, pour faire évoluer son système d'information et offrir de nouveaux services numériques.
Le poste présentait des défis intéressants, dans un établissement prestigieux, alors je me suis lancé dans le vide et j'ai rejoint le PLC en 2012, quelques mois après son ouverture.
Vous êtes "ingénieur en ingénierie logicielle", en quoi consiste votre métier ? Quelles sont vos missions ?
Mon métier consiste à développer des logiciels, c'est à dire participer à tout ou partie des phases de son développement depuis sa conception jusqu'à son déploiement, puis ensuite à son évolution (nouvelles fonctionnalités, améliorations, correctifs).
Souvent, il s'agit d'adapter un service existant aux spécificités de notre établissement pour tirer le meilleur parti de nos ressources.
Une partie du travail se fait dans l'ombre, à faire en sorte que les services existants continuent à fonctionner et soient mis à jour pour les prémunir contre les menaces.
Potentiellement, nous sommes amenés à interagir avec tous les autres services, afin d'apporter le soutien de l'outil informatique partout où il peut être utile.
Avez-vous, en plus, d’autres activités au sein ou en dehors de l'Inalco ?
Je chante comme ténor dans la chorale de l'Inalco ; c'est un moment fort où étudiants, enseignants et personnels s'effacent pour ne faire plus qu'un et faire vibrer les langues et cultures du monde.
Pour me détendre, je pratique le yoga et les jeux de société au sein de l'API (Association des personnels de l'Inalco), dont j'ai également rejoint le bureau.
En dehors, je consacre du temps à mes enfants.
Agathe Rue, la passion des langues et des civilisations
Agathe Rue, la passion des langues et des civilisations
Vous êtes un "pur produit Langues'O". Pourquoi avoir choisi l'Inalco ?
Dès mes quinze ans, j’ai décidé de faire ma carrière aux Langues’O (L'Institut était plus connu à cette époque sous cette appellation). J’en avais beaucoup entendu parler dans mon enfance, je connaissais des étudiants, une enseignante, j’en avais parlé avec mes profs de russe au collège et au lycée… C’était pour moi une véritable vocation.
Après un bac L, je me suis tout de suite inscrite aux Langues’O. C’était pour moi une évidence ! Pour l’anecdote, j’avais même refusé de faire la procédure de Ravel, ce qui avait horrifié mes professeurs, tant j’étais sûre de mon choix.
Vous avez un attrait indéniable pour les langues et les civilisations, quel cursus avez-vous donc suivi ?
J’ai toujours adoré apprendre de nouvelles langues, et j’étais déjà passionnée par l’Asie, son histoire, l’art, les cultures et traditions… Si les sonorités des langues tonales m’ont charmée, c’est l’écrit plus encore qui a fait la différence. Les caractères chinois, surtout, m’émerveillaient.
Ainsi, j’ai d’abord appris le birman et le chinois, puis j’ai continué le chinois (grâce à l'enthousiasme de mon enseignante, Mme Fabienne Marc, envers qui j'exprime ma reconnaissance). Puis, j'ai bifurqué vers le vietnamien, tout ça en grande débutante… Sachant que j’avais déjà fait du russe (et du grec ancien) avec passion au collège et au lycée.
À l’Inalco, j’ai validé ma maîtrise de langue chinoise juste avant le passage au LMD. En parallèle, toujours adepte des doubles cursus, j’ai suivi une licence d’ethnologie à Paris V. Je me suis également inscrite en première année de DREI (équivalent du M1 HEI actuel), surtout par curiosité, sans toutefois la valider : le monde contemporain n’était pas fait pour moi, je suis retournée me consacrer à mon mémoire, qui portait sur les jardins chinois.
Un attrait pour d’autres langues ou cultures du monde ?
Je suis, bien sûr, passionnée par la Chine et l’Asie du Sud-Est continentale, mais pas seulement. L’Europe du Nord et le monde slave m’attirent également beaucoup, peut-être à cause de certaines de mes origines, mais aussi de par la magie que dégagent les mélodies de ces langues.
Moins exotique, mais point central dans mon quotidien, l’anglais tient une place très importante parmi les langues que j’aime et pratique. D’ailleurs, très marquée par un voyage en Ecosse, j’adorerais apprendre une langue gaélique en complément.
Quelles ont été vos expériences professionnelles avant l’Inalco ?
À part deux ou trois baby-sittings qui ne m’ont pas passionnée et un premier « vrai petit-boulot » de caissière, mes expériences professionnelles hors-Inalco tournent autour des langues et des contacts.
J’ai eu la grande chance de participer pendant une dizaine d’années à des tournois de football et handball internationaux, non en tant que sportive (je dois avouer que ce n’est pas l’amour du sport qui m’a amenée vers ce travail), mais en qualité de guide-interprète pour une association néerlandaise. J’ai accompagné une quinzaine de groupes de jeunes sportifs, à chaque fois sur plusieurs jours. J’ai ainsi pu côtoyer des Néerlandais, Américains, Danois, Ecossais, Belges, Allemands, Coréens et Roumains, échanger avec les équipes et leurs accompagnateurs, et ces contacts étaient très enrichissants. Les questions sur les différences culturelles fusaient, c’était passionnant !
J’ai d’ailleurs suivi des cours de néerlandais dans l’Institut éponyme après avoir commencé à travailler dans cette association, tant j’avais envie de pouvoir parler autrement qu’uniquement en anglais aux équipes que l’on me confiait le plus souvent. Dire quelques mots dans la langue de l’autre, ne serait-ce qu’essayer, change la relation et favorise le dialogue qui suivra.
J’ai également donné des cours de soutien scolaire de niveau collège-lycée à de jeunes Chinois (Wenzhou) récemment arrivés en France, dans l’association ASLC. Là-aussi, j’ai retiré une grande richesse des échanges avec certains de mes jeunes élèves, qui avaient un œil curieux, et parfois critique, sur leur pays d’accueil.
Racontez-nous comment s’est déroulé votre parcours professionnel à l’Inalco...
Étudiante, vacataire, contractuelle, titulaire… une véritable ligne droite ascensionnelle !
Au départ, bien sûr, comme beaucoup j’ai pensé à l’enseignement, mais finalement j’ai effectué des vacations administratives pour payer mes études, et ces dernières ont beaucoup joué dans mon changement d’orientation. J’ai commencé au sein de la Division de la Scolarité, rue de Lille, d’abord aux inscriptions, puis au Service des Bourses, formée par André Voeuk et Abdallah Ahmed, collègues piliers de ce service à l’époque. Mais je voulais aller plus loin, et dès 2007, je me suis penchée sur le manque de documentation sur les procédures administratives pour les étudiants.
En 2008, encouragée par M. Bayle, le Directeur général des services, j’ai monté au sein de la toute nouvelle Direction des Études le Guichet unique d’information. J’ai adoré travailler au contact des étudiants d’abord, puis des enseignants, ce qui a conforté mon choix de passer des concours.
Ainsi, en 2008, j’ai réussi le concours SASU et je suis devenue fonctionnaire, nommée dans cette noble institution… Quelle chance !
En 2012, à la suite d’un congé maternité, j’ai été invitée à travailler à la Vie étudiante, où je gérais les associations et leurs projets culturels. Et depuis 2015, j’ai la chance de travailler au sein de la Direction des formations.
Toujours aussi passionnée, je continue d’ailleurs, parallèlement à mon travail, à suivre autant que possible des cours de civilisation. Travailler ici, c’est aussi avoir la chance de rester étudiante (à temps très partiel) dans mon domaine de prédilection !
Décrivez-nous brièvement votre poste actuel, vos missions et vos responsabilités
Comme je le disais, je travaille depuis 2015 à la Direction des Formations (DIFOR), où je suis l’adjointe de Stéphane Faucher.
Je suis Coordinatrice des formations : je travaille avec la présidence (MM Forlot et Samuel, Mmes Bottineau et Rasoloniaina) sur tout ce qui concerne notre offre de formation de licence, master et diplômes d’établissement ; j’assure le secrétariat du Conseil des formations et de la vie étudiante (CFVE) ; je vérifie et mets en ligne les brochures ; je gère les demandes de conférences niveau licence et master ; je participe aux réflexions sur les futures maquettes de licence et de master ; et je prends part à certaines discussions avec le rectorat, l’Université Sorbonne Paris Cité (USPC), la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), l’HCERES ou encore Paris VII. Je peux en outre être consultée sur des conventions avec des établissements partenaires.
Au sein de la DIFOR, j’encadre également le « Pôle commissions & aires géographiques », dans lequel Rachida Benchabane et Hae-Lee Shim travaillent avec moi sur la Commission des transversaux et la mise en place d’une offre transversale élargie, sur la Commission des Masters et sa commission d’admission (avec notamment la mise en place de trouvermonmaster.gouv.fr), ainsi qu'en soutien aux départements (secrétariat des conseils de département, vérification des services, réponses aux questions des directeurs et directeurs-adjoints…)
Les formations sont au cœur de la vie de l’établissement, elles sont réfléchies, multiples et changeantes, ce qui rend ce poste passionnant.
Avez-vous d’autres activités en dehors de l’Inalco ?
En dehors du travail, mais toujours à l'Inalco, je participe à la chorale qui fera son deuxième concert le 31 mai !
Membre active depuis 2005 d’une association consacrée à la littérature jeunesse, je contribue à une encyclopédie en ligne (gros travail sur des sources en anglais) et je publie des actualités thématiques régulièrement. Je gère également une partie des partenariats. De plus, j’organise deux à trois rencontres par an, avec à chaque fois de nombreuses activités, pour les membres de l’association.
Et…mes trois lutins !
Iryna Dmytrychyn, Histoire et traduction (Ukraine)
Iryna Dmytrychyn, Histoire et traduction (Ukraine)
Quelle a été votre formation initiale avant l'Inalco ?
Après avoir obtenu un DEA d’Études Soviétiques et Est-Européennes de l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Paris, j’ai préparé une thèse de doctorat à Paris 1 Panthéon Sorbonne portant sur une page de l’histoire franco-ukrainienne au XVIIIe siècle, sous la direction de Daniel Beauvois.
Quels ont été vos débuts à l’Inalco ?
J’ai été pendant près de dix ans chargée de cours et n’ai intégré l’Inalco en tant que maître de conférences qu’en 2012. Donc, je ne découvrais pas vraiment la maison.
En tant qu'historienne, quels sont vos axes de recherche ?
Je travaille actuellement sur des questions touchant la famine ukrainienne (Holodomor) 1932-1933 : circonstances, perception à l’étranger et, notamment en France, mais aussi sur les témoignages, entre autres, littéraires.
Un colloque international « La grande famine en Ukraine – Holodomor : connaissance et reconnaissance » était le premier que j’avais organisé à mon arrivée à l’Inalco, en novembre 2013.
Avez-vous un attrait pour d’autres langues et cultures du monde ou d'autres disciplines ?
Oui, bien sûr – notre Institut en offre des possibilités inouïes ! Ce qui me tient à cœur aujourd’hui, c’est de faire revenir une langue qui n’est plus enseignée, mais qui était pourtant une des raisons de création de l’École des Langues : le tatar de Crimée. Aujourd’hui, cette langue et cette culture, après avoir été éprouvées au XXe siècle, avec la déportation décidée par Staline et l’impossibilité de retourner en Crimée pendant près d’un demi-siècle, ce peuple est de nouveau aujourd’hui persécuté et sa langue menacée.
Parlez-nous de votre activité de traductrice, quels sont vos sujets de prédilection ?
J’ai eu le bonheur de traduire plusieurs auteurs ukrainiens contemporains, très différents, chez des éditeurs très différents aussi, entre petites structures et grandes maisons. Je n’ai pas de sujet de prédilection et je suis heureuse de pouvoir ne pas me cantonner à un type d’écriture ou un auteur. C’est réjouissant et stimulant de se confronter aux défis que posent différents auteurs qui ont chacun leur style et leur personnalité, entre l’œuvre postmoderniste de Youri Andrukhovych, féministe d’Oksana Zaboujko*, historico-ethnographique de Maria Matios, urbaine de Serhiy Jadan ou centre-européenne de Sophia Andrukhovych.
S’il y a un critère, ce serait celui de la qualité de l’œuvre littéraire.
Avez-vous d’autres activités liées au monde ukrainien ?
Je dirige avec un collègue de l’Inalco, Iaroslav Lebedynsky, une collection Présence ukrainienne aux éditions l’Harmattan. Elle comptabilise en quinze ans d’existence plus de trente titres, traitant divers aspects d’histoire ou d’actualité ukrainiennes, littérature, théâtre, etc.
Un de nos derniers titres est la traduction des Récits d’Oleg Sentsov, le cinéaste ukrainien injustement condamné à une lourde peine en Russie et dont la communauté internationale réclame la libération.
Cette année, j’ai également été responsable de programmation du stand ukrainien au Salon du livre de Paris et j’ai trouvé passionnant de réfléchir aux thèmes, composer les rencontres, etc. Je suis heureuse de représenter l’Inalco dans le cadre de divers projets en province ou à Paris, mais aussi d'adjoindre l’Inalco à des projets culturels, comme en novembre 2017,dans le cadre du festival Le week-end à l’Est, qui a mis à l’honneur la capitale ukrainienne, où une rencontre avec des écrivains et journalistes ukrainiens a eu lieu dans les murs de l’Institut. J’espère que cette collaboration avec le festival se poursuivra.
*Retrouvez un extrait du roman d'Oksana Zaboujko : " Explorations sur le terrain du sexe ukrainien", traduit de l"ukrainien par Iryna Dmytrychyn dans le magazine Langues O no 3.
François Stuck, ingénieur de recherche de l'équipe ERTIM et représentant du personnel
François Stuck, ingénieur de recherche de l'équipe ERTIM et représentant du personnel
Quelle a été votre formation initiale avant l'Inalco ?
J'ai une formation scientifique ponctuée par un doctorat d'automatique soutenu il y a déjà bien longtemps à Toulouse. Après un post-doc aux États-Unis, j'ai été embauché comme informaticien dans une petite société de services informatiques parisienne qui me louait pour de longues missions en milieu industriel. Eh oui ! main d'œuvre contractuelle et externalisation étaient déjà à la mode ! J'ai ainsi écumé, durant une bonne dizaine d'années, quelques sites industriels de la région parisienne, aujourd’hui bien souvent disparus... Riche expérience tant professionnelle que humaine que celle de l’usine. Par la suite, j’ai quitté Paris pour Montpellier et une petite société d’électronique médicale.
Comment s'est passée votre arrivée à l'Inalco ?
Suite à la faillite de cette société et mon licenciement économique, j'ai eu droit à une formation de reconversion financée. Ayant quelques curiosités pour les langues, j’y ai vu une opportunité de réorienter mon activité d’informaticien vers les langues. C’est aux Langues O’ que j’ai finalement déniché la formation que je cherchais, mariant langue et informatique : le DESS d’ingénierie multilingue du CRIM (Centre de recherche informatique multilingue). Cette année 1993-1994 fut plutôt bien remplie, suivant aussi les cours d’arabe et de nahuatl.
À l’époque, l’Inalco préparait son bicentenaire, notamment une exposition à l’Hôtel de Ville de Paris. Le CRIM devait y présenter une animation multimédia « Ciel, Miroir des Cultures », illustrant quelques mythes célestes dans une dizaine de langues et cultures enseignées à l’Inalco. C’est ainsi que j’eus un premier contrat pour la réaliser – avec un collègue Pascal Potron. Premier contrat d’une longue série… comme ce qui se fait toujours aujourd'hui !
Racontez-nous donc ce long parcours professionnel à l'Inalco...
Le CRIM cherchait alors un informaticien. Sa directrice, Monique Slodzian, me proposa de me charger de la gestion de la salle informatique des deux cursus d’informatique linguistique de l’Inalco : le DESS du CRIM et la maîtrise de TAL (Traduction automatique des langues).
À l’époque, l’Union européenne avait un programme finançant la promotion du multilinguisme. C’était pour le CRIM – alors une toute petite équipe, sans grands moyens, mais fort active – l’opportunité de projets et de financements, et pour moi la possibilité de compléter mon maigre temps-partiel. C’est ainsi que, un peu par hasard, j’ai plongé dans la didactique des langues, à l’occasion d’un projet européen de 2 ans autour d'un CD-Rom d’apprentissage du grec moderne. Une collègue grecque, Anthippi Potolia en réalisa la conception et les contenus pédagogiques, et moi la partie informatique et multimédia. Ce projet a débouché sur un prototype de cours interactif « Athos, une découverte du grec moderne ».
Quelques années plus tard, sur la base de ce travail, l’Inalco décrochait un gros projet européen de 3 ans, pour l’apprentissage des langues bulgare, slovaque et slovène, dont j’ai assuré la gestion technique. En 2007, trois coffrets multimédias (cd interactif + livre) étaient ainsi publiés aux éditions l’Asiathèque. Sacrée expérience collective, avec ses hauts et ses bas, mais nous y sommes arrivés… J’en remercie vivement tous les collègues d’ici et d’ailleurs embarqués dans cette aventure.
En 2006, un poste d’IGR a été créé à l’ERTIM – le nouveau nom de l’équipe après la fusion avec les cursus du traitement automatique des langues (TAL). Suite à la réussite au concours, j’ai donc poursuivi mes activités, mais cette fois en tant que statutaire, après une douzaine d’années de contrats précaires...
Depuis, une partie de mon activité consiste à valoriser ces réalisations et le modèle de cours sous-jacent, de l’étendre à d’autres langues (par exemple l’estonien) et écritures et d’entreprendre leur fastidieuse migration sur un support internet. Et une autre, à explorer les possibilités du TAL afin de créer des ressources pour l’apprentissage des langues. Ainsi, sur une idée d’Antoine Chalvin, enseignant d’estonien, nous avons réalisé un générateur d’exercices à trous d’estonien en ligne, basé sur un corpus de textes "parallèles" français et estoniens, "annotés morphologiquement".
Aujourd’hui, c’est plutôt vers l’aide à la pratique de la lecture en langue étrangère que je m’oriente, ou concrètement : en quoi des outils de TAL peuvent aider un apprenant à lire.
Le temps a passé et notre petite équipe s’est bien étoffée, mais elle a su rester toujours aussi solidaire, fraternelle et enthousiaste. Me vient ainsi le souvenir de deux collègues qui ont été très proches de notre équipe. Abdoulaye Diarra, qui nous enchantait tant avec ses ineffables histoires maliennes et mon ami Mwalimu Jean Dedieu Karangwa, récemment décédé.
Vous êtes ingénieur de recherche au sein de l'équipe ERTIM, quels sont vos axes de recherche, sur quoi porte votre travail ?
Je m’occupe principalement de didactique des langues, c’est à dire que je conçois – en général en collaboration avec des enseignants – des applications d’aide à l’apprentissage en ligne de langues et les réalise. Certaines sont classiques, c’est à dire ne requérant que des compétences en développement web – ainsi la création de composants pédagogiques interactifs ou la mise en ligne de cours de langue. D’autres nécessitent l’usage de technologies de la langue (telles des analyseurs automatiques morphologiques ou syntaxiques) – ainsi la génération automatique d’exercices, l’aide outillée à la lecture en langue étrangère.
En tant qu'ingénieur de recherche dans une équipe, une de mes tâches est aussi de répondre – selon mes compétences – à certains de ses besoins techniques, notamment pour la constitution et traitement de corpus, résoudre les fantasques problèmes de codage de caractères ; de l’aider à répondre à d’éventuels appels à projets nationaux ou internationaux. J’assure par ailleurs quelques enseignements dans le cadre de notre master : il y a quelques années sur une « typologie des écritures et de leur codage numérique » et aujourd’hui sur la « recherche d’information ».
Avez-vous un attrait particulier ou une spécialisation particulière pour une langue ou une civilisation enseignée à l'Inalco ?
Vis à vis des langues, je me définirais plutôt comme un papillon. Il me suffit de me débrouiller au quotidien, avec telle ou telle langue. Mais ce que j’aime c’est explorer leurs spécificités tant structurelles (morphologie et "grammaire") que superficielles (écriture). Par curiosité bien sûr, mais aussi par nécessité professionnelle. Pour mes applications en didactique ou sur les corpus multilingues, il me fallait bien quelques idées concernant les "variations" linguistiques et les systèmes d’écriture, voire parfois plus…
J’ai été ainsi amené à me familiariser quelque peu avec le grec, le hongrois, le russe et l’arabe...
Avez-vous d'autres activités à l'Inalco?
Je suis depuis une quinzaine d’année élu du personnel aux Comité Technique* (CT) et au Comité d’Hygyène, Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de l’Inalco.
*Le comité technique est une instance de concertation consultative (donc non décisionnaire - la direction peut passer outre les conseils de ce comité) chargée de donner son avis sur les questions et projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des services.
Y sont examinées les questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, aux méthodes de travail, aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire, à la formation, à l'insertion professionnelle, à l'égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations.
Isabelle Lakomy, archiviste
Isabelle Lakomy, archiviste
Quelle est votre formation initiale ?
J’ai suivi un cursus en histoire à l’université d’Orléans, mais ne souhaitais pas être professeure : je ne me voyais pas faire face tous les jours à des adolescents pas très motivés par cette matière !
Sur les conseils d’une amie, déjà en formation archives, j’ai effectué un stage dans un service d’Archives départementales à Orléans afin de découvrir le métier. Ce fût une révélation ! J’ai donc intégré le Master « histoire et archives » de l’université d’Angers quelques mois plus tard.
Et vous voilà devenue archiviste ! Qu'est-ce qui vous attire dans ce métier ?
Je suis venue aux archives par goût du patrimoine écrit, du papier. Je me sens à ma place dans un métier qui demande rigueur et esprit de synthèse et dans lequel mon sens de l’organisation est souvent mis à l’épreuve. J’aime découvrir le fonctionnement d’une administration ainsi que faire des enquêtes (retrouver une information). Cela me permet également de rester proche de ma formation initiale en rédigeant par exemple des textes historiques.
L’archiviste, tout en étant bien ancré dans le présent, puisqu’il doit se tenir au courant des évolutions administratives, sociétales et de la recherche historique, a un pied dans le passé et un autre dans le futur, je trouve cela passionnant !
Quels ont été vos premiers pas professionnels avant l’Inalco ?
À la sortie de l’université, j’ai effectué deux contrats de 6 mois aux Archives départementales du Loir-et-Cher puis à la Direction nationale de la formation de la Poste. J’ai ensuite pu intégrer les Archives départementales de l’Aisne comme adjointe à la directrice et responsable des archives contemporaines. Ce poste, pour une jeune diplômée, a été une réelle opportunité. Il m’a permis d’apprendre le fonctionnement des administrations et le langage administratif indispensables à mon métier ; et surtout d’acquérir une importante expérience de terrain tant en matière d’archivistique, que de management et de gestion de service.
Après plus de 8 ans, j’ai souhaité découvrir une autre strate du mille-feuilles administratif français et j’ai pris la tête des Archives municipales d’Epernay. J’y suis restée presque 6 ans. J’y ai complété mes compétences en matière de conservation mais surtout en matière de valorisation puisque j’ai notamment piloté les commémorations du Centenaire de la Grande guerre et créé plusieurs expositions.
Au cours de ce riche parcours professionnel, avez-vous eu une expérience marquante ?
Quand je suis arrivée aux Archives départementales de l’Aisne, ma directrice m’a annoncé que, quinze jours plus tard, nous devions animer une formation de sensibilisation à l’archivage sur 2 jours à l’attention de fonctionnaires territoriaux. En tant que chargée des archives contemporaines, j’étais sensée la piloter. J’étais bombardée prof sans pratiquement aucun socle pratique et donc peu d’exemples dans ma besace. Or, c’est ce qui rend vivante une formation. Heureusement, j’ai pu m’appuyer sur mon équipe et sur ce que la personne que je remplaçais avait déjà mis en place.
Durant les 8 années qui ont suivi, j’ai finalement animé des dizaines de formation de ce type, participé aux Master archives des universités de Lille et d’Amiens, à des formations pour les Archives de France et l’association des archivistes français… et j’ai pris goût au rôle de formatrice occasionnelle. Je me suis formée et je le suis toujours. La vie fait parfois des clins d’œil !
Vous êtes arrivée récemment parmi nous, pourquoi avoir choisi l'Inalco ? Aviez-vous un attrait particulier pour une langue ou une culture ?
J’ai postulé à l’Inalco, car c’est une école qui m’a toujours fait rêver… J’ai toujours été attirée par les cultures asiatiques, la Chine, le Vietnam… et surtout le Japon.
Dès le collège, j’espérais pouvoir apprendre le japonais, mais cela n’a pas été possible. Cette frustration et l’envie de suivre des cours ici me sont toujours restées dans un coin de la tête (du cœur ?). Et je réalise mon rêve : je viens de commencer les cours de japonais en formation continue à l’Inalco !
Et puis, c’est encore un nouvel univers à découvrir : les archives de l’université.
Que trouve-t-on dans les archives de l'Inalco ?
On trouve 3 types de documents dans les archives de l’Inalco :
- des archives administratives relatives au fonctionnement (stratégie, finances, RH, communication…) ;
- des archives administratives relatives aux enseignements et apprenants (dossiers des étudiants, livrets des études …) ;
- des archives de chercheurs.
Quelles sont vos missions ?
Mes missions au sein de l’Inalco sont, je dirais, « classiques ». Les archivistes ont pour habitude de parler des « 5 C » :
- Conseil : aider les services à gérer leurs dossiers au quotidien, procéder à la sélection de ce qui pourra être éliminé et de ce qui sera à conserver indéfiniment ;
- Collecte : prendre en charge les documents dont les services n’ont plus un besoin immédiat ;
- Classement : décrire ces documents, les référencer et les organiser les uns par rapport aux autres afin de pouvoir les retrouver facilement ;
- Conservation : veiller à ce que les documents ne s’abîment pas ou les faire désinfecter/restaurer si nécessaire ;
- Communication/Valorisation : répondre aux demandes de communications des services, aux recherches des usagers (justifications de droit des étudiants, recherches historiques), mettre en valeur les documents par d’autres moyens (conférences, rédaction de textes historiques, création d’expositions virtuelles ou physiques par exemple).
Quels sont les défis à relever ?
Tout d’abord, remettre les procédures en place afin que l’Inalco soit performant en matière d’archivage. Mais aussi, reprendre l’arriéré des documents qui ont été transférés rue de Lille sans avoir été répertoriés dans notre base de données, tout en gérant parallèlement les nouveaux flux. Et faire de la place (éliminations réglementaires), car les locaux de stockage sont saturés !
Ensuite, il y a le numérique : tant au niveau administratif, car certaines procédures vont être entièrement dématérialisées à l’avenir, que pour la recherche car beaucoup de données ont été créées, mais leur archivage n’a pas encore été pensé.
Enfin, en 2019, l’institut va fêter les 350 ans de la création de l’école des « Jeunes de langues » et j’aimerais pouvoir y participer pour valoriser les archives et l’histoire de l’établissement.
Autre chose pour mieux vous connaître ?
Je fais de la danse libre depuis 7 ans. C’est une pratique, que l’on pourrait qualifier de méditative, qui m’a ouvert et m’ouvre toujours de nouveaux horizons. Et… que j’envisage d’enseigner un jour, la boucle est bouclée.
Christine Ho et Raphaëlle Hervé, au cœur de la médiathèque
Christine Ho et Raphaëlle Hervé, au cœur de la médiathèque
Quelle a été votre formation initiale / votre parcours avant l'Inalco ?
Christine : Pendant mes études d'histoire de l'art, j'ai découvert des univers très différents au cours de stages et vacations effectués en galerie d'art, chez des antiquaires et en bibliothèque. Ma préférence s'est rapidement tournée vers le milieu des bibliothèques grâce à une première expérience au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France (BnF) au cours de laquelle j'ai pu mettre en pratique mes études en travaillant sur le catalogage d’œuvres patrimoniales. Mon métier a ensuite pris une nouvelle orientation très enrichissante au sein du département de l'Audiovisuel de la BnF tout nouvellement créé.
Raphaëlle : Après une licence d'Histoire, je me suis orientée vers un CAPES de Documentation. Alors que j'étudiais à L'IUFM de Paris Molitor, j'ai eu l’occasion de travailler comme monitrice étudiante à la Bibliothèque Sainte Geneviève, 20h00 par semaine. Et ça a été une véritable révélation ! Je ne me voyais plus travailler en collège ou lycée mais en bibliothèque universitaire. J’ai, par la suite, rejoint la bibliothèque interuniversitaire de Jussieu en tant que Bibliothécaire Adjoint, contractuelle.
Comment s'est passée votre arrivée à l'Inalco ?
Raphaëlle : J'ai passé un concours et je suis arrivée à l'Inalco en février 1999 au CERPAIM (Centre de ressources pédagogiques, Audiovisuel, Multimédia). C’est au sein de ce service que je me suis spécialisée sur le support Audiovisuel.
Christine : Tout naturellement, après plusieurs vacations en bibliothèque, j'ai moi-même passé un concours, et je suis arrivée à l'Inalco en octobre 1999, quelques mois seulement après Raphaëlle. En fait, nous sommes, non pas du même village comme Guy et Paul (TICE), mais entrées à l'Inalco dans le même service quasiment en même temps !
Raphaëlle et Christine : À cette époque, le CERPAIM disposait déjà d'un fonds documentaire. Grâce à nos compétences de documentalistes, nous avons toutes les deux travaillé à mettre sur pied une réelle politique documentaire et d'acquisition avec les droits négociés qui manquait cruellement au CERPAIM.
Avec l’arrivée du numérique, comment la médiathèque a-t-elle évolué ?
Raphaëlle et Christine : À l'heure du développement des TICE (Techniques de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement), le pôle TICE de l’Inalco avec Pierre-Jean Vigny a donné une nouvelle dimension à la médiathèque.
Elle dispose aujourd'hui d'un SIGB (Système intégré de gestion des Bibliothèques) pour permettre un catalogage qui répond aux normes bibliographiques. Ainsi, nous proposons un prêt à domicile à nos étudiants, aux enseignants et au personnel administratif. Le catalogue est disponible en ligne sur le site de la médiathèque. Ce catalogue propose 770 DVD : les productions cinématographiques de 55 pays sont représentées sur 6 aires géographiques. Près de 1000 ressources vidéo et audio (colloques, conférences, interview et manifestations culturelles) sont disponibles en ligne (podcast). L’ancien fonds de VHS du CERPAIM que nous avons en partie conservé est disponible en consultation uniquement sur place. La médiathèque est aussi équipée de postes informatiques en libre-service.
La numérisation du fonds documentaire et sa mise en réseau ont fait apparaître une nouvelle définition du métier de documentaliste spécialisé en ressources audiovisuelles et numériques.
Justement, en quoi consiste ce métier ?
Raphaëlle et Christine : Nos missions se répartissent sur plusieurs activités :
-l’acquisition des documents avec les droits négociés : c’est-à-dire que nous faisons une recherche directe auprès des producteurs pour acquérir de nouvelles ressources documentaires et nous négocions avec eux l’achat de ces documents. Nous nous approvisionnons aussi auprès de distributeurs au service des réseaux institutionnels et éducatifs tels que l’ADAV, COLACO et la vidéothèque du CNRS. Au fur et à mesure, nous remplaçons ainsi l’ancien fonds VHS en DVD. Nous travaillons de concert avec les enseignants à l'enrichissement du fonds de DVD de la médiathèque. Cette partie comporte aussi un aspect juridique puisque nous sensibilisons les utilisateurs et le personnel technique aux sources légales (droits d'auteur).
-le traitement intellectuel et matériel des documents : Outre l’aménagement des espaces de rangement des documents, nous faisons le récolement (inventorier les documents) et le désherbage (documents à retirer du fonds documentaire).
-le catalogage des documents consiste en l’analyse bibliographique, la rédaction d'un résumé, l’indexation et la cotation. Nous utilisons un logiciel de gestion spécifique, au nom qui évoque les saveurs orientales, e-Paprika, qui nous permet le suivi et le prêt des documents. Il y a aussi une dimension relationnelle importante avec notre public.
Enfin, nous sommes en charge de l’indexation des ressources podcast (via une interface de publication type CMS) : il s’agit plus particulièrement de la gestion du contenu rédactionnel et de l'indexation de la vidéothèque en ligne de l'Inalco.
Au cœur de cette offre audiovisuelle multiculturelle, avez-vous un attrait particulier pour une ou plusieurs langues et cultures ?
Christine : À la médiathèque, je m'occupe plus particulièrement du fonds concernant l'Asie, le Pacifique et l'Afrique. Je suis peut-être plus sensible à ces cultures. Par ailleurs, j’ai inévitablement des affinités avec la culture chinoise puisque mon époux est d'origine chinoise ! Cette langue m'est familière, cependant je ne l'ai toujours pas apprise, mais je ne désespère pas !!!!! Les visites d’expositions et de musées, ainsi que mes voyages sont aussi de belles sources de rencontres et de découvertes.
Raphaëlle : Je suis chargée de la gestion du fonds documentaire de l'Europe Centrale et Orientale, Russie, Maghreb, Proche et Moyen-Orient. Mais mon intérêt ne se focalise pas uniquement sur ces parties du monde. Culturellement, je m’intéresse à l’art. Sur un plan familial, mon papa qui a vécu 2 ans au Cambodge m'a donné le goût pour l'art khmer. Également fan de Street Art, je constitue, au cours de mes promenades à Paris et à Londres, une belle photothèque de graffitis réalisés par des Street Artists de renommée internationale qui œuvrent dans les espaces publics du monde entier.
Ou pour un cinéma étranger ?
Christine : Pour moi, le film, qu'il soit de fiction ou documentaire, a toujours été un moyen subtil pour faire passer des messages et pour aller plus loin dans ses réflexions ; la manière de tourner, le décor, les jeux d'acteurs, la musique, tout a son importance. Depuis mon arrivée à l'Inalco, j'ai découvert des cinémas de tous pays. C'est un véritable enrichissement et une belle approche des cultures. Il est difficile de faire une sélection, j'aime aussi bien le cinéma de Satyajit Ray très réaliste sur la société indienne que celui de King Hu (Chine) pour ses films de sabre ou bien encore le cinéma d'Hirokazu Kore-eda (Japon) pour ses films sur les relations humaines. Bref, la liste est infinie...
Raphaëlle : Pour ma part, le cinéma iranien est une belle découverte, notamment les films de Jafar Panahi comme Taxi Téhéran. Mais je suis aussi sensible aux contrastes du cinéma coréen, du polar noir, Old Boy de Park Chan-wook à celui plus poétique comme Poetry de Lee Chang-dong.
Jing Guo, enseignante de chinois très impliquée dans l'ingénierie pédagogique
Jing Guo, enseignante de chinois très impliquée dans l'ingénierie pédagogique
Vous avez commencé à Grenoble ...
En effet, j’ai achevé ma thèse en 2012 en sciences du langage à l’Université Grenoble Alpes. Ma thèse, sous la direction des professeurs Elke Nissen et Christian Degache, portait sur la compréhension de l'oral en chinois langue étrangère à l’aide des dispositifs hybrides. J’ai également enseigné le chinois pendant 7 ans dans cette même université, en parallèle à une participation active à des projets d'ingénierie pédagogique.
Et ensuite, vous arrivez à l'Inalco :
En septembre 2013, je suis arrivée à l’Inalco en tant que maître de conférences (MCF) de chinois. Depuis, je suis chargée de cours de l’oral de chinois au sein du département d'études chinoises, et je suis également membre de l'équipe de recherche Pluralité des Langues et des Identités : Didactique – Acquisition – Médiations (PLIDAM).
Je travaille sur 2 axes : La compétence en langue : construction et évaluation (axe 2) dont je suis co-responsable, et sur le programme A, Conception dans une perspective plurilingue d'outils pédagogiques (axe 5). Mon domaine principal est la didactique du chinois, je suis particulièrement intéressée par le rôle des micro-compétences et des stratégies dans le processus de la compréhension de l’oral. Je travaille également sur l’exploitation et l’application des TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement) dans l’apprentissage du chinois.
Vos étudiants nous ont beaucoup parlé de votre implication en cours, et notamment d'un projet numérique interculturel ?
Dans le cadre du cours de chinois de master 1 "chinois avancé, compréhension et expression orales", et pour la troisième fois cette année, nous avons proposé aux étudiants de choisir entre le cursus traditionnel et la participation à un projet international intitulé "Global Perspective via Short Film", qui consiste à se mettre en compétition avec d’autres établissements universitaires internationaux, pour présenter un reportage en chinois sur un thème culturel ou social. Ce projet a été porté par la London School of Economics, dont les principaux partenaires sont l’Inalco et l’université de Venise.
Chaque établissement sélectionne 3 reportages qu’il soumet à l’évaluation des étudiants participants des autres pays. Les étudiants sont notés sur la qualité de leur reportage ainsi que sur leur participation active au projet tout au long de son déroulement, selon un planning pré-établi. Ce projet est très important pour nos étudiants et pour l'Inalco. Outre le développement de leur compétence linguistique, ce travail d’équipe innovant leur permet d’acquérir plus d’autonomie pour apprendre la langue et la culture chinoises et être capable de s'auto-évaluer.
Par ailleurs, la collaboration du département "Études chinoises" avec des partenaires internationaux est très fructueuse dans l'échange d’idées pour améliorer la qualité de l'enseignement. Avec les forts soutiens de la direction des relations internationales et du département Chine, nos deux gagnantes 2017 ont pu se rendre à Londres pour la cérémonie de la remise des prix. Cette mission a été une très belle réussite et a permis d'accroître la visibilité et le rayonnement de l’Inalco et confirme, par conséquent, la qualité de nos formations à l'échelle internationale !
D'autres projets à venir?
Oui, nous sommes en train de mettre en place différents projets autour de plateformes linguistiques telles que SpeakShake qui verront le jour en 2018. Nous étudions la possibilité de coopérer avec le département de français de Beijing Foreign Studies University (BFSU) pour permettre un échange linguistique, également par le biais d'une plateforme, entre les étudiants chinois et français.
Robin Pastor, un vice-président étudiant engagé
Robin Pastor, un vice-président étudiant engagé
Un avant l’Inalco ?
En 2012, j’ai été diplômé d’un baccalauréat scientifique. Je garde toujours un intérêt certain pour les sciences « dures », mais je dois admettre que je n’ai jamais vraiment envisagé de poursuivre mes études supérieures dans ce domaine. Avant d’entrer à l’Inalco, j’ai étudié le droit pendant un an, à l’université Panthéon-Assas. Je me suis rapidement rendu compte que ce domaine, bien qu’intéressant, ne me correspondait pas. J’ai donc décidé de me tourner vers l’Inalco pour étudier un sujet qui me passionnait beaucoup plus : les études coréennes.
Pourquoi avoir choisi l'Inalco ?
Le coréen, comme toute autre langue « rare », n’est pas enseigné dans beaucoup d’établissements. J’ai fait le choix de l'Inalco pour la renommée de l’établissement, et son offre professionnalisante en commerce, relations internationales, communication et formation interculturelle, par exemple. Cela me semble être un outil essentiel pour devenir un expert à la fois de la région étudiée mais aussi d’un domaine professionnel particulier.
C’est donc le coréen qui vous attire. Comment s'est passée votre rencontre avec cette culture ?
J’ai eu un premier contact avec la Corée à travers l’expansion de la culture populaire, comme la plus grande majorité des étudiants en études coréennes. Mais d’autres aspects culturels ont rapidement attiré mon attention. Je dirais que la rencontre avec cette culture, une fois à l’Inalco, m’a permis de me conforter dans le choix que j’avais fait de laisser de côté mes études juridiques que me focaliser sur une formation qui me ressemblait davantage.
Tout au long de ma première année — et aujourd’hui encore — j’ai appréhendé la culture coréenne sous plusieurs aspects différents qui m’ont permis de m’en faire ma propre idée. Je suis parti pour la première fois en Corée du Sud en 2014 pendant la période estivale. Lors de cette première approche, je me suis rendu compte que le pays avait beaucoup à offrir, plus encore que je ne l’imaginais. J’ai été dépaysé dès mon arrivée : une première fois lors de mon arrivée dans un quartier bondé et rempli de boutiques ; une seconde fois quelques minutes plus tard en arrivant à Gangnam (강남), quartier le plus huppé de la ville avec de grandes bâtisses modernes, par exemple.
En 2015, j’ai eu l’opportunité d’étudier un an à la Seoul National University (SNU, 서울대학교) lors d’un échange universitaire. Cette expérience m’a permis de vivre en immersion totale à Séoul, me faisant découvrir le pays sous un tout autre aspect. En étant résident permanent et en étudiant là-bas, j’ai approché la culture coréenne sous un aspect totalement différent. C’est également grâce à cette expérience universitaire que certaines idées de projets ont germé dans mon esprit. Par exemple, le programme de parrainage, Inalco Buddy, que notre association a mis en place, s’inspire directement des programmes similaires dans les universités sud-coréennes pour accueillir les étudiants étrangers.
Désormais, une expérience me manque pour pouvoir prétendre comprendre tous les enjeux de la Corée — ou devrais-je dire, des Corées — partir au Nord afin de pouvoir me faire ma propre idée et de pouvoir en parler en toute légitimité.
Un goût pour les voyages, mais aussi pour l'engagement étudiant. Parlez nous de votre rôle à la CSIE :
Dès mon entrée à l’Inalco j’ai souhaité m’engager. Je suis devenu représentant étudiant du département Eurasie — dont les études coréennes dépendaient avant la création d’un département propre — et en deuxième année, j’ai intégré l’association O’Korea en tant que membre du pôle voyage. En 2016, je suis devenu élu étudiant membre du bureau du conseil de département d’études coréennes ainsi que représentant étudiant au conseil d’administration de l’Inalco. Cela m’a permis de proposer ma candidature au poste de vice-président étudiant à la CSIE.
Mon rôle, c'est d'accompagner les étudiants et les associations qui souhaitent mettre en place des projets, les aider à établir leurs budgets pour le dossier de candidature au FSDIE, les conseiller et les aiguiller, en coordination avec les services de l'Inalco. Ce rôle me tient à cœur puisqu’il me permet d’être en contact avec toutes les associations et de créer un lien humain avec leurs membres. De manière générale, je dirais que ma plus grande mission en tant que vice-président étudiant à la CSIE est de rester accessible et disponible pour toute personne souhaitant s’engager à l’Inalco.
Vous êtes aussi très impliqué dans la vie associative de l'Inalco !
A la fin de l'année universitaire 2016, j’ai eu la chance d’être accompagné par mon équipe et par le service de la vie étudiante pour créer l’association Saeho Paris, dont je suis encore président-fondateur. On voulait une association dynamique qui promeut la culture coréenne à travers différentes activités scientifiques et culturelles. Notre journée la plus importante est la Journée de la Corée qui se tient chaque année à l’Inalco, parmi les autres journées culturelles.
Nous avons également créé un programme de parrainage pour les étudiants de première année et les étudiants coréens en échange afin de leur venir en aide lorsqu’ils rencontrent des problèmes d’ordre administratif, par exemple. Ce programme est surtout l’opportunité de resserrer les liens entre les étudiants ; le département d’études Coréennes est connu pour l’esprit d’entente et la solidarité entre les étudiants, quel que soit leurs niveaux d’études. Grâce à ce programme nous voulons donc renforcer ces liens fraternels entres tous les coréanisants de l’Inalco, mais également créer un lien durable entre étudiants français et coréens.
L’association collabore également avec différents partenaires comme une agence de voyage pour proposer des tarifs avantageux, un karaoké coréen dans le 15e arrondissement, un café-bar dans le 5e où sont organisés les afterworks du programme de parrainage, etc.
Des projets ?
J’espère continuer à développer l'association avec les nouveaux membres de l'équipe pour proposer de nouveaux projets, justement.
Gilles Forlot, nouveau VP délégué à la formation et la vie étudiante
Gilles Forlot, nouveau VP délégué à la formation et la vie étudiante
Quelle est votre formation initiale? Quel est votre parcours avant l'Inalco ?
Je suis angliciste de formation. Après deux années de classes préparatoires littéraires post-bac, je suis allé jusqu'à l'agrégation d'anglais, puis suis parti au Canada. A mon retour en France au début des années 2000, après avoir passé dix années au Canada (à Toronto puis à Montréal), j'ai réalisé une thèse en sociolinguistique à l'Université de Louvain, en Belgique. J'ai été PRAG à l'IUFM de Lille, puis j'ai obtenu un poste de maître de conférences en langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes (section 11 du CNU) à l'Université de Picardie à Amiens, emploi ultérieurement converti en poste de sciences du langage (section 7 du CNU), avec une orientation en sociolinguistique et didactique des langues qui me convenait mieux.
En 2014, j'ai passé les concours de recrutement des professeurs des universités. A l'issue de ces concours, j'ai choisi de venir à l'Inalco plutôt qu'à l'Université de Bordeaux où j'avais également été admis. A l'Inalco, je suis professeur de ce que l'on appelle génériquement les sciences du langage, avec une spécialisation en didactique des langues et en sociolinguistique.
Quelles langues en particulier étudiez-vous/parlez-vous ?
De façon formelle, j'ai étudié plusieurs langues, ce qui ne signifie pas nécessairement que je les parle toutes « couramment » : l'anglais, l'allemand, le néerlandais, l'espagnol, le portugais, le breton, le mooré (langue du Burkina Faso) et, lorsque je vivais au Canada, une langue nord-amérindienne du groupe algonquin, l'ojibwé. Depuis que je suis à l'Inalco, je m'intéresse au monde malais (Singapour, Malaisie), et j'essaie, quand j'en ai le temps, de poursuivre mon apprentissage de l'indonésien-malais(ien), en suivant des cours à l'Inalco et surtout en travaillant par moi-même. Les langues que je parle avec plus ou moins d'aisance sont, hormis le français, l'anglais, l'allemand et le portugais.
Comment s'est passée votre arrivée à l'Inalco ?
Elle a été plutôt sportive ! A Amiens, je n'exerçais aucune fonction administrative particulière et lorsque je suis arrivé à l'Inalco, il a fallu que je prenne la direction de la filière FLE, que nous avons assez rapidement renommée filière Didactique des langues (DDL) pour que cela puisse couvrir des intérêts plus large de notre communauté éducative pour l'enseignement-apprentissage de langues autres que le français. J'ai également dû composer la maquette du parcours professionnalisant « Didactique des langues et du FLE » de la licence LLCER ainsi que mettre en place le master DDL, que nous co-accréditons avec nos partenaires de Paris 5-Descartes et Paris 3-Sorbonne Nouvelle. Tout cela a constitué beaucoup de travail, mais je crois pouvoir dire que les résultats sont plutôt positifs et appréciés des étudiants.
Quels sont vos axes de recherche ? Sur quoi porte votre travail de recherche ?
Avant d'arriver à l'Inalco, je ne travaillais pas particulièrement sur des aires orientales. Ayant une entrée plutôt disciplinaire, j'avais fait du terrain au Canada dans le monde de la francophonie minoritaire, en Belgique auprès de familles migrantes et en Picardie, région française où la langue régionale, le picard, est en situation de minoration invisible par rapport à la langue nationale, le français. J'ai aussi effectué des enquêtes sur la place des activités linguistiques dans le système éducatif français. Mes intérêts, au-delà des aires géographiques ou culturelles, portent sur les questions entourant la place des langues dans les constructions nationales, communautaires et identitaires. Un de mes terrains d'étude est l'apprentissage des langues et la place du plurilinguisme dans le fonctionnement des sociétés multiculturelles.
Actuellement et depuis 2015, mon terrain de recherche se situe pour l'essentiel à Singapour, où j'ai effectué plusieurs séjours à l'occasion de deux projets de recherche co-financés par USPC et la National University of Singapore. Je m'intéresse à la façon dont cette jeune république s'est construite il y a 52 ans et se réinvente de nos jours par la gestion de sa diversité culturelle et linguistique. Ce terrain sud-est asiatique est absolument passionnant pour un sociolinguiste, et pose également de nombreuses questions didactiques.
Vous venez d'être nommé vice-président délégué à la formation et la vie étudiante, en quoi consiste cette mission ? Quels sont vos projets ?
Cette nomination arrive à un moment particulier, celui du nouveau projet de formation de l'établissement pour les années à venir. Mes fonctions, avec les équipes qui m'accompagnent, consistent à faire fonctionner les formations et la vie étudiante au quotidien. C'est le volet opérationnel : calendrier, examens, admissions, diplômes, initiatives étudiantes, etc. Je préside également le conseil des formations et de la vie étudiante, qui est un des conseils centraux de notre établissement. Une partie du travail à venir est également de réfléchir et de faire des propositions de renouvellement de notre offre de formation, de la licence à la formation doctorale, en passant par les masters et les diplômes d'établissement. Pour cela, il convient de veiller à la cohérence pédagogique de ces formations et, le cas échéant, à leur adéquation aux contraintes que nous imposent les services du Ministère.
Julien Vercueil, spécialiste des économies post-soviétiques, fraichement distingué
Julien Vercueil, spécialiste des économies post-soviétiques, fraichement distingué
Quelle est votre formation initiale, votre parcours avant l’Inalco ?
J'ai une formation en économie et en gestion à l'ENS de Cachan, suivie d'un cursus de préparation à la recherche à Science po Paris (à l'époque - début des années 1990 -, il s'agissait du DEA « Études soviétiques et est européennes » dirigé par Hélène Carrère d'Encausse) et à l'Université Paris-X Nanterre (DEA "Économie des Institutions", dirigé par Olivier Favereau). J'ai soutenu ma thèse en 2000 à l'Université de Nanterre sur l'ouverture de l'économie russe durant la transition. Titulaire d'une agrégation d'économie et gestion, j'ai d'abord travaillé à l'IUT Jean Moulin de l'Université de Lyon. J'ai ensuite été recruté par l'Inalco en 2011, sur un poste intitulé « Économie des États post-soviétiques ».
Comment s'est passé votre découverte de la langue et de la culture russe ?
C'est une histoire ancienne, mais je n'ai aucune attache familiale dans le monde russophone. J'ai commencé par étudier le russe en collège, à Marseille, où j'ai bénéficié de très bons enseignants, tels M. Barlesi ou Mme Nina Kéhayan (co-auteure, avec son mari Jean Kéhayan, du livre fameux intitulé Rue du prolétaire rouge). Mon premier voyage en Russie date de cette période : le rideau de fer n'était pas tombé et l'Union Soviétique n'avait pas encore connu les réformes de Mikhaïl Gorbatchev.
J'ai dû mettre entre parenthèse l'étude du russe durant mes années de classes préparatoires, mais j'ai pu y revenir à l'ENS et à Sciences po. Le reste relève de la coïncidence historique : au moment où je m'interrogeais sur les perspectives de recherche en sciences économiques, l'URSS implosait. J'avais devant moi le champ d'étude le plus incroyable qu'un économiste qui s'intéresse aux rôles des institutions pouvait imaginer : la transformation accélérée de tous les modes de coordination économique d'un immense espace, aux conséquences sociales, économiques et politiques, très profondes. J'ai choisi mon enseignant de DEA, M. Jacques Sapir, comme directeur de thèse et me suis embarqué dans l'étude de l'économie russe. Elle ne m'a plus lâché depuis.
Votre arrivée à l'Inalco comme enseignant a eu lieu en quelle année ? Quel a été votre parcours ensuite ?
J'ai intégré l'Inalco en septembre 2011. J'y enseigne dans plusieurs départements et filières : le département « Métiers de l'international », qui comprend les filières « Commerce international » et « Relations Internationales », et le département « Etudes russes ». J'y enseigne l'économie générale (par exemple l'organisation et les stratégies d'entreprise, ou la macroéconomie financière internationale) et l'économie appliquée aux États post-soviétiques (« Economie de la Russie » en troisième année de licence du département Russie, « Intégration de la Russie à l'économie mondiale » pour les masters, « Economie de la zone Russie-Communauté des États Indépendants - Pays d'Europe centrale et orientale », etc.).
Pour la dimension « recherche » de mon activité, j'ai rejoint le Centre de Recherches Europes Eurasie de l'Inalco, qui est pluridisciplinaire. Je peux ainsi mener des projets en coopération avec mes collègues historiens, géographes et politistes, par exemple. Depuis mon arrivée à l'Inalco, j'ai passé une habilitation à diriger des recherches en économie et j'ai ouvert dans la filière Commerce international une licence professionnelle tournée vers les pays émergents, avant d'être nommé directeur de la filière en 2015.
Quels sont vos axes de recherche ? Sur quoi porte votre travail de recherche ?
Pour résumer, mes recherches visent à combiner une approche théorique inspirée du courant institutionnaliste en économie (dont la théorie de la régulation, l'économie des conventions et les approches évolutionnistes, par exemple) et l'étude des transformations que connaissent les économies de l'espace post-soviétique, en particulier la Russie.
Au fil du temps, cette approche a inclus l'analyse comparative des trajectoires macro-économiques, en particulier dans ce qu'on appelle depuis quelques années les "pays émergents", au premier rang desquels figurent les BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine). Bien sûr, il est hors de question de se prétendre spécialiste d'une aussi grande variété d'économies et de configurations institutionnelles, mais les approches que je mobilise fournissent des outils intéressants pour confronter les trajectoires macro-économiques et sociales de pays qui présentent des différences structurelles importantes. De ce fait, mon camp de base reste la Russie, mais je ne m'interdis pas d'aller voir ce qui se passe ailleurs et d'en retirer les enseignements qui peuvent nourrir mon analyse...
Ces derniers temps, les soubresauts de l'économie russe et les tensions dans son insertion internationale (illustrées par les sanctions et contre-sanctions) m'ont conduit à centrer mes analyses sur sa situation conjoncturelle. Mais justement, ce que montrent les analyses institutionnalistes, c'est l'importance de distinguer, dans une trajectoire donnée, ce qui relève du court terme de ce qui provient des structures fondamentales de l'économie. En définitive, c'est le plus souvent sur cette distinction que portent mes recherches.
En tant que directeur de la filière Commerce international et de la licence pro « marchés émergents » quelles sont vos missions, vos projets?
La filière Commerce international a une vocation : doter les étudiants des aptitudes qui leur permettront une insertion réussie dans le monde professionnel, en particulier dans les entreprises tournées vers l'international. Dans ce contexte, mon rôle est d'animer le développement de la filière, en concertation avec tous les interlocuteurs et acteurs de l'Inalco avec qui nous travaillons. Nous veillons à la cohérence des diplômes que nous proposons, mais aussi à l'actualisation des maquettes pédagogiques, en fonction de ce que nous percevons des besoins de nos étudiants et de ce qui est requis par le milieu professionnel qui les attend à leur sortie de l'Inalco.
C'est pour cela que nous insistons sur le lien avec le monde extérieur : la filière offre 2 niveaux de formation en alternance (le master pro et la licence pro) et toutes les autres années de formation que nous proposons sont assorties d'une période de stage dans un organisme extérieur. L'idée est que nous ne pouvons prétendre former de manière exhaustive nos étudiants par des cours et des séminaires. Ils doivent être capables d'apprendre par eux-mêmes et multiplier pour cela les contacts avec des pratiques professionnelles. D'où, aussi, l'organisation de conférences témoignages, la collaboration avec les Conseillers du Commerce Extérieurs de la France, l'introduction de simulations et de jeux d'entreprise, etc.
Mais il faut aussi que les étudiants puissent prendre du recul sur ces expériences, les analyser avec méthode pour les confronter à leurs envies. C'est à cette condition qu'ils pourront construire de véritables stratégies personnelles pour leur futur parcours dans le monde du travail. Il faut donc qu'ils acquièrent des connaissances sur l'environnement économique dans lequel les entreprises gravitent, sur les techniques qu'elles utilisent à l'international, etc.
Nos projets principaux concernent le développement de l'alternance et des relations avec le monde professionnel. Les appréciations des entreprises de stage et d'alternance sur nos étudiants sont extrêmement positives. Les retours de nos anciens diplômés sur notre formation, également. Mais la filière Commerce International de l'Inalco est encore, à mes yeux, trop peu connue des entreprises et nous avons besoin de beaucoup travailler sur notre notoriété, pour nous faire mieux apprécier du milieu vers lequel nous envoyons nos diplômés.
Emmanuel de Brye, des mathématiques à l'écriture sur le monde arabe
Emmanuel de Brye, des mathématiques à l'écriture sur le monde arabe
Quel a été votre parcours avant l’Inalco ?
Après le bac, je voulais absolument faire de l’arabe. Mon grand-père paternel avait vécu au Maroc. Il m’a parlé de l’Afrique du Nord toute mon enfance. Je me suis donc inscrit aux Langues O' pour étudier la langue arabe.
Je ne savais pas ce que j’allais faire. J’étais un rêveur… j’ai fait uniquement ce qui me plaisait et les tendances professionnelles de l’époque en lien avec le monde arabe (domaine pétrolier, le commerce, etc.) ne m’intéressaient pas du tout.
J’ai commencé par étudier la langue arabe, et aussi un peu le swahili, puis j’ai préparé un diplôme du CPEI (Centre de Préparation aux Echanges Internationaux) à l’Inalco. Diplôme que j’ai bien réussi, mais qui m’a ennuyé à mourir, car je ne suis pas fait pour le commerce. J’ai finalisé mes études par un DEA en Islamologie aux Comores beaucoup plus intéressant sur le plan intellectuel.
Entre 1979 et 1984, durant mes études, j’ai beaucoup voyagé dans le monde arabe : au Maroc, en Algérie, en Égypte, en Tunisie, au Yémen… Au cours d’un de mes voyages, j’ai fait escale à Addis-Abeba. J’ai été fasciné par la capitale éthiopienne et j’aurais aimé découvrir plus ce pays et sa culture.
J’ai décidé de préparer le CPEI après une expérience professionnelle en Algérie où j’espérais retourner une fois diplômé. J’avais été engagé chez Thomson, une grande société industrielle française en tant que commercial et ce par le biais de l’Inalco. J’ai voyagé dans tout le pays et l’ai vraiment trouvé de toute beauté, un peu comme une France du Midi qui serait resté figé dans le passé et sans souffrir de la pollution qu’occasionne le tourisme de masse.
Je ne suis resté en Afrique du Nord que quelques mois et je l’ai regretté car hormis ce passage en Algérie, je peux qualifier cette expérience professionnelle dans le monde industriel comme la période la plus exécrable de ma vie ! Cela ne correspondait pas du tout à mes intérêts tant dans la branche d’activité qu’humainement. Je n’aimais pas du tout le regard assez méprisant que beaucoup de cadres commerciaux de l’époque portaient sur les femmes et les peuples extra-européens.
À l’Inalco, quel poste occupez-vous ? Quelles sont vos missions ?
J’ai débuté professionnellement à l’Inalco en 1989. J’ai travaillé un an aux inscriptions pédagogiques du département Asie du Sud, Asie du Sud-Est. Par la suite, j’ai été attaché de direction au sein de la filière CPEI jusqu’en 2014. En plus de la gestion administrative des étudiants, il s’agissait également d’organiser des événements et des conférences spécifiques pour les étudiants de cette filière.
En 2014, j’ai rejoint le Service d'information, d'orientation et d'insertion professionnelle (Sio-ip), le service de Catherine Mathieu, avec laquelle j’avais déjà travaillé au CPEI 22 ans auparavant. Mon poste actuel s’articule autour de deux missions principales : la gestion des conventions de stages ainsi que la diffusion des offres de stages et emplois auprès des étudiants et des récents diplômés. J’ai organisé une base de données qui me permet de relancer chaque année les étudiants intéressés par ce service. Je fais également le suivi des stages pour établir des statistiques et apporte une véritable assistance administrative aux étudiants.
L’Inalco pour moi est très intéressant et j’y suis heureux : c’est un public très original, avec des profils variés, ce qui fait que chaque année est différente. C’est un milieu riche de rencontres, très ouvert sur le monde et les autres. Il y a une atmosphère générale conviviale avec les étudiants et les enseignants.
Vous avez donc un attrait particulier pour la langue et la culture arabe
Le monde arabe m’a toujours fortement intéressé. Je suis particulièrement passionné par la langue et la civilisation arabes. Cette langue a une grammaire bien structurée, très logique, mathématique. Et je suis féru de mathématiques. J’ai fait un bac D. Un de mes enseignants au lycée était algérien et nous a communiqué le goût des mathématiques, de la logique. J’admire ce que la civilisation musulmane a apporté au monde des sciences, ce qu’elle a su synthétisé de l’Inde et de la Grèce en matière de mathématiques. Je regrette qu’il n’y ait pas à l’Inalco un cours sur le monde arabe et son apport dans les sciences dites dures : mathématiques, physiques, chimie auxquelles on pourrait d’ailleurs ajouter l’optique, la médecine et l’astronomie…
En parallèle de mon activité professionnelle à l’Inalco, j’ai, en quelque sorte, poursuivi des travaux de recherche et d’études en tant que membre de l’association des anciens élèves et amis des langues orientales. Depuis 20 ans, j’ai écrit presque une cinquantaine d’articles sur les emprunts du français à l’arabe dans la Revue Orients (à l’époque cela s’appelait Bulletin des anciens élèves de l’Inalco). Je me suis aussi amusé à écrire des contes, pour vous donner un exemple, Le Satrape et la Persane, publié en février 2013. En 2012, à la suite d’un cancer dont j’ai guéri un an après, j’ai repris des cours du soir d’arabe et parallèlement, grâce à un enseignement passionnant de deuxième année de licence à l’Inalco, j’ai découvert l’art islamique. Celui-ci, empreint de géométrie, ne peut que plaire à un passionné de mathématiques comme moi. Mon intérêt s’est alors porté sur l’architecture de monuments comme le Dôme de Soltaniyeh en Iran. Je retrouve cette affinité avec la civilisation arabe avec la musique russe que j’apprécie beaucoup (opéra, classique…) avec ses sonorités orientales, et surtout avec la péninsule ibérique avec laquelle j’ai un lien familial. J’y voyage depuis de nombreuses années et confectionne des sortes de « carnets de voyages » sur les monuments historiques.
Aujourd’hui l’offre de formation de l’Inalco s’est développée et si c’était à refaire professionnellement, au lieu du CPEI, j’aurais préparé un diplôme de Français Langue étrangère pour enseigner le français, bien sûr ! Hélas, je ne suis pas du tout doué pour les langues, ma mère était américaine et je parle très mal l’anglais ! ; ma femme est portugaise et je parle aussi très mal le portugais !
En dehors de l’Inalco, avez-vous d’autres centres d’intérêt ?
Depuis 2013, après mon opération, j’ai adhéré à une association de patients contre le cancer du rein. Dans ce cadre, je collabore régulièrement à une revue de presse. J’assiste également à la conférence annuelle d’un urologue spécialiste du cancer dont je rédige un résumé que je diffuse auprès des membres de l’association. Je profite de cette revue de presse pour présenter une personnalité scientifique ou artistique décédée du cancer comme Maryam Mirzakhani, mathématicienne iranienne décédée cet été, ou Sophie Germain, mathématicienne française du XIXe siècle. J’ai également publié des numéros consacrés à l’actrice israélienne Ronit Elkabetz et à l’écrivain Boris Pasternak.
Jérôme Samuel, nouveau VP
Jérôme Samuel, nouveau VP
Quelle a été votre formation initiale, avant l’Inalco ?
J’ai une formation initiale en histoire (à Paris IV) et je ne suis venu à l’Indonésie, l’indonésien et à l’Inalco qu’un peu plus tard, alors que j’arrivais presque au terme de cette formation. Ma formation dans le domaine dont relève ma thèse (sociolinguistique et terminologie) est très postérieure.
Votre découverte de la langue et de la culture indonésiennes ?
J’ai découvert l’Indonésie assez tôt, à l’âge de 14 ans à travers une troupe de musiciens et de danseurs de Bali que j’avais eu l’occasion d’accompagner quelques jours en tournée à Paris et en Italie. Ces rencontres se sont répétées à plusieurs reprises, au rythme des tournées de ces artistes et je n’ai longtemps connu ces gens qu’en France, car à l’époque on voyageait beaucoup moins qu’aujourd’hui. D’ailleurs j’ai fait mon premier séjour en Indonésie à l’âge de 22 ans seulement, et j’y ai vécu entre 1986 et 1991. Mais pour en revenir à ceux par qui j’ai connu ce pays, aujourd’hui, quarante ans plus tard je suis toujours en contacts très fréquents avec eux. Nous avons vieilli ensemble.
Votre arrivée à l’Inalco ? Quel est votre parcours à l’Inalco ?
J’ai été recruté comme chargé de cours en 1995, puis comme maître de conférences en 2002 et enfin professeur en 2016. L’indonésien-malaisien n’est pas une grosse section et j’ai donc repris toutes les responsabilités qui m’ont été léguées par mon prédécesseur, comme c’est souvent le cas : gestion de la section, épreuves du bac (aujourd’hui assurées par mon collègue Etienne Naveau) et des concours, etc. Assez rapidement j’ai été sollicité pour prendre la direction du département Asie du Sud-Est, Haute Asie et Pacifique et un peu plus tard pour m’occuper des licences, dans le contexte délicat du passage au LMD. Cela m’a occupé jusqu’en 2010, je crois. A la même époque j’ai commencé à siéger dans les instances.
Quels sont vos axes de recherches ? Sur quoi porte votre travail de recherche ?
Mes recherches ont toujours été pluridisciplinaires, ce qui n’est pas toujours simple à gérer. Depuis plusieurs années, elles concernent trois domaines : la sociolinguistique (avec un lien de plus en plus ténu avec mes recherches doctorales), la didactique de l’indonésien (élaboration d’outils tels que manuels et grammaire) et un troisième champ sans rapport, autour de l’iconographie populaire à Java aux 19e et 20e siècles. Mon projet le plus récent concerne l’intercompréhension entre indonésien et malaisien, deux variantes proches du malais et qui sont également les langues nationales de l’Indonésie pour l’un, de la Malaisie, de Singapour et du Brunei Darussalam pour l’autre.
Vous êtes l’auteur d'un manuel d’indonésien (L’Asiathèque), comment l’avez-vous conçu ?
Je dirais que ma co-auteure (Saraswati Wardhany) et moi l’avons d’abord conçu pour répondre aux besoins des étudiants et des collègues de la section d’indonésien-malaisien ! Ensuite sont venues d’autres considérations d’ordre didactique, linguistique et pratique. Parmi les questions les plus délicates, il faut mentionner le choix de la norme à enseigner et l’emploi d’outils linguistiques ad hoc, au regard de la langue mais aussi des besoins et connaissances des étudiants. Nous avons aussi essayé de faire un ouvrage vivant, coloré et agréable à consulter.
Aujourd’hui, vous avez été nommé Vice-président en charge de l’organisation et des moyens, en quoi cela consiste-t-il ?
L’intitulé officiel mentionne « l’organisation et les moyens » ou « les affaires générales », ce qui suggère des ramifications assez larges. Il s’agit de seconder la présidente et aussi, pour partie, de débusquer les angles morts, c’est-à-dire à traiter les problèmes grands ou petits qu’aucun autre poste de direction ne couvre. Je répondrai plus facilement à cette question dans quelques semaines.
Paul & Guy, un portrait à deux voix
Paul & Guy, un portrait à deux voix
Que faisiez-vous avant l’Inalco ? Comment êtes-vous arrivés à l’Inalco ?
Guy : Ma période pré-Inalco ?...Et bien, je travaillais dans le bâtiment comme électricien, et puis après dans une usine de galvano plastie où je fabriquais de belles théières marocaines, tiens… à l’époque j’avais déjà...
Paul : …Tu avais déjà une fibre orientale…
Guy : …Et le hasard de la vie a fait que j’ai rencontré le responsable du service audiovisuel (SAV) de l’Inalco, M. Édouard Cléret, qui m’a proposé de venir travailler avec lui. Je suis donc arrivé en 1973. Au tout début, le SAV avait été créé uniquement pour le département Japon.
Paul : En 1968, d’ailleurs, sous l’impulsion de M. Fujimori
Guy : Exact, et c’est Édouard qui en a fait un service commun pour toutes les langues de l’Inalco. Il a créé des antennes du service audiovisuel dans tous les autres centres pour que toutes les langues bénéficient des services d’enregistrements, de montage, de diffusion. La vidéo n’existait pas encore.
Vous produisiez quoi exactement ?
Guy : On ne peut pas dire que c’étaient déjà des méthodes de langue, on était plus sur des enregistrements sonores adaptés à la pédagogie de l’époque. Chaque année, c’était réenregistré.
Et toi, Paul, tu ne veux pas nous en dire plus ?
Paul : Je n’ai pas fait de formation ou d’études en audiovisuel. J’ai pourtant commencé à travailler en lien avec le film au SFRS (service du film de recherche scientifique). Il produisait du film en 16 mm pour des universités, un peu comme le CNDP avait un fonds audiovisuel pour les collèges et lycées. J’étais vérificateur de films, c’est-à-dire que je travaillais sur des rembobineuses, avec des gants. Je veillais à ce que les films partent en bon état et reviennent en bon état. Il fallait couper les portions abîmées, refaire les perforations. Ça a été mon premier contact avec la matière audiovisuelle.
Par la suite, la directrice du SFRS m’a embarqué sur le projet du musée de la Villette : pendant un an et demi, j’étais rattaché à sa cellule vidéo. En parallèle, je commençais en tant que régisseur sur le projet du tout premier film en Omnimax pour la Géode, L’Eau et les hommes de Pierre Willemin.
Les Français ne connaissaient pas encore trop cette technologie : c’était des pellicules en 70 mm qu’il fallait réduire en 35 mm pour que les réalisateurs puissent visionner ce qu’ils avaient tourné. Je récupérais toutes les chutes en 35 mm sur les bandes montages que je découvrais pour faire des séries, rattacher tous les rushs qui avaient été faits. En Omnimax, on était sur un écran 160 degrés, horizontal et vertical. Il fallait projeter ces rushs sur une mini géode, un écran hémisphérique. Je montais des diaporamas invraisemblables sur plusieurs projecteurs en même temps. Ce feu d’artifice audiovisuel à la Villette, c’est ce qui m’a motivé à poursuivre dans ce domaine…
Guy : Et puis, à un moment tu t’es inscrit à l’Inalco… pour faire du hindi !
Paul : Je faisais aussi de longs voyages, entre autres en Inde, et j’ai voulu apprendre la langue. Je me suis inscrit à l’Inalco tout en bossant parallèlement à la Villette… Pourtant plein de bonne volonté, le premier soir où j’ai voulu aller travailler en laboratoire, et bien il y avait Guy qui sirotait un thé, installé dans un canapé en train de regarder un film bengali de Satyajit Ray, Pather Panchali. Vous voyez la scène (rires). Et, au lieu de m’orienter vers le laboratoire pour travailler comme tout étudiant studieux, il m’a fait passer de l’autre côté du comptoir, m’a installé dans le canapé, m’a servi du thé et m’a imposé de regarder le film de Satyajit Ray ! Mon hindi est donc resté un peu en carafe (rires). J’ai fait deux années. Par la suite, on m’a proposé de remplacer quelqu’un au laboratoire en tant qu’aide pédagogique vacataire pour l’Asie du Sud. Puis, je suis devenu contractuel en remplaçant quelqu’un en poste, et j’ai passé un concours.
Vous avez une longue expérience de votre métier qui évolue sans cesse, comment s’est-il développé au sein de l’Inalco ?
Guy : À nos débuts, on travaillait essentiellement le son et la diapositive ; la vidéo n’existait pas. Et, un jour, est arrivé un gros magnétoscope très standard qui pesait 40 kg. Il nous a permis de lire les premières cassettes en U-matique qui venaient du Japon. La vidéo est arrivée comme ça. On avait quelques formations pointues, mais surtout on était très curieux. On lisait tous les modes d’emplois. Ensuite, on a eu un caméscope à bandes pour les premiers tournages. Après est arrivé un lecteur enregistreur. Puis c’est à partir de là que la vidéo a évolué. Notre chance c’est d’avoir été très réactif : c’est devenu très intéressant. On a eu des premières régies uniquement en noir et blanc, on pouvait filmer des cours en direct, puis faire des montages en direct. L’enseignant le récupérait et le diffusait auprès des étudiants. C’était passionnant de faire ça.
On allait filmer des spectacles à l’extérieur avec du matériel qui n’était pas du matériel portable. Je me souviens d’être parti des nuits entières avec d’autres collègues, deux voitures remplies de matériel. On revenait au petit matin et on faisait les montages. C’était une époque plutôt cocasse.
Les salles ont été équipées de vidéoprojecteurs pour pouvoir diffuser toutes nos productions : aussi bien des documents originaux rapportés de Chine, du Japon ou d’ailleurs par les enseignants que des documents qu’on avait montés avec eux et les étudiants.
Et arriva la révolution numérique…
Guy : Avant, quand un enseignant voulait modifier une séquence de 5 secondes, il n’y avait que deux solutions : grignoter 5 secondes sur la séquence suivante ou alors refaire tout le montage. L’arrivée du numérique a bousculé tout ça : on pouvait faire tout ce qu’on voulait.
Paul : Le procédé de l’analogique c’est la copie : les rushs sont sur un support et, pour les monter, on copie des bouts les uns derrière les autres. Ça fait une génération puis une autre et à chaque fois, tu perds de la qualité. En numérique tu n’as aucune perte de qualité dans tes montages.
Guy : Autant pour la vidéo que pour le son. Avec le numérique on a très vite senti la potentialité et le gain de temps. On s’est mis à produire plus de films.
Vous avez aussi fait des tournages.
Guy : Après ce virage on a vraiment commencé à "produire". On partait avec des enseignants qui avaient des projets. On a fait les tournages de Rémy Dor avec des petites communautés qazaq, chaldéennes, soufis. Et aussi quelques tournages à l’étranger. Ça a été extraordinaire. Le premier montage que j’ai fait c’était en super 8 en Indonésie en 1982-1983 ; les films de Jacques Pimpaneau, Le théâtre d’ombres à Bali et Java ou Danses pour les Dieux ; Les Sorabes de Jean Kudela ; le Nunavut avec Printemps Inuit au Nunavut de Michelle Therrien.
Avez-vous été attirés par une culture ou une langue en particulier ?
Guy : Quand je suis parti en Indonésie… j’ai fait de l’indonésien. Pour la Tanzanie, j’ai fait un peu de swahili. Je n’ai pas fait d’inuktitut c’était trop compliqué… le sorabe non plus. C’est difficile de suivre des cours et de travailler.
Paul : Jusqu’au déménagement dans le Pôle des langues et civilisations, j’étais rattaché à l’Asie du Sud. Je n’ai pas gardé de contact avec la langue mais mon intérêt pour la culture indienne n’a jamais disparu. Avec le rassemblement de toutes les langues, on a été amené à toucher à tout. C’est un plaisir différent, plus large, plus ouvert.
L’équipement du PLC a forcément impacté vos activités ?
Guy : Dans certains centres, les conditions étaient effroyables. Alors avoir nos propres locaux équipés pour les besoins de l’enseignement ; un matériel neuf ou en très bon état pour que les étudiants puissent travailler et se retrouver avec tous les enseignants de tous les départements a été une émulation formidable qui nous a redonné un tonus extraordinaire !
Paul : Un point important pour nous c’était l’auditorium. On filmait des spectacles à la Maison des cultures du monde, et on projetait d’avoir un espace pour ce genre d’activités ici. Hélas, au final notre auditorium est plus pensé comme une salle de conférences et moins comme une salle de spectacles.
Guy : Notre activité a tellement évolué qu’on aurait même plus eu le temps. On a été de plus en plus sollicités pour faire des montages de sons et images pour l’enseignement. Notre activité est désormais plus axée vers le pédagogique que vers le culturel. Ça a été un très bon moment, mais ce n’est pas non plus le but premier à l’Inalco.
Paul : On a aussi la chance, l’opportunité, de disposer d’un studio d’enregistrement son et d’un autre spécifique pour la vidéo. Tout cela a pris toute sa dimension avec le Mooc tchèque réalisé avec des marionnettes.
Un deuxième moteur, c’est l’arrivée de votre responsable de service Pierre-Jean Vigny
Paul : En résumé, depuis qu’on est ici (au PLC) l’évolution s’est faite avec l’arrivée de Pierre-Jean. Il nous a fait faire un réel bond en avant sur le plan numérique, sur le plan de la réalisation et de la réorganisation du service. Aujourd’hui, l’ingénierie pédagogique est venue s’installer avec nous ; une équipe de 3 ingénieurs pédagogiques suivent la plateforme Moodle. Trois Moocs ont été créés : l’arabe, le tchèque et le chinois. On a essuyé les premiers plâtres et, petit à petit, les ingénieurs vont être de plus en plus opérationnels. Je ne participe que dans la mesure de mon domaine, mais les vidéos ce n’est que la partie émergée de l’iceberg d’un Mooc, si on peut dire. J’aide actuellement les enseignants à la réalisation de leurs vidéos. Il peut aussi y avoir des productions vidéo avec Moodle.
On n’a pas encore abordé les festivals de cinéma…
Paul : Nos collègues d’alors, Gaël Brunet et Didier Autin, ont été à l’initiative d’un ciné-club vidéo de cinéma africain qui, avant de s’arrêter, a débouché sur un enseignement de cinéma africain et à la participation de l’Inalco au Fespaco (Festival panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou), avec un prix Inalco. Et j’ai pris l’initiative de remonter ce ciné-club avec notre fonds sur l’Asie. C’est alors qu’une enseignante, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, nous a proposé de rencontrer une célèbre actrice indienne sur le festival du film asiatique de Deauville. Il était dédié à la Chine, la Corée, le Japon et l’Asie-du Sud. Après ce petit détour, on est arrivé sur le projet du Festival de Vesoul qui couvrait une aire géographique plus vaste et beaucoup plus intéressante pour nous. On y participe depuis 2002 avec un premier prix numéraire Inalco en 2004. Ce festival a pris de l’ampleur avec la création d’un jury Inalco, l’organisation d’une délégation d’étudiants et d’enseignants sélectionnés en fonction du programme du festival. Ils rencontrent les réalisateurs, des acteurs, des producteurs. On filme des interviews qui sont ensuite montées, traduites et sous-titrées. Ce projet s’améliore chaque fois un peu plus. Un petit appel aux enseignants : beaucoup d'entretiens ne sont pas encore traduits. L’objectif final, c’est de les mettre à disposition pour que les enseignants puissent mettre les étudiants en situation d’échanges dans la langue, de traduction et d’adaptation pour les sous-titrages. Sur le plan pédagogique, c’est un projet extrêmement intéressant, car il est complet.
Les films et reportages que vous avez fait sont-ils accessibles également ?
Paul : oui, en podcast, numérisés. Numériser ces productions, après les avoir sélectionnées, a été une partie très chronophage de notre travail.
Une expérience marquante à l’étranger ? Un souvenir à nous faire partager ?
Guy : Au Nunavut, on était parti en traîneau, on était dans une remorque tirée par un skidoo (motoneige) avec tout le matériel dedans. On allait sur le lieu du tournage. Il faisait dans les -30°. À un moment, on quitte le chemin pour aller sur un lac gelé, et notre remorque s’est complètement retournée. On a glissé sur 20, 30 mètres, la caméra d’un côté, les deux gugusses de l’autre, heureusement sans dégâts.
Bassir Hamid, un nouveau chez les anciens
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Un parcours ouvert aux langues et cultures
Commençons par le commencement, quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
C'est ma passion des langues et des cultures qui a tracé mon parcours. Avant d’arriver à Paris, j’ai appris le français jusqu’au niveau licence à l’université de Kaboul. En 2011, j’ai suivi des études en management, traduction et communication après avoir passé le concours de l’ISIT (Institut de management et de communication interculturels). Ces trois années d’études et mon appétence pour l'interculturalité m’ont dirigé vers l’Inalco. J’ai choisi d’y intégrer le master Communication, information et nouveaux médias ainsi qu’un magistère en Communication et formation interculturelles.
En tant qu’étudiant, votre parcours à l'Inalco s'est-il diversifié vers d’autres langues ?
D'abord, j’ai approfondi mes connaissances linguistique en persan à un niveau soutenu. Étant étudiant en filière professionnelle, je me suis également plus concentré sur la communication et sur l’interculturel. J’ai été embauché tout de suite après avoir effectué un stage. Les outils et techniques de communication pratiques que j’ai abordé durant mes 2 ans à l’Inalco me sont très utiles au quotidien au niveau professionnel : site web, réseaux sociaux, montage vidéo ...
Racontez-nous vos premiers pas et votre évolution professionnelle.
J’ai postulé à une offre de stage de six mois à l’Inalco pour animer le réseau Alumni. J'ai participé à la création et au lancement du réseau des anciens élèves, une vraie opportunité ! J'ai ensuite été embauché en tant que chargé de communication, référent réseau Inalco Alumni. Voici trois mois que je travaille à ce poste sachant que je n'ai obtenu mon diplôme qu'au début 2017.
Pourquoi le choix de l’Inalco ?
Tout simplement parce que je suis passionné par les cultures et par les langues. L'Inalco, quand on est étudiant, on le comprend comme un carrefour des langues et des cultures orientales. C'est un lieu unique dans le monde. Et puis, j'ai toujours l’envie d'apprendre et de parler le plus de langues possible, de connaître et de comprendre les différentes cultures du monde, même si cela est difficilement réalisable... Mais j’ai une appétence particulière pour le hindi, avec de (trop) nombreuses heures de visionnage de films et séries indiens. J'espère l'apprendre très bientôt.
Lors de vos études, quels ont été vos axes de recherche ?
Dans mon mémoire, j'ai étudié les problèmes et les conflits interculturels survenus pendant les 14 années de présence des forces étrangères en Afghanistan. La mauvaise compréhension de la culture et le manque de connaissance de celle-ci ont contribué grandement dans la perte de soldats étrangers et de civils. Des dizaines de soldats étrangers ont été abattus par leurs collègues afghans suite à des conflits culturels. Plusieurs cérémonies de mariage ont été bombardées… Ainsi, cette situation d’incompréhension a généré le mécontentement des Afghans et la haine contre les forces de l’OTAN en Afghanistan. Cela montre qu'avoir une certaine connaissance de la culture est primordiale surtout quand il s'agit d’interventions militaires.
Quels sont vos projets au sein de notre établissement ?
De nos jours, la notion de « réseau » est très importante dans le monde professionnel. C'est un atout pour les étudiants et les anciens élèves, qui peuvent s'échanger des conseils, des bons plans, des offres d'emploi, mais on travaille aussi au rayonnement international de l'Inalco. J'ai envie de me donner pleinement pour faire en sorte que le réseau Inalco Alumni soit véritablement dynamique et efficace.
Des activités en dehors de l’Inalco ?
Je suis traducteur - interprète bénévole chez France Terre d'Asile, comme beaucoup d’étudiants de l’Inalco. Je pense que mes compétences en langue persane et en français peuvent être utiles à l’accueil et la compréhension des situations des migrants. Donc pourquoi ne pas les mettre à profit pour des gens qui en ont besoin ?
Laura Lacour : faire de ses passions un métier
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Quel a été votre parcours initial ?
Mon parcours a été jalonné entre deux tendances, l’émotion et l’artistique et une partie plus rationnelle. Mes études ont oscillé entre les arts (baccalauréat lettres arts) et le droit jusqu’à une spécialisation en droit international public, ce qui m’a ouvert aux institutions internationales, aux ONG, leur gouvernance, etc. pour revenir « derrière la scène » avec un master en gestion de projet culturel, spécialité industries culturelles, cinéma et audiovisuel.
À la fin de ce cursus, j’ai compris comment lier mes diverses aspirations : rapprochement entre la culture et le droit international, la diplomatie, le soft-power en entrant dans le réseau culturel extérieur de la France. J’ai eu envie de partir en stage de fin d’études à l’étranger, dans une Alliance française. Mon mémoire portant sur la diffusion du cinéma indien en France, j’ai postulé en Inde, pour six mois à Delhi en 2011.
C’est donc la fin de votre formation initiale mais aussi le début de votre insertion professionnelle ?
J’ai eu une opportunité pour un second stage de six mois, dans les médias cette fois, en tant que chargée de production dans un grand groupe de presse, pour le web. Je produisais des vidéos de musique live, des interviews d’acteurs, de réalisateur, etc. J’ai pu aller à Cannes pour le Festival, une vraie opportunité professionnelle.
Mais je voulais absolument repartir à l’étranger, avec un contrat de volontariat international (VI) d’attachée culturelle. Ticket gagnant, je suis partie à Sri Lanka pendant deux ans (entre 2013 et 2015). Mon premier vrai poste.
C’est là que j’ai entendu parler de l’Inalco pour la première fois et que j’ai pris conscience des liens avec mes activités.
Un attrait pour les langues et les cultures autres ?
Au départ, pas forcément pour les langues mais pour les autres cultures, oui !! C’est ce qui caractérise les missions du réseau culturel extérieur de la France. Mettre en scène la culture française, certes, mais pas seulement. Mon travail consistait à créer des synergies entre des artistes qui n’avaient pas vocation à se rencontrer. Faire venir des musiciens, danseurs, street artists français à Sri Lanka et générer des collaborations avec leurs homologues sri-lankais.
Ce que je fais désormais à l’Inalco dans l’autre sens : faire découvrir les cultures du monde à un public français. Et, du coup, apprendre une langue (le hindi) à l’Inalco en cours du soir.
Votre arrivée à l’Inalco, comment se fait-elle ?
Tout simplement par l’offre d’emploi sur le poste. C’était une évidence pour moi et je suis ravie être là ! Mon souhait est que l’Inalco devienne un lieu prescripteur en matière d’expression culturelle.
Vous avez donc fait de vos passions un métier ?
Oui, à l’Inalco, avec la programmation annuelle et, ce mois-ci, le festival des civilisations qui ouvre sa deuxième édition. Initier le projet, impulser les contributions des collègues enseignants, des étudiants via les associations ou la venue d’artistes en lien avec nos zones d’intérêt, c’est déjà quelques mois passés à recevoir et comprendre les projets. C’est en juin et juillet de l’année précédente que cela se fait. Tenter des partenariats dès la rentrée de septembre et mettre au point le programme définitif en visant la qualité avant tout ! Puis gérer le déroulement du projet sous tous ses aspects opérationnels, juridiques, financiers, de communication bien sûr et enfin, logistiques et techniques les jours précédents les spectacles.
Ma formation initiale et mes premières expériences se trouvent être un véritable appui dans la conception et la réalisation de mon activité de médiation culturelle. D’où mon plaisir à travailler à l’Inalco !
Maud Cittone, coordinatrice de langue en formation continue
Maud Cittone, coordinatrice de langue en formation continue
Quelle est votre formation initiale ?
Après le bac, j’entreprends des études de sociologie. Mon thème de prédilection est la sociologie de la déviance, mon mémoire de master porte sur les sortants de prison. Je me suis surtout intéressée à la réinsertion de ces personnes après un « temps » différent ou compliqué, également à travers les jardins d’insertion.
Une expérience à l’étranger ?
Ensuite, je suis partie en Irlande à Dublin avec le programme Erasmus à la découverte d’une autre culture. Être loin de ses habitudes, de sa famille remet en question nos idées, nos préjugés, nos convictions et ouvre de nouvelles perspectives.
Pourquoi l’Irlande ?
J’ai des origines irlandaises par la famille de ma mère qui remonte à la grande famine du milieu du 19e siècle. Mes ancêtres se sont ensuite installés en Bretagne. Je voulais partir dans un pays de langue anglaise et le choix s’est porté sur Dublin. J’ai découvert un pays magnifique, la liberté.
Quels ont été vos premiers pas professionnels avant l’Inalco ?
Grande amatrice de musique surtout sur scène, en live, j’ai monté ma propre structure de booking et promotion de la musique en 2009. J’ai donc, jusqu’en 2014, géré un catalogue d’artistes musiciens avec lesquels je travaillais et j’ai organisé des concerts, des tournées. Cet intérêt pour la musique, la promotion d’artistes et la commercialisation ont constitué une première expérience très formatrice. J’ai ainsi développé des compétences en management d’équipe ‑ j’ai pu embaucher jusqu’à quatre personnes ‑ et des compétences en communication. Cette structure existe encore mais est moins active. Parallèlement, en 2013, avec une amie, j’ai monté une autre structure spécialisée en formation sur les réseaux sociaux. J’avais donc une double casquette et mon expérience en communication et en formation s’est enrichie. Aujourd’hui, je poursuis cette activité de façon ponctuelle.
Ensuite, vous arrivez à l’Inalco…
Je connaissais l’Inalco de réputation et mon choix d’y venir travailler ne s’est pas fait par hasard. Dans un contexte de mondialisation, l’Inalco m’a particulièrement attirée car il représente un réel lieu d’ouverture sur le monde et d’échanges entre les cultures.
Vous êtes arrivée en 2014 au service de la formation continue, quel est votre rôle ?
Je suis coordinatrice pour le persan, le russe et l’hébreu. Depuis mon arrivée, nous avons pu ouvrir de nouvelles langues, notamment le swahili, l’ukrainien et le finnois dont je m’occupe également.
Je travaille avec la responsable du service, Anne Duponchelle. Mes missions principales sont l’organisation des formations, la communication, et également un rôle de prospection. Mon objectif est d’ouvrir vers de nouveaux publics qui n’ont pas forcément accès à ces informations. Notre dernière campagne a fait l’objet d’une parution publicitaire dans le journal 20 minutes.
La formation continue de l’Inalco est un organisme de formation professionnelle qui offre au public de nombreux dispositifs de formation en langues et en civilisations : des formations individuelles, des stages intensifs, des cours du soir, des formations sur mesure. On répond à la demande du moment, de l’actualité. Il y a des ouvertures de formation vers de nouvelles langues ou vers de nouvelles thématiques. C’est donc très varié. L’offre pour les civilisations est proposée sous forme de conférences culturelles, de séminaires. On répond à la demande du public mais aussi des enseignants. Le séminaire Vivre et travailler est destiné aux personnes désireuses d’apprendre les codes culturels de base avant de s’installer ou de voyager dans un pays. Chaque pays peut recouvrir des problématiques différentes. Les enseignants de l’Inalco nous apportent leur expertise, leur connaissance du terrain mais aussi des carnets d’adresses. Françoise Robin, spécialiste du Tibet, a développé une offre en Médiation interculturelle sur le thème Les Réfugiés en France au sein de la formation continue qui est très réactive. Ces formations ont été conçues pour les institutions ou associations recevant des réfugiés.
On renseigne les salariés aussi bien sur les possibilités de financement spécifiques et les diplômes existants en reprise d’études financés par les employeurs ou Pôle emploi que sur des dispositifs comme la VAE (Validation d’acquis d’expérience) et l’alternance. Nous avons également un rôle d’accompagnement et conseil aux entreprises du secteur privé ou d’organismes publics. La FC organise aussi le CPLCO (Certificat Pratique de Langue et Culture Orientales) en arabe, chinois et japonais et des tests de langues en chinois (HSK) et en japonais (JPLT).
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?
J’aime la relation avec le public, que ce soit au téléphone ou en en présentiel. Pour les enseignants, c’est très intéressant d’avoir à faire à leur analyse du terrain et leurs grandes connaissances théoriques. J’essaie de rencontrer les enseignants dès que possible, de la formation initiale comme de la formation continue.
Un attrait particulier pour une ou des langues de l’Inalco ?
Le choix est si vaste et… tout m’intéresse… je suis aussi une grande amatrice de cinéma et c’est beaucoup plus par ce média que je vais à la rencontre des cultures. Je fréquente assidûment la médiathèque de l’Inalco qui a un fonds très intéressant. J’y emprunte des films de tout type : afghan, iranien, chinois, japonais… mon attrait pour la cuisine, qui est une autre manière de découvrir une culture, inspire parfois mes choix pour certains films comme Salé Sucré d’Ang Lee ou encore Les délices de Tokyo de Naomi Kawase.
De par mon histoire familiale, j’ai plus d’affinités avec le Proche-Orient et l'Asie, ces parties du monde : mon grand-père est né en Turquie et mon père cuisine beaucoup de plats orientaux : feuilles de vignes, houmous, caviar d’aubergine… Mes parents se sont rencontrés au Népal et mon père est bouddhiste tibétain, j’ai moi-même visité l’Indonésie. Cette année, mon compagnon apprend le japonais en formation continue.
Avez-vous un loisir spécifique, par exemple, jouez-vous d’un instrument de musique ?
Non, mais je suis passionnée de musique, et récemment j’ai redécouvert les vinyles. Par exemple, cet été au Portugal, j’ai trouvé un vinyle – absolument pas de fado ‑ mais de Jimmy Cliff, extraordinaire !
Des liens avec des collègues ?
À la FC, nous sommes sept et nous nous entendons très bien. J’ai également noué des liens avec l’équipe des TICE du 7e étage puisque je suis souvent à la médiathèque ! Depuis, nous déjeunons régulièrement ensemble. Nous sommes de différentes générations, c’est bien, et surtout on ne parle pas de boulot ! On se fréquente d’une autre manière et c’est très agréable.
Alain Hayot, la route informatique
Alain Hayot, la route informatique
Vous avez toujours travaillé dans le domaine informatique ?
J’ai une formation d’électronicien à la base. J’ai ensuite suivi une formation d’analyste-programmeur puis travaillé dans divers domaines. De 1989 à 1997, j’ai travaillé à l’Observatoire de Paris. En 1997 je passe un concours pour entrer à l’Université de la Réunion en tant qu’assistant ingénieur pour assister l’ingénieur de recherche responsable du réseau et des systèmes. En 1999, je repasse un concours d’Ingénieur d’études pour intégrer le Crous d’Orléans-Tours en tant que responsable du service informatique. En juin 2006 j’ai demandé ma mutation à l’Inalco pour un poste d’ingénieur réseau et systèmes. C’était l’époque où Christiane Berry était responsable du service informatique. J’ai été chargé de toute la maintenance du réseau ainsi que de certains marchés (mail, site web…) avant que Samia Taghelit ne vienne consolider le service informatique. A l’époque l’Inalco avait 7 sites et j’étais chargé de leurs maintenances et de leurs évolutions. J’ai aussi travaillé à l’étude de la construction du nouveau bâtiment (site des Grands Moulins), en collaboration avec la Région Île-de-France, la BULAC, le vice-président de l’Inalco ainsi qu’avec Samia taghelit qui est aujourd’hui responsable du service MMSI. De 2009 à 2011, j’ai travaillé avec Samia Taghelit sur les réseaux de l’Inalco et ensuite j’ai dû assumer seul cette responsabilité car Samia Taghelit à repris suite à la mise en retraite de Christiane Berry, le poste de responsable de tout le service informatique. Depuis cette date, j’étais seul responsable de l’infrastructure réseau de l’établissement.
Qu’est-ce que c’est qu’un réseau informatique ?
Dès qu’on veut accéder à partir de son ordinateur à une application, un fichier, une information qui se trouve en dehors de son poste, on passe par le réseau, par des câbles, des commutateurs, des routeurs, d’autres types de matériel et ou logiciels. C’est une sorte de route qu’on doit emprunter pour aller d’un point A vers un point B en informatique. Quand une des composante ne marche pas, les utilisateurs sont bloqués car aujourd’hui la majorité des applications se situent sur des serveurs (des ordinateurs) distants : Apogée (Application pour l'organisation et la gestion des enseignements et des étudiants), Harpège (outil de gestion des ressources humaines de l'enseignement supérieur), Sifac (Système d'Information Financier Analytique et Comptable)... Si le réseau ne fonctionne pas, l’établissement ne fonctionne pas. Et personne ne peut accéder aux ressources informatiques qui se trouvent en dehors de son poste de travail.
D’où l’importance de votre travail. Quelles sont vos missions ?
Je m’occupe des travaux de bâtiment et des locaux techniques liés à l’informatique, du câblage, de la téléphonie, du wi-fi, de la sécurité du réseau, de sa maintenance, des liaisons internet et intranet. Je suis le référent réseau pour Renater (Réseau National de télécommunications pour la Technologie l'Enseignement et la Recherche) et d’autres établissements (public ou non). Dès qu’un établissement veut accéder à des ressources de l’Inalco, ça passe par le réseau.
Les difficultés du travail ?
Je me trouve face à plus d’une centaine de composants réseaux (routeurs, commutateurs), avec plus de 150 postes téléphoniques, 75 bornes wi-fi, plus une dizaine d’applications de monitoring, ménagement et de supervision du réseau informatique. Jusqu’à présent j’étais seul à pouvoir intervenir lors d’une panne ou d’une intervention sur le réseau. Jérôme Becot (ingénieur d’étude), vient d’être affecter au service réseau et système pour m’aider (normalement à 50% de son temps) moi et mon collègue Valerian Millet pour à continuer à maintenir et à faire évoluer le parc réseau et système de l’Inalco. En dehors de la maintenance proprement dite et de l’évolution du réseau, je suis chargé de la mise à jour des équipements de réseau. Car sans mise à jour il y a le risque que les applications ne marchent pas ou bien qu’il y ait des failles de sécurité et donc des risques de piratages. Le plus dur : La charge de travail importante, le temps consacré à la lecture et à la réponse des emails, les demandes d’interventions journalières, entre le Service Système et les utilisateurs, trouver le temps de maintenir ses connaissances à jour, l’arrivée de nouveaux produits qui remplacent les anciens et demandent attention et souvent une réorganisation du mode de fonctionnement courant. Etude d’une nouvelle architecture réseaux et systèmes qui nécessitent des changements importants au niveau des collègues et du métier. Ce métier implique une constante remise en question sur le matériel, les logiciels, le mode de fonctionnement des collègues et/ou utilisateurs. En ce moment, nous travaillons (Samia et moi) sur la mise à jour du site de la Rue de Lille : refaire les câblages, revoir les installations. Tout ça demande énormément de travail..
Les défis ?
C’est un métier où il faut sans cesse se tenir au courant, faire fréquemment des mises à jour, repenser la façon dont le réseau a été conçu pour optimiser les accès et éviter la latence. Se remettre tout le temps en question. A la vitesse à laquelle l’informatique évolue, on ne peut pas rester sans rien faire sinon on risque de se retrouvé en décalage par rapport à la technologie et parque le risque est trop grand pour la sécurité de l’Inalco. Pour le moment, je pense que l’Inalco est plutôt en avance par rapport à d’autres établissements (sur les réseaux et systèmes). On a des containers, des routeurs virtuels, une façon de gérer les accès réseau et les systèmes qui permettent d’optimiser le fonctionnement de nos ressources informatiques. La majorité de nos serveurs sont virtualisées et nous avons des serveurs de production qui permettent de s’assurer qu’aucun nouveau service ne posera de problème lors de son installation définitif. De plus, on a commencé à mettre en place un système de supervision qui informe dès qu’il y a un problème concernant le réseau ou le système.
Vous êtes à l’Inalco depuis 11 ans, vous vous occupez de câblages, connexions, accès, vous n’arrêtez pas de créer des liens au sein de l’établissement. Y en aurait-il un qui nous soit inconnu ?
Depuis la rentrée 2016, je suis des cours de coréen en formation continue, avec M. Heo.
Et pourquoi le coréen ?
Les Coréens sont des personnes acharnées au travail. Ils sont persévérants et leur évolution technologique a été aussi fulgurante que celle du Japon. En très peu de temps, ils ont su se mettre à la pointe de l’informatique et c’est un trait de caractère qui me plait. J’aimerais visiter le pays et mieux connaître leur culture.
Jacqueline Bertrand, en charge du CIR, statistiques et fiabilisation des données
Jacqueline Bertrand, en charge du CIR, statistiques et fiabilisation des données
Quelle a été votre formation initiale ? Votre parcours avant l'Inalco ?
J’ai suivi un cursus secondaire classique puis un BTS infographie à l’ENSAIT Roubaix. Je suis entrée ensuite tout de suite dans la vie active :
- 1982-1988 : Auxiliaire de bureau dans différents établissements tels que le Palais de la Découverte, le CIO près le Tribunal pour enfants, la Bibliothèque Lariboisière-Saint-Louis, le LEP Curial suivi d’une période de disponibilité de quatre ans.
- Lorsque je reprends le travail en 1992, je me tourne vers l’enseignement supérieur comme agent administratif au Cnous puis à l'Université Pierre et Marie Curie et à l'Université Paris 10.
J’en profite pour me former à la Fiabilisation des données en 2009.
Une fois spécialiste du traitement des données, quels sont vos choix professionnels ?
Je mets en pratique tout de suite ma formation en entrant à l’université Paris 6 au service DRH - SIRH - Fiabilisation des données sur Harpège puis à Paris 10 (Nanterre) toujours pour la fiabilisation des données mais cette fois dans le cadre de l'autonomie des universités. J’ai d’ailleurs eu l’opportunité de collaborer aux choix des procédures de recueil de données pour l'ENT naissant de Paris 10.
Vous prononcez beaucoup de sigles (rires). Que veulent-ils dire ?
- La DRH est la direction des ressources humaines.
- Les SIRH, ce sont les systèmes d'information de ressources humaines. Ils facilitent la gestion des ressources humaines en centralisant les données.
- Harpège est une application, un outil de gestion des ressources humaines de l'enseignement supérieur.
- Un ENT est un espace numérique de travail.
Ensuite, vous arrivez à l’Inalco.
Oui, j’arrive par mutation à l'Inalco pour mettre en place la fiabilisation des données de gestion administrative des personnels titulaires dans le cadre de la gestion des comptes individuels retraite. Ces données alimentent le relevé de situation individuelle que chaque agent reçoit à son domicile selon son année de naissance.
Quel est votre rôle au sein du service ?
Toujours avec Harpège, je travaille à la fiabilisation des données :
- Participation au protocole de collecte de données des personnels de l'Inalco.
- Rôle d'interface entre l'Amue (l'agence de mutualisation des universités et établissements d'enseignement supérieur), le service des pensions, les services gestionnaires pour le compte individuel retraite (CIR).
- Aide et accompagnement des utilisateurs.
- Participation à des enquêtes ministérielles avec l'outil Business Objects (requêtes de données).
- Participation au bilan social.
Je suis rattachée à la cellule d'aide au pilotage au sein de la DRH. Cette cellule est constituée de trois missions :
- la paie,
- la masse salariale,
- l'assistance fonctionnelle Harpege, CIR, la réponse aux enquêtes, le bilan social.
Vous savez, les données sont devenues l'enjeu essentiel des systèmes d'information d'un établissement. Comme elles sont plus volumineuses, elles doivent être de qualité et fiables.
Catherine Mathieu, informer et conseiller !
Catherine Mathieu, informer et conseiller !
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
Après le lycée, j’ai étudié le chinois à l’Inalco et l’espagnol à Paris Sorbonne Nouvelle.
Je tenais absolument à étudier des langues étrangères. Je me suis trouvée dans mon élément dès le début de mes études.
J’ai très vite découvert que plus encore que l’approfondissement d’une langue étrangère, c’était l’histoire et la littérature qui me passionnaient.
Votre présence à l'Inalco a donc été naturelle...
J’y ai étudié le chinois et lui seul, jusqu’à la maîtrise, mais je ne pensais pas alors que j’allais étudier (même superficiellement) d’autres langues.
Avez-vous eu rapidement l'occasion de partir sur le terrain ?
Je suis partie en septembre 1982 en Chine, avec la bourse du ministère des Affaires étrangères. Nous passions un oral et partions pour 2 ans.
J’ai eu la chance d’être envoyée à Pékin et j’y suis restée 3 ans et demi. Dans un institut qui s’appelait l’Institut des langues, je crois et ensuite, j’étais à l’Université de Pékin. J’avoue que j’étais une étudiante très appliquée en France, mais qu’en Chine, j’étais plutôt curieuse de travailler, de voyager et d’essayer de comprendre la société…
Je n’ai pas beaucoup étudié à dire vrai mais j'y ai travaillé rapidement… A la télévision chinoise, puis chez Elf Aquitaine comme « agent de liaison » ; enfin, au service nucléaire de l’ambassade de France comme assistante pendant les négociations entre Framatome et la Chine pour la construction de la 1ère centrale nucléaire de Daya Bay.
Qu'avez-vous fait à votre retour en France ?
Après 3 ans et demi, je suis rentrée à Paris avec une grande hâte de repartir d’ailleurs, au grand dam de mes parents je pense !
J’ai eu la chance d’intégrée le MAE en tant que contractuelle et j’ai travaillé 5 ans à Hanoi ! J’ai découvert la langue vietnamienne, la vie dans une petite ambassade, le travail de secrétaire dans un service de coopération et l’Asie du Sud Est : tout cela, à peu près en même temps !
Après 5 ans, j’ai eu la possibilité d’aller à Hong Kong pour un poste trop formel et pas assez fourni à mon goût. Je me suis donc vite ennuyée et j’ai démissionné…
C’était en 1991. Je suis donc restée 10 ans Extrême-Orient !
Puis, l’Inalco jusqu’à aujourd’hui. J’ai eu la chance d’y occuper des fonctions qui m’ont permis de développer d’une part tout un travail vers la professionnalisation des parcours d’étudiants et, d’autre part, d’acquérir des compétences en management de personnels et projets, en organisation et en modernisation de services.
Cela m’a passionnée et épuisée tout autant !
Avez-vous eu l'occasion de développer des activités de recherche ?
Non, je n’ai malheureusement pas la fibre académique… mais je l’admire chez les universitaires !
Quel est votre rôle au sein du SIO-IP. Pourquoi ce service aux étudiants ? Comment est-ce organisé ? Quels avantages, quelles difficultés ?
Pour moi, le SIO-IP est comme un aboutissement du travail que j’ai commencé il y a pas mal de temps maintenant au CPEI et que j’avais pu développer grâce au directeur d’alors, François Godement. Il s’était intéressé aux problématiques de recherche de débouchés professionnels, comme on disait avant.
Désormais, mon rôle est celui d’une "agitateure", "entraîneure" d’étudiants pour leur permettre d’avancer et… de quitter l’Inalco en trouvant un travail qu’ils ont choisi et obtenu grâce à leur formation dans notre institut !
Françoise Robin, un rêve tibétain
Françoise Robin, un rêve tibétain
Quelle a été votre formation initiale ?
Après des études de commerce qui ne me correspondaient pas, j’ai voyagé et suivi des cours de sociologie-anthropologie à Paris 8. Lors d’un voyage au Népal, j’ai découvert l’Himalaya et la langue et la civilisation tibétaines et je me suis inscrite à mon retour en tibétain aux Langues O’, un vieux rêve qui devenait réalité.
En tant qu’étudiante, votre parcours à l'Inalco s'est-il diversifié vers d’autres langues ?
Après mon cursus de tibétain, j’ai suivi des cours du soir de chinois pendant deux ans. Beaucoup d’autres langues me tentent à l’Inalco (presque toutes…), mais où trouverais-je le temps ?
Vos premiers pas professionnels étaient-ils en lien avec les langues ?
J’ai commencé à enseigner aux Langues O’ comme chargée de cours lorsque j’étais en thèse. Avant cela, j’avais effectué des « petits boulots » dans le domaine culturel (maisons d’édition, radio, cinéma) dans plusieurs pays.
Avez-vous un attrait pour d’autres langues et cultures du monde ou d'autres disciplines ?
L’étranger me fascine depuis l’enfance. En 1994, j’ai rejoint Paris à Lhasa par voie terrestre (Transsibérien, Transmongolien). Je continue à voyager autant que possible et j’aime le très proche comme le très lointain.
Votre expérience sur le terrain...
Je veille à me rendre au Tibet aussi régulièrement que possible depuis vingt ans, ce qui me permet d’observer finement les évolutions sociales et littéraires.
Quels sont vos axes de recherche ?
Je travaille essentiellement sur la culture contemporaine : la littérature de fiction, la poésie et le cinéma. Dans un environnement hautement surveillé, ces domaines proposent un accès original à une meilleure connaissance des dynamiques de la société contemporaine. La fréquentation des écrivains et cinéastes procure par ailleurs de grands plaisirs sur le plan humain.
Votre participation à la venue du Dalaï-Lama à l'Inalco. Comment avez-vous rendu cela possible ?
Le Dalaï-Lama devant venir en France en 2016, ma proposition de l’inviter a été retenue par la présidence. Le Bureau du Tibet à Paris, représentant le gouvernement tibétain en exil, a validé notre invitation car nous sommes un des premiers établissements du monde occidental à avoir proposé un enseignement de tibétain, en 1842. Du côté Inalco, chacun a œuvré de son mieux pour faire en sorte que cette visite soit une réussite. L’Ambassade de Chine a tenté de nous en dissuader. Je suis fière que l’Inalco n’ait pas cédé à ce chantage déplacé et inadmissible.
Avez-vous d’autres activités liées au monde tibétain ?
Les étudiants de la section Tibet et moi-même sommes assez impliqués auprès des réfugiés tibétains. Cela nous plonge au cœur des problèmes rencontrés par les migrants (papiers, logement, santé, interculturel, etc.).
- Françoise Robin sur France Inter à l'occasion de la venue du Dalaï-Lama.
- Sur francetvinfo.fr : Trois questions à... Françoise Robin : «il y a une sorte de désespoir riant au Tibet»
- Françoise Robin sur le site inalco.fr
Luc Deheuvels, expert de la pédagogie numérique
Luc Deheuvels, expert de la pédagogie numérique
Avant l'Inalco, quelles ont été les langues que vous avez apprises ou simplement découvertes ?
Professeur de langue et littérature arabe, je suis à l’Inalco depuis 1994. Avant, j’ai enseigné l’arabe dans le secondaire après avoir passé l’agrégation puis une dizaine d’années à la Sorbonne (Paris 4) comme assistant puis maître de conférences. C’est là le résultat d’une tenace passion pour les langues depuis toujours : l’anglais, le russe, le latin, l’arabe dès le lycée, j’avais aussi commencé en autodidacte l’égyptien hiéroglyphique dont j’ai continué l’étude plus tard ; ont suivi l’italien, une petite ouverture vers l’hébreu et le persan ; quelques bribes de néerlandais de mes ancêtres, et des envies d’autres langues : vietnamien, birman, portugais… tout ceci alors qu’une vie entière ne suffit pas pour apprendre l’arabe !
Impressionnant ! Une autre discipline à votre actif ?
J’ai mené de front des études d’arabe et d’histoire, et ai même fait quand j’étudiais à l’Institut français de Damas une maîtrise sur l’histoire de Raqqa, ville que bien peu de monde connaissait alors ! Ma maîtrise a été traduite en arabe par le ministère de la culture syrien, éditée par ce même ministère, publiée… et immédiatement interdite par la censure syrienne !
Votre intérêt s'est tourné vers la littérature ?
Je me suis spécialisé en littérature arabe moderne, j’y mène des recherches particulièrement orientées sur des thématiques du mythe littéraire et des écritures d’utopie, ainsi que sur les questions de généricité et d’innovations d’écriture ; je m’intéresse tout spécialement aux transformations de l’écriture narrative depuis la fin du 19ème siècle et ce qu’on appelle la Nahda (Renaissance arabe) jusqu’à aujourd’hui, ainsi qu’au théâtre, et je dirige des recherches de doctorants dans les mêmes domaines.
Vos autres activités sont nombreuses. Quelles sont-elles ?
Transmettre la langue à tous les niveaux est pour moi une passion : depuis les débutants jusqu’au doctorat en passant par les jurys de CAPES et d’agrégation. Après six années passées à la tête de la commission des études et à la Vice-présidence de l’établissement, j’ai accepté une mission sur la pédagogie numérique, qui me fait travailler en tandem avec Marie-Anne Moreaux, chargée de mission en stratégie numérique, et avec toute l’équipe du service TICE. Je représente l’établissement à SAPIENS, service d’accompagnement pédagogique d’USPC, coordonne l’ensemble des MOOC de l’établissement, et suis concepteur du MOOC d’arabe. L’expérience du travail collectif sur les MOOC est particulièrement marquante, notamment la mise en commun de nos expériences et de notre travail de concert sur des langues très différentes.
Marine Madani, un bain dans l'international
Marine Madani, un bain dans l'international
Quelle a été votre formation initiale ?
D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours baigné dans l’international et l’enseignement supérieur. Un grand père enseignant à l’université de Téhéran, des parents travaillant dans l’enseignement supérieur, des chercheurs et doctorants du monde entier à dîner, et les récits de voyages de mon entourage, il n’en fallait pas plus pour m’inciter à suivre cette voie presque toute tracée. Pourtant j’ai très tôt cherché à me démarquer de cette tradition familiale.
Aiguillée dès mon plus jeune âge vers les sciences, je leur ai finalement préféré les lettres, pour m’inscrire après le baccalauréat en double licence histoire/anglais. À l’époque je visais les concours de journalisme. S’est finalement posé en L3 la question de la mobilité à l’étranger. J’ai donc choisi en 2010-2011 de reporter mes projets d’un an pour participer au programme des assistants de langue du CIEP et partir travailler en tant qu’enseignante de français dans un lycée international privé anglais. Pendant cette année, j’ai côtoyé des élèves des quatre coins du monde qui m’ont fait rêver de leur culture et de leur pays.
C’était décidé. À mon retour je ferai un master en relations internationales !
Après un passage par l’armée, je suis finalement revenue un peu par hasard à l’enseignement supérieur, cette fois-ci dans le cadre des relations internationales. J’y ai retrouvé cette même mixité culturelle que j’avais adorée lors de mon année en Angleterre. Dès lors, je n’ai plus quitté ce domaine.
Vos premiers pas professionnels ont-ils été guidés par vos études ?
J’ai très tôt été immergée dans le monde du travail. Dès ma 1ère année à l’université, je me suis mise à travailler dans divers services administratifs l’été puis à l’année, d’une part pour me créer une solide expérience professionnelle exploitable à l’issue de ma formation, mais également pour gagner quelques sous.
J’ai ainsi travaillé en scolarité générale aux inscriptions web, puis au sein d’un master en maintenance et maîtrise des risques industriels (MMRI) m’occupant ainsi de la gestion des étudiants en formation initiale, en apprentissage et en formation continue, ainsi que de l’évènementiel autour de cette formation (conseils de perfectionnement, réunions d’apprentissage, soutenances…).
À mon retour d'Angleterre, j’ai recommencé à travailler à l’université en parallèle de mes études. Tout d’abord en MMRI, puis on m’a confié la responsabilité de la gestion d’une licence en commerce et échanges internationaux (formation initiale et apprentissage).
Après un passage en 2013 par l’armée, j’ai coordonné en 2014 à l’échelle de la faculté de science et technologie de l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) un projet d’insertion professionnelle visant à mieux orienter les étudiants de première année et à réduire le taux d’échec universitaire.
J’étais également en charge jusque 2015, des relations internationales. C’est véritablement là qu’un second déclic s’est opéré et que j’ai décidé de construire mon projet professionnel autour des relations internationales universitaires. D'où mon choix de rejoindre les équipes de l'Inalco.
Vous êtes encore un peu nouvelle à l'Inalco. Avez-vous une expérience marquante à nous conter ?
Une de mes expériences les plus marquantes fut mon passage par la cellule de coopération bilatérale de l’Etat-major de l’armée de terre. J’y étais employée en tant que chargée de coopération européenne. Bien que la rigueur, l’exigence, le respect des règles et la réactivité y aient été de mise, j’y ai rencontré des personnes humaines et engagées, bien loin de la représentation guindée qui peut parfois coller à la peau des militaires. J’ai adoré leur franchise et ai été très agréablement surprise par leur simplicité et leur accessibilité.
J’ai énormément appris au contact de ces personnes et j’en garde d’excellents souvenirs, comme cette fois où un collègue avait oublié de verrouiller son ordinateur avant de quitter son poste (consigne de sécurité n°1) et où le chef de section avait piraté la boîte mail de ce pauvre malheureux pour envoyer de sa part un mail type « téléphone rose » au responsable de la cellule (littéralement son N+3). Autant vous dire que même maintenant j’y réfléchis à deux fois avant de quitter mon poste sans avoir verrouillé mon ordinateur. J’ai également gardé ce « Respectueusement », de mise à l’armée, que je signe à chaque fin de mail.
Parlez-nous de votre expérience à l’étranger évoquée plus haut.
J’adore voyager, mais il est vrai que cette expérience m’a marqué. Il s'agit de mon année en tant qu’assistante de langue (programme du CIEP) en Angleterre. Entre 2010 et 2011, j’ai été affectée dans un lycée international privé du sud de l’Angleterre pour y enseigner le français sous forme de cours de conversation. Fondé en 1935, le lycée avait pour vocation de former les élites anglaises et internationales à partir d’une méthode d’enseignement personnalisée, à savoir un petit nombre d’élèves par classes (8 au maximum), un encadrement pédagogique fort, des cours du programme scolaire le matin et des enseignements sportifs ou artistiques l’après-midi et des infrastructures dernier cri financées par la fondation de l’établissement.
Les élèves et les personnels pouvaient ainsi avoir accès à des écuries, une piscine olympique, un parcours de golf, des terrains de football ou de rugby, des studios d’enregistrement de musique dernier cri, ou encore une salle de concert/théâtre régulièrement mise à disposition des élèves pour des manifestations musicales ou théâtrales, notamment à l’occasion de galas de charité.
Cette immersion dans les méthodes de travail à l’étranger, dans ce pays que je ne connaissais qu’à travers mes études et dans ce système fortement internationalisé d’excellence scolaire m’a beaucoup marqué. Je garde un souvenir très fort de cette expérience que je recommande à tout étudiant de langues et en particulier à ceux de l’Inalco, d’une part pour l’immersion linguistique, mais aussi culturelle et professionnelle.
Un attrait particulier pour une des langues et civilisations enseignées à l’Inalco ?
De par mes origines, j’ai toujours souhaité en connaitre d’avantage sur la culture et la langue perse, sans toutefois oser sauter le pas.
C'est le moment de vous inscrire aux cours du soir !
Souhaitez-vous nous parler d'un autre sujet pour vous connaitre mieux ?
Volontiers ! Pour terminer de manière plus légère, je suis une fan assidue du club tricot de l’Inalco. J’aime cette activité qui requiert de la patience, de la minutie, de la concentration, beaucoup de rigueur et de réflexion mais surtout de la créativité. Cela me permet également de décompresser et de nouer des liens en dehors du cadre professionnel. Je suis d’ailleurs en règle générale très créative et bricoleuse. Déjà toute petite j’aimais démonter et remonter tout ce qui me passait sous la main.
Kadhim J. Hassan, accompagnateur des manifestations sur les réfugiés
Kadhim J. Hassan, accompagnateur des manifestations sur les réfugiés
Quels ont été votre formation initiale et votre parcours avant l'Inalco ?
Après l’obtention du baccalauréat (littéraire) en Irak, mon pays d’origine, je suis venu en France en 1976 pour ne plus la quitter, sauf pour des séjours linguistiques en Allemagne et en Espagne et pour de courts voyages. Apprentissage du français, puis études de littérature générale et comparée à l’Université de la Sorbonne-Nouvelle Paris 3 ; par la suite, conversion thématique vers l’anthropologie du Monde arabe à l’EHESS (maîtrise, puis D.E.A), ensuite présentation d’une thèse de doctorat nouveau régime à l’Université de la Sorbonne Paris IV, portant sur la traduction de poésies européennes dans la culture arabe (1995), suivie de l’obtention du CAPES d’arabe (major, 1998) puis de l’Agrégation d’arabe (major, 1999). Enseignement dans le secondaire dans quelques villes de France et charges de cours dans quelques universités, puis nomination comme MCF à l’Inalco en 2002. (Soutenance d’HDR à l’Inalco en 2005 ; nommé professeur des universités à l’Inalco en 2010.)
Vos premiers pas professionnels ont-ils été guidés par vos études ?
Parallèlement à mes études universitaires, j’ai dû, pour subvenir à mes besoins mais aussi par passion pour la littérature et la traduction, m’investir assez tôt dans la presse littéraire arabe de la diaspora, et aussi dans la presse littéraire au Liban, ainsi que dans la traduction de textes littéraires pour l’UNESCO et quelques maisons d’édition arabes.
Quels sont vos axes de recherche ?
Littérature arabe, littératures comparées et poétique de la traduction. Mon terrain est celui de la littérature et de domaines proches, la philosophie de la littérature par exemple et la traduction littéraire. J’ai appris autant dans les livres qu’à travers les rencontres et l’échange dans les colloques et manifestations littéraires.
Avez-vous un attrait pour les autres langues ?
Conjointement à l’arabe, je suis usager passionné du français et de l’espagnol et je comprends l’anglais et (avec l’aide des dictionnaires toutefois) l’allemand.
Vos activités de chercheur vous ont amené à travailler sur les questions concernant les réfugiés syriens.
Je suis moi-même un ancien réfugié politique avant d’avoir été naturalisé français. Sensible aux questions de l’exil et à celles des droits de l’homme dans le monde arabe, je ne pouvais que m’impliquer dans les débats et rencontres concernant les réfugiés syriens et ceux venus d’autres pays. Je dois préciser que, dans le peu que j’ai fait dans ce domaine, j’ai été largement aidé par mes amis et connaissances parmi les écrivains et artistes syriens résidant en France et connaissant très bien le terrain.
Dans quel cadre se situe votre participation au Cycle Migrations ?
Notre institut, il faut le souligner, a été parmi les premiers établissements académiques en France à intégrer le travail sur les réfugiés à ses manifestations culturelles. Et le Cycle Migrations a ceci de spécifique et de très satisfaisant qu’il a englobé plusieurs régions sinistrées par la violence et l’émigration ou l’immigration massive, et qu’il a multiplié les approches en faisant intervenir des sociologues, anthropologues, psychanalystes, spécialistes de droit international et de politique d’asile, ainsi que des artistes et des écrivains. Dans ce cadre, j’ai coordonné la rencontre du 15 février 2016, dont le programme a consisté en une expérience théâtrale portant sur la vie des réfugiés et jouée par des réfugiés syriens et palestiniens, suivie par un débat avec des écrivains réfugiés syriens. Je suis invité aussi à participer à la dernière séance de l’année (le 6 juin au centre Pompidou de 19h à 21h), qui aura pour thème et pour titre : Périples : langages de l'exil.
Où trouver vos travaux pour connaître mieux votre travail ?
Quelques ouvrages et interventions dont une partie est en français (le reste en arabe) sont disponibles sur l'internet.
Linda Zaoui, une dynamique au service des étudiants
Linda Zaoui, une dynamique au service des étudiants
Quelle a été votre formation initiale ?
Depuis toute petite, j’ai la vocation d’aider les autres.
À l’âge de 4 ans, je voulais devenir pompier à cheval. Plus grande et plus lucide, j’ai dû changer de voie…
Je me suis alors destinée à une carrière scientifique. En effet, après l’obtention d’un bac scientifique, j’ai fait une licence en biologie pour travailler au sein de la police scientifique, que j’ai pu approcher lors d’un stage. Je me suis finalement orientée vers des études d’ostéopathie que l’on peut mettre en pratique dès la 1ère année. J’ai achevé cette formation en 2013.
Pourquoi le choix de l’Inalco ?
Contrairement à beaucoup de collègues de l’Inalco, je n’y ai effectué aucun cursus. En revanche, j’ai étudié le chinois pendant trois ans au lycée. J’étais donc sensibilisée aux cultures et langues orientales dès mon adolescence. Peut-être qu’un jour je m’inscrirai à des cours ici... !
Racontez-nous vos premiers pas et votre évolution professionnelle.
Dans le cadre de mes études d’ostéopathie, j’ai travaillé dans plusieurs cliniques privées afin de développer mes compétences pratiques. J’ai également exercé durant un an dans un club sportif pour valider mon stage.
En parallèle à mes études, je travaillais chez le chocolatier Jeff de Bruges en tant que manager. Durant cette expérience, j’ai eu pour collègue Amandine Polliart dont la sœur était vacataire à l’Inalco chargée des inscriptions administratives. Elle m’a appris que l’établissement recherchait d’autres vacataires pour cette fonction. N’étant pas convaincue de vouloir travailler en libéral, ni de vendre des chocolats toute ma vie, je me suis aventurée dans la fonction publique afin d’avoir un large panel de choix pour décider de mon avenir.
Contre toute attente, cette expérience m’a beaucoup plu et j’ai eu l’opportunité d’être embauchée en septembre 2014 en tant que gestionnaire au Pôle vie étudiante. Ce fut mon travail durant un an et cela m’a permis de participer à toutes les activités de la vie étudiante : mission handicap, convention de stage, Journée portes ouvertes, commission de la vie étudiante, etc.
Fortement intéressée par ces diverses missions et soutenue par mes collègues, lorsque le poste de responsable de la vie étudiante a paru, j’ai tout de suite candidaté. Ainsi, en septembre 2015, j’ai effectué ma rentrée en tant que responsable de la mission handicap, vie étudiante et vie de campus.
Quels sont vos projets pour la vie étudiante de l’établissement ?
Grâce à mes fonctions et à l’intérêt que je porte aux différentes cultures, je peux promouvoir la vie étudiante et associative au sein de l’établissement et faire rayonner l’Inalco à l’échelle de l’USPC et plus largement encore. Pour certains événements, comme par exemple l’Inaculturelle, je souhaite que l’Inalco s’ouvre encore plus grâce à la présence de partenaires tels que le CROUS et la mairie de Paris.
Les journées culturelles ont beaucoup d’impact pour la vie de l’établissement et mon objectif est que ces dernières se multiplient afin de créer une dynamique auprès des étudiants. Les thèmes seront variés et toujours en lien avec les missions de mon service : j’envisage d’aborder la prévention des différentes addictions (drogues, alcool, tabac), les questions de santé, la gestion du stress mais aussi la sensibilisation aux différents handicaps, avec la participation des étudiants.
Toutes ces activités demandent beaucoup d’investissement personnel et un travail transversal avec tous les services, ce qui me plait particulièrement. J’apprécie énormément de collaborer avec nos étudiants et associations, même s’ils me font parfois part de leur projet à la dernière minute… C’est dans ces moments que la patience que j’ai acquise en ostéopathie avec les patients m’est précieuse !
Johnny Cheung, titulaire de la chaire d'excellence Inalco-USPC
Johnny Cheung, titulaire de la chaire d'excellence Inalco-USPC
Quelle a été votre formation initiale ?
Je suis né au Suriname, en Amérique du Sud et j’ai grandi aux Pays-Bas. Juste avant l’indépendance de cette colonie néerlandaise, mes parents ont décidé d’émigrer et de s’installer à Amsterdam, car ils craignaient l’instabilité politique d’un Suriname indépendant.
Après avoir terminé mon parcours scolaire au cœur de la capitale néerlandaise, j’ai eu envie d’élargir mon horizon culturel et j’ai choisis d’étudier les langues et cultures indo-iraniennes à Leyde. Il m’est devenu très clair que mon principal intérêt se portait surtout sur les langues anciennes, donc, après l’année initiale, je me suis inscrit en études philologiques, axées principalement sur la famille des langues indo-européennes. En explorant les complexités et subtilités grammaticales de dizaines de langues anciennes et moins anciennes, je me suis intéressé aux aspects culturels comme l’histoire ou les migrations de ces peuples indo-européens qui vécurent quelques mille ans avant nous. Qui étaient-ils, que pensaient-ils et que faisaient-ils ? La clé en a été trouvée dans les textes transmis jusqu’à nous par les chercheurs en philologie, qui ont eu la tâche de les décrypter et de les interpréter. J’ai décidé de me limiter à une seule branche de la famille des langues indoeuropéennes, l’iranienne, qui consiste elle-même en des dizaines langues et dialectes : le persan, le pashto, le kurde, le baloutchi, l’ossète, ainsi que les langues éteintes : le sogdien, khotanais et l’avestique.
Tandis que je finalisais ma thèse sur l’ossète, une petite langue iranienne parlée dans le Caucase, je prenais conscience que le cœur de ma recherche future se trouverait au Proche-Orient, spécifiquement dans la partie « persocentrique » du monde islamique, une aire qui est caractérisée par une synthèse culturelle des traditions persanes/iraniennes du Moyen-Orient et des coutumes des Turcs d’Asie centrale. C’est un vaste espace très influent, qui part de l’Europe du sud-est et s'étend jusqu’à l’Asie Centrale et du Sud,et où s’établirent les grands empires persanophiles, comme ceux des Abbasides, puis des Samanides, Ghaznavides, Seldjoukides, Safavides, Ottomans et Moghols indiens. J’ai commencé à apprendre et étudier le persan, y compris l’histoire et les religions de la région. Ensuite j’ai visité l’Iran et fait des recherches de terrain sur plusieurs années.
- premiers pas professionnels : où, quand, quels choix ?
Après ma soutenance de thèse en 2000, on m’a offert un contrat postdoctoral de courte durée à Leyde, pendant lequel j’ai travaillé à l’édition d’un dictionnaire étymologique des verbes iraniens. En 2010, le prestigieux prix du Livre de l’Année m’a été attribué en Iran pour ce dur labeur.
En 2003, j’ai participé à un projet fascinant sur les documents bactriens, qui ont été découverts pendant les années 90. Ce projet s’est déroulé à Cambridge et a été dirigé par l’éminent iranisant Nicholas Sims-Williams. La langue utilisée dans ces documents est le bactrien, qui, jusque-là, était fort méconnue. Ma contribution a été une grande base de données rassemblant tous les mots de ces documents.
Après la clôture de ce projet en 2008, je rentrais à mon alma mater, d’où j’acceptais le poste du maître de conférences en persan.
J’ai poursuivi mes recherches sur le monde iranien, tout en approfondissant mes connaissances sur le pashto et l’Afghanistan, l’histoire et les religions du Proche-Orient, dont le manichéisme, le zoroastrisme, la poésie persane, l’islam normatif et hétérodoxe et le soufisme islamique.
- Comment s’est passée votre arrivée en France et votre entrée à l'Inalco ?
Mon arrivée en France et à l’Inalco est très récente, elle date de septembre 2015, grâce à un échange culturel. Vivre en France demande beaucoup de patience et… de justificatifs ! C’est la fameuse bureaucratie française !
Je suis très heureux de travailler à l’Inalco, qui me permet de faire mes recherches en toute tranquillité, étant soutenu par une administration sympathique et des collègues bienveillants (mais parfois difficiles à rencontrer !). J’ai reçu un accueil chaleureux de Mme Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, de M. Abdoulaye Keita et de Mme Ursula Baumgardt, qui m’a invité à participer à son séminaire.
J’ai organisé en novembre une journée d’études intitulée « Défis et définitions du terrain » et je dois remercier nos gestionnaires d’équipes de recherche pour le soin scrupuleux apporté à cette journée d’études.
Je viens de terminer mon séminaire sur une réflexion épistémologique de notre aire humaine. J’ai été très étonné de la timidité des étudiants ici, un grand contraste avec les étudiants que j’ai connu à Leyde. J’espère poursuivre ce séminaire l’an prochain et continuer d’encourager les étudiants à exploiter les facilités qu’ils ont ici l’Inalco et les ouvrir à leur future carrière.
J’ai aussi pour projet à plus long terme de donner quelques cours sur l’histoire du persan (partir du vieux perse achéménide et aller jusqu’au nouveau persan de l’Iran, de l’Afghanistan et du Tadjikistan),et de donner une introduction de la dialectologie iranienne moderne et historique, et des cours sur une autre communauté marginalisée du Moyen-Orient, les juifs qui font usage d’un dialecte iranien. J’en profiterais également pour présenter les méthodes et les résultats de la philologique classique et moderne.
- Parlez-nous de votre expérience sur le terrain.
Je connais très bien le terrain en Iran, notamment pour ma recherche concernant la collecte des contes des Bakhtiaris, une minorité iranophone appelée « tribu » (en raison de leurs coutumes et traditions spécifiques, et leur pratique de la transhumance).
D’un autre côté, l’accès aux terrains des Yézidis kurdophones n’est pas garanti. Les régions de Syrie et d’Irak, où habitaient historiquement les Yézidis auprès de leurs sanctuaires importants, sont régulièrement attaquées et les populations déplacées. Bien que le Kurdistan irakien soit relativement stable actuellement, il me semble trop risqué en ce moment.
En raison de leurs traditions religieuses spécifiques, les Yézidis étaient dispersés dans beaucoup d’autres régions. Donc, les régions les plus sécurisées pour le chercheur sont désormais la Géorgie et l’Arménie, où les Yézidis étaient exilés vers la fin de l’Empire ottoman. Bien sûr, je vais aussi interroger les communautés des Yézidis qui sont installées en Europe, surtout en Allemagne, où la grande majorité des Yézidis turcs habite maintenant à la suite des grandes persécutions des années 80 et 90 en Turquie.
- Avez-vous ou avez-vous eu un attrait pour d’autres langues et cultures du monde ou d'autres disciplines ?
Bien que j’ai une formation de linguiste et de philologue classique, qui essaie de comprendre le texte et sa contextualité d’un point de vue étymologique et comparé, je suis souvent surpris par la quantité d’informations sur les coutumes et traditions ou les vues religieuses et culturelles que l’on peut « extraire » des textes par une telle analyse philologique, même sur leurs interactions avec les autres peuples ou ethnies. Donc, j’exploite cette approche « mise à jour » pour ma recherche actuelle sur les littératures des minorités iranophones des Yézidis et Bakhtiaris, dont la collecte systématique me permettra de découvrir des informations sur leur cadre culturel, religieux et historique au Proche-Orient.
Concrètement, en utilisant cette méthodologie, j’ai pu démontrer, hors de la sphère strictement iranienne, qu’une influence religieuse iranienne sur le Coran serait présente, mais à un niveau superficiel, et que les fondateurs du premier empire turc, des Köktürks, appartenaient probablement à un peuple qui était parent des Mongols.
J’en profite pour mentionner la source d’inspiration de cette méthodologie modernisée : c’est mon ancien collègue et bon ami bien respecté, le turcologue Uwe Bläsing à Leyde. Il a appliqué cette méthode avec une grande réussite lorsqu’il a travaillé sur les influences de l’arménien et des Arméniens sur le turc moderne de Turquie. Si bien qu’aucun chercheur turc, nationaliste ou non, n’ose plus de les contester.
- Quels sont vos axes de recherche à l’Inalco ?
Je suis membre de l’équipe de recherche des mondes iranien et indien, dirigée par Mme Pollet Samvelian actuellement, spécifiquement de l’axe « langues mondes iranien et indien ». Egalement, par le biais de ma formation philologique et linguistique, je suis attaché au Labex Fondements empiriques de la linguistique (EFL), dont l’axe « Langues, dialectes et isoglosses dans l'aire Ouest-Asie » est le plus pertinent.
- Vos activités de chercheur vous ont amené à devenir lauréat de la chaire d'excellence INALCO-USPC ?
Il est un peu gênant de répondre à cette question. Vous savez, on ne fait pas de recherche dans une tour d’ivoire... Peut-être que ce qui a permis l’octroi de la chaire d'excellence INALCO-USPC, c’est la diversité de mes activités professionnelles et académiques, comme je vous les ai décrites. Bien que je sois attaché depuis peu à l’Inalco, il me semble observer que beaucoup des collègues de l’établissement travaillent en solitaire, par choix ou par nécessité. J'ai fait la rencontre de plusieurs collègues de mon aire géographique ou culturelle qui n'ont pas toutes abouties pour le moment à des collaborations futures.
C’est dommage, mais d’un autre côté, je me réjouis de participer à des événements avec les établissements d’USPC dont les domaines de recherche sont reliés à ceux de l’Inalco. Je souscris entièrement à l’« esprit » traditionnel de l’Inalco, qui souligne la diversité des langues et des civilisations du monde. À mon avis, en tant que membre de la communauté scientifique de l’Inalco, il faut chercher les connexions avec les autres disciplines, même si la région des autres est plus éloignée de la sienne. C’est aussi très vrai, qu’on manque souvent de temps.
Pour en revenir au projet retenu, nous avons un bon socle, qui repose sur des problématiques actuelles du monde. C’est dans ce cadre que j’ai choisi de collecter et analyser les littératures orales des Yézidis et Bakhtiâris, deux groupes iranophones dont le patrimoine culturel est menacé de disparaître soit physiquement soit politiquement.
- Vous êtes aussi programmé dans le cadre du Cycle Migrations en avril
Ce cycle « Migrations » est un excellent exemple de collaboration et de présentation des connaissances et expertises diverses qui sont disponibles à l’Inalco et chez ses partenaires. Il permet d’expliquer les problèmes actuels du monde au grand public, souvent uniquement informé par des médias du quotidien. C’est pour cette raison que j’ai immédiatement accepté d’y participer en avril pour présenter le sort des Yézidis. Selon moi, c’est un devoir moral d’informer et d’amorcer la discussion à partir de la connaissance et des expériences des chercheurs. Même si on souffre un peu du trac - comme moi -, le sort actuel désespéré des réfugiés, qui échouent sur les plages de l’Europe chaque jour, y compris les Yézidis, impose de prendre la parole et de communiquer.
Souvent, il est difficile d’échapper à une prise de position partisane. Si nous prenons l’exemple des migrations historiques des peuples germanophones qui fuyaient à l’approche des Huns aux IV-VII siècles, on ne peut que constater la différence de point de vue selon la situation géographique de chacun. Ces flux des tribus germaniques en Europe occidentale sont considérés comme les « Grandes invasions barbares » dans les livres scolaires en France, mais sont mieux connus sous une désignation moins insultante, notamment sous le terme de « La migration des peuples » en Allemagne (Völkerwanderung), et dans les autres pays germanophones. Actuellement, ces flux sont sans doute interprétés différemment en France et en Allemagne.
À nous spécialistes la tâche de nuancer et recontextualiser les grands flux de populations actuels, en diminuant les attentes élevées des optimistes naïfs aussi bien que les craintes apocalyptiques des pessimistes méfiants à l’arrivée des réfugiés et migrants aux portes de l’Europe.
Stéphane Faucher : autodidacte et spécialiste de l’Inalco
Stéphane Faucher : autodidacte et spécialiste de l’Inalco
Crédit photo : Yathreb HADDAR pour l'Inalco
Commençons par le commencement, quelle a été votre formation initiale ?
En fait, je suis autodidacte ! Cela m’a permis de pouvoir exercer plusieurs métiers avant de trouver ma voie. Avant d’entrer à l’Inalco, j’ai exercé au service d’état civil d’une mairie avec l’accès aux archives (poussiéreuses !) du XIXème siècle, mais j’ai aussi travaillé dans le bâtiment et même appris à couper du verre... Puis diverses expériences pour ensuite revenir dans l’administration et découvrir une mission enrichissante au service gestion et intendance d’un collège. Cela m’a guidé dans mes choix et ma motivation pour entrer à l’éducation nationale.
Votre arrivée à l’Inalco ?
J'ai été nommé à l’Inalco en 1992, suite à la réussite d’un concours administratif et affecté à la DRH, au bureau des heures complémentaires. Découverte d’un univers particulier, difficile mais enrichissant. En tout cas, très formateur sur le plan professionnel.
Vous avez bougé à l'Inalco, changé de service... Quel est votre parcours ?
Le poste en DRH m’a permis de connaître la population enseignante. En 2002, je réussis un autre concours et je dois normalement quitter l’établissement. Quelle surprise en recevant mon affectation… je suis nommé à l’Inalco ! Il n’y avait pas de poste disponible en DRH et je souhaitais changer. C’est comme cela que je me suis retrouvé en charge de la cellule APOGEE avec la modélisation de toute l’offre de formation ! Un vrai changement de décor de la DRH vers la scolarité avec son univers d’étudiants, de cursus en tout genre, les plaisirs du passage du DULCO au LMD en 2006 et toujours le contact avec les enseignants mais sous un angle totalement différent.
En 2011, j’ai saisi l’opportunité de travailler directement avec le contrôleur de gestion. La mission : piloter l’établissement à l’aide d’indicateurs… Prenons une métaphore pour comprendre : le tableau de bord d’une voiture est constitué d'un ensemble d'indicateurs et de témoins qui renseignent le conducteur sur le fonctionnement du moteur et sur les paramètres de conduite (vitesse instantanée, température extérieure). Eh bien c’est la même chose pour l’Inalco ; pour le domaine de la scolarité par exemple, c’est créer des indicateurs sur la population étudiante, ses attentes. Ces résultats seront une aide à la décision pour la direction de l’établissement. Ces indicateurs alimentent également le contrat quinquennal et les accréditations de nos diplômes nationaux.
Vous avez de nouvelles fonctions depuis quelques mois... ? Quelles sont-elles ?
Je suis responsable de la direction des formations (DIFOR) qui a été créée en mars 2015. Cette nouvelle structure de 7 personnes regroupe la cellule APOGEE et le bureau des plannings et examens. Les objectifs du service : développer et piloter l’offre de formation, élaborer une stratégie qui permet d’organiser, de valoriser et de faire évoluer cette offre en fonction des besoins et préparer la future accréditation. Cela passe par la gestion des enquêtes à destination des étudiants, la mise à jour des indicateurs ministériels et internes. Nous avons en charge toute mission liée au président de la CE ainsi que le secrétariat de la commission des études. La mise à jour des brochures en cohérence avec l’offre de formation APOGEE est également de notre ressort.
La cellule APOGEE modélise toute l’offre de formation et écrit les règles de calcul des diplômes, le bureau des plannings doit trouver des salles pour plus de 3 500 cours.
Les enseignants peuvent également s’adresser à nous pour obtenir des statistiques personnalisées sur la langue qu’ils enseignent.
Comment avoir accès à toutes ces informations quand on est novice ?
Depuis 2012, je rédige une brochure intitulée « Planète étudiante Inalco ». Ce document est une « photographie » annuelle qui permet de mieux connaître notre public étudiant et d’affiner notre offre de formation.
[NDLR. La dernière version 2014/2015 est disponible en téléchargement dans cette Lettre interne].
Enfin, le projet phare pour 2016 consiste à la mise en place de l’application AMETYS qui consiste à modéliser notre offre de formation dans une application commune à notre COMUE. Pour cela, nous sommes en collaboration avec la cellule stratégie & projets numériques pour l’intégration des formations de l’Inalco.
Des activités en dehors de l’Inalco ?
Oui plusieurs. J’ai pratiqué le jeu de dames en compétition au niveau international ce qui m’a permis d’obtenir le grade de maître fédéral international. Aujourd’hui, le niveau national me suffit largement car je joue toujours en compétition mais désormais en dilettante !
Laurent Sagart reçoit le Prix Leonard Bloomfield 2016
Laurent Sagart reçoit le Prix Leonard Bloomfield 2016
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
Après le bac (1968) j'ai commencé des études de linguistique à Vincennes et simultanément de chinois à Paris 7, que j'ai continuées à Bordeaux. De retour à Paris, j'ai suivi les séminaires du Centre de Recherches Linguistiques sur l'Asie Orientale (CRLAO), dont je suis aujourd'hui membre. Maîtrise de chinois à Paris 7 puis service militaire 1975-77 dans la coopération à Hongkong: j'y étais professeur de français à l'université chinoise.
Cela a été une véritable immersion dans la langue et la civilisation !
À Hongkong j'ai appris un peu de cantonais et mené une enquête de terrain sur le hakka des nouveaux territoires. J'en ai tiré une thèse de 3ème cycle (Paris 7). Puis j'ai été un an étudiant boursier à Pékin, puis Nankin : j'y ai enquêté sur des dialectes du Jiangsu.
Quels ont été vos projets à votre retour en France ?
De retour en France j'ai enchainé petits boulots et vacations en linguistique (sur le babillage comparé des enfants français, cantonais et algériens) jusqu'à mon recrutement en linguistique au CNRS en 1981. Là, j'ai d'abord étudié les dialectes du Jiangxi, où j'ai effectué plusieurs enquêtes. Mon doctorat d'État (Aix-Marseille I, 1990) leur était consacré. Parallèlement, afin de m'initier à une langue tibéto-birmane, j’ai suivi les cours de birman de Mme Bernot à l'Inalco.
C’est donc là vraiment que vous faites votre entrée à l’Inalco ?
Oui, en effet. J'ai ensuite passé deux ans (1987-1989) à enseigner la dialectologie chinoise à l'université Ts'inghua à Taiwan. Mes intérêts se sont diversifiés : j'ai commencé à m'intéresser à la diachronie plus profonde du chinois ainsi qu'à ses relations génétiques. Depuis 1991 je défends (à contre-courant) l'idée que le chinois est apparenté aux langues austronésiennes (Taiwan-Philippines-Indonésie-Pacifique).
Vous êtes lauréat 2016 du prestigieux Prix Leonard Bloomfield. Pour quel travail et comment cela s’est-il déroulé ?
La reconstruction du chinois archaïque (langue de Confucius, plus ou moins) est le sujet qui a valu à William Baxter, mon collègue de l'université du Michigan, ainsi qu'à moi-même, le prix Bloomfield. Nos idées sont rassemblées dans le livre "Old Chinese: A new Reconstruction" (Oxford University Press, 2014). L'écrire nous a pris une dizaine d'années, avec des réunions quasi hebdomadaires par vidéoconférence. Le soutien de mon labo, le CRLAO, et de l'Inalco, qui héberge notre équipe depuis 2008, d'abord à Nogent et aujourd'hui rue de Lille, a été déterminant pour mener à bien ce travail.
Françoise Moreux, une vie à l’Inalco
Françoise Moreux, une vie à l’Inalco
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
De par ma naissance en Berry, en plein centre de la France, ni ma famille ni les circonstances ne me prédestinaient à étudier le chinois, et pourtant, aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’aller en Chine et surtout de découvrir la signification des idéogrammes qui me fascinaient. Il me fallut cependant passer outre la volonté de mes parents pour « monter » à Paris étudier aux Langues O’, où j’ai commencé mes études en 1966.
Comment s’est déroulé votre parcours à l'Inalco ? Aviez-vous déjà d’autres activités en plus de votre cursus ?
Pendant mes études, j’ai fait des petits boulots dans notre établissement : inscriptions de rentrée et j’ai été fudaoyuan 辅导员 (auxiliaire d’enseignement) pendant l’année 1969- 1970. Je suivais aussi des cours de musique orientale au Centre Michelet et j’ai appris à jouer du violon à deux cordes (erhu 二胡). Diplômée en 1969, j’ai obtenu la licence de chinois à Paris VII (Censier) en 1970. Souhaitant ardemment me rendre en Chine, j’ai étudié deux années à Taïwan à l’Université des sciences politiques (国立政治大学) et suis rentrée à Paris pour présenter mon mémoire de maîtrise en juin 1972. Faute de pouvoir rejoindre Pékin comme étudiante comme je l’avais escompté, j’ai suivi les cours du CPEI qui venait d’être créé deux ans plus tôt, tout en étant technicienne de laboratoire à l’Inalco.
Quels ont été vos premiers pas professionnels en dehors de l’Inalco ? Vous avez une riche expérience en Asie…
À la rentrée 1973, j’ai enseigné le chinois en qualité de maître auxiliaire aux lycées Racine et François Villon, peu de temps (seulement un trimestre) car j’ai été recrutée par Air France pour l’ouverture de son bureau de représentation à Pékin.
Engagée initialement pour un an, j’ai passé plus de sept années en Chine entre 1974 et 1982. Toutes ces années restent pour moi les plus heureuses de ma vie. Intégrée dans la compagnie aérienne française, c’est finalement là que s’est déroulée ma carrière professionnelle.
Très marquée par mon tropisme chinois, j’ai dû, en rentrant de Pékin, faire preuve de souplesse. Le retour au siège d’une grande entreprise n’a pas été simple, car le domaine de responsabilités était plus restreint que dans un poste d’expatrié très polyvalent. J’ai cependant occupé des fonctions très différentes qui ont élargi mes connaissances : réglementation tarifaire, affaires internationales (négociation des accords aériens et commerciaux) et après, un bref passage comme responsable commerciale des Cars Air France, j’ai participé dès 1996 à la création d’une cellule d’Intelligence économique, service dans lequel j’ai terminé ma carrière fin septembre 2007.
Une carrière vraiment diversifiée en effet…
À l’adresse des étudiants actuels, je dirais que le fait d’avoir appris une langue réputée difficile m’a souvent permis d’être préférée à d’autres candidats, certainement plus compétents, mais le choix s’est basé sur une aptitude à vaincre les difficultés. De plus, le fait d’avoir consenti à faire des choses pour lesquelles je n’avais aucun goût naturel n’a pas été une entrave à ma progression de carrière.
Revenons maintenant sur votre engagement pour l’Inalco comme ancienne élève.
J’ai adhéré à l’Association des anciens élèves après mon retour en France (1983). J’ai commencé à m’y impliquer en intégrant le Conseil d’administration en 1991. Au cours de ces 24 années, j’ai exercé diverses fonctions au sein du bureau : secrétaire générale, vice-présidente et trésorière et j’ai succédé à Michel Perret au poste de présidente en juin 2007.
Avec les membres du Conseil d’administration, j’ai porté plusieurs projets qui ont abouti : la régularité de la publication de notre bulletin Orients (trois fois par an, depuis 7 ans), la révision de notre image avec la création d’un logo, le rapprochement avec les associations étudiantes, rendu possible par le rassemblement en un même lieu de l’établissement lui-même. Au long de toutes ces années, je me suis efforcée de mener à bien l’association, en tentant de lui faire tenir la promesse de ses objectifs.
Avez-vous de nouveaux projets avec l’association ?
J’ai amorcé un dialogue avec l’Inalco qui devrait porter de nouveaux fruits, notamment la création d’un réseau Alumni Inalco-Langues O’ comme il en existe dans toutes les grandes écoles. Lorsque ce réseau aura pris corps et vivra sa propre vie, il me semble qu’il sera temps pour moi de céder la place.
C’est un projet qui est porté aussi par le service d'information, d'orientation et d'insertion professionnelle (SIO-IP). La soirée de lancement de ce nouvel outil de lien entre les anciens étudiants se tiendra lundi 23 novembre.
Pour terminer notre entretien, avez-vous eu encore d’autres activités en dehors de tout ce que vous avez fait au sein de l'Inalco ?
Même si les Langues O’ et l’Inalco ont tenu une place très importante dans mon parcours de vie, je me suis consacrée également à d’autres activités, notamment dans ma province natale à laquelle je suis restée profondément attachée :
- j’ai été conseiller municipal de 1983 à 1989, puis de 2008 à 2014,
- j’ai créé et présidé pendant 10 ans (de 1983 à 1993) une association pour la préservation d’un monument historique classé (église du XIIe siècle), en y organisant des concerts et des expositions.
Le théâtre et la musique ont tenu une place très importante dans ma vie. J’ai étudié (en plus de mon travail à Air France) pendant trois ans la comédie au cours Simon et je suis depuis plusieurs années des cours de chant lyrique.
Hervé Zécler, la comptabilité, traduction en chiffres d’évènements humains
Hervé Zécler, la comptabilité, traduction en chiffres d’évènements humains
M. Zécler, vous avez pris votre poste à l'Inalco le 1er septembre dernier. Afin de mieux vous connaître, pouvez-vous nous dire quelle a été votre formation initiale ?
J’ai un parcours, classique, de juriste. On peut penser que cela ne prédispose pas à devenir inspecteur des finances publiques, mais, outre que le concours comportait des épreuves de droit d’un niveau assez relevé, les aspects juridiques et réglementaires de mon métier sont nombreux. Mon premier poste a été en Corse, dans une trésorerie rurale. J’ai choisi ce poste. J’avais l’intime conviction que c’était au plus près du terrain que j’allais apprendre mon métier. J’y ai passé cinq années très enrichissantes, sur les plans personnel et professionnel. J’en profite pour revenir sur une idée reçue : l’incivisme fiscal en Corse n’est pas franchement plus significatif qu’ailleurs – et 98% des Corses payent leurs impôts !
Quelles ont été vos autres expériences ?
Après la Corse, j’ai été deux ans au ministère de la Défense. J’avais la volonté d’occuper un poste en administration centrale, pour me familiariser avec les problématiques de l’État, qui, en l’occurrence, cherche à évaluer et à valoriser ses biens militaires, ce qui n’est pas une chose facile (un porte-avions n’est pas coté à l’Argus !). Je suis allé ensuite au Nigéria, ce géant de l’Afrique à la fois méconnu et mal perçu. J’avais évidemment la volonté de découvrir une culture différente de la nôtre, mais qui a chez moi des résonnances particulières (de part mon histoire familiale). A l’issue de ma mission, il m’a été proposé d’aller en Israël. J’y suis resté trois ans.
Toutes ces expériences ont des points communs : elles sont très enrichissantes sur le plan personnel (et il n’y a guère que la fonction publique pour offrir, à qui le souhaite, des postes aussi divers) ; elles m’ont permis d’approfondir mon métier, sous tous ses niveaux et dans toutes ses dimensions, notamment les aspects informatiques, aujourd’hui très présents. Je dis souvent que je suis dresseur d’applications informatiques rebelles quand je veux résumer mon métier !
L’autre aspect de mon métier, c’est le côté humain. On pense souvent que la comptabilité publique est « désincarnée ». C’est tout le contraire. Une opération comptable n’est jamais bien souvent que le reflet d’une tranche de vie, parfois haute en couleurs d’ailleurs !
Avez-vous un attrait particulier pour les langues et les cultures du monde ?
Je ne vais pas mentir : ma maitrise du haoussa et de l’hébreu est encore très perfectible et l’Inalco ne m’a pas embauché pour être lecteur ! En revanche, les cultures du monde m’ont en effet toujours attiré. En s'y confrontant, on découvre une double réalité : la France n’est pas le centre du monde (et c’est très bien comme cela) ; la qualité de vie à la française est néanmoins absolument remarquable (et c’est très bien aussi). Au final, je reste persuadé que s’ouvrir au monde ne signifie pas que l’on ne va plus aimer son pays. On apprend simplement à le regarder différemment.
Qu'est-ce qui a motivé votre arrivée à l'Inalco ? Pouvez-vous nous décrire brièvement votre poste, vos missions et vos responsabilités ?
Après mes cinq ans au Nigéria et en Israël, mon épouse et moi-même nous sommes dit qu’un retour en France était opportun. Par ailleurs, je souhaitais continuer à être comptable. J’ai donc cherché une agence sur Paris. L’Inalco faisait naturellement parti de mes premiers choix – et j’ai été ravi d’y être nommé.
Mes missions à l’Inalco sont celles d’un comptable. Je supervise le travail d’une équipe – et nous produisons chaque année des comptes. J’ai aussi une mission de conseil et d’assistance, notamment, mais pas seulement, au niveau de la présidence. Mais, aujourd’hui, un comptable ne peut pas se contenter de cela. On assiste en effet à un bouleversement des règles – et une succession de réformes financières se profilent. Un comptable public est aujourd’hui au cœur de la réforme de l’État.
Avez-vous des activités en dehors de l'Inalco ?
J’enseigne le droit à Paris 1… Mais ce n’est vraiment pas mon activité principale !
Sinon, très prosaïquement, je... jardine.
Bryan Sauvadet : une parole libre et libérée !
Bryan Sauvadet : une parole libre et libérée !
Qu’avez-vous fait avant de venir à l’Inalco ? Quelle formation initiale avez-vous ? Comment vous êtes-vous retrouvé à l’Inalco et pour quoi y faire ?
J’ai fait un bac ES à Cergy en 1995. En même temps, dans ce lycée de banlieue, il y avait un programme spécialisé appelé « préparation à l’entrée en Grandes écoles » avec des cours de renforcement en anglais, en histoire, en géopolitique, en culture générale, des cours de méthodologies, pour nous préparer aux concours. Je souhaitais passer le concours d’entrée à Sciences Po mais je me suis vite rendu compte que je n’y serais pas à l’aise. J’avais déjà une passion pour l’Asie en général assez développée, pour le Japon principalement, mais par des contacts avec la communauté cantonaise de Cergy, qui m’ont présenté des aspects de la culture coréenne que je ne connaissais pas du tout, des séries télé notamment, sous-titrées en anglais ou en français par des fans. J’ai commencé à découvrir ça et, du coup, je me suis intéressé aussi à la Corée.
Comme je n’étais pas un élève très sérieux, mes parents m’ont présenté les choses ainsi : « Bryan, si tu as ton bac, on te paye un voyage au Japon. ». Je l’ai eu avec 10,5 ; je suis donc parti à l’été 2009. J’avais prévu de faire escale une semaine en Corée au début du voyage, un peu comme ça, après avoir vu quelques séries, écouter un peu de musique qui commençait à se faire connaître. Je suis arrivé à Séoul tout seul, à l’aéroport d'Incheon, le jour de mes 18 ans. Je n’avais pas forcément un « rêve de Corée » très précis contrairement à mo n « rêve de Japon ». Tout d’abord parce que du Japon, on a une représentation mentale, on est presque capable d’en dessiner les contours (comme pour la Chine), mais pour la Corée (du Nord, on parlera de missiles et des Kim) du Sud, on va uniquement parler des voitures et de l’informatique, c’est tout. Surtout en 2009 !
Si bien que lorsque je suis arrivé à Séoul, j’ai vraiment pris une grande claque face à cette découverte ! La Corée m’a posé tellement de questions que je n’en suis toujours pas « sorti » !
Comme j’avais fait cette « prépa Sciences Po » et que j’avais eu de très bonnes notes en Sciences économiques et politiques, je voulais me diriger vers le commerce Japon/Corée, donc suivre la filière CPEI de l’Inalco. Mais ce premier voyage a été le déclencheur d’une série de changements dans mes envies d’Asie : plus de CPEI, autant de passion pour le Japon, mais bien plus de questionnements sur la Corée. Arrivée à Incheon, plus grand aéroport du monde, sur une île avec, en face, la Corée du Nord. Minibus, traversée du pont et arrivée dans la banlieue de Séoul avec d’énormes tours numérotées de 355 à 1 sur des hectares !! Ensuite, l’arrivée au centre-ville de Séoul (Yoido) une île au milieu du grand fleuve de Séoul donne l’impression d’être à La Défense. En me promenant dans la ville, qui était alors en plein travaux, suite à l’élection des écologistes à la mairie, j’ai vu le « futur ».
Alors qu’au Japon, pays industrialisé bien avant la Corée, on voyait des immeubles plus anciens, datant des années 1980. Cela reflétait bien moins de dynamisme et j’ai eu ce que j’attendais. Alors que la Corée a été un vrai choc.
C’est à ce moment que se fait votre entrée à l’Inalco
Oui. Je savais déjà que je voulais m’inscrire à l’Inalco en japonais. J’avais découvert l’Inalco en tapant sur l’internet : « japonais coréen Paris » avec pour résultats Paris Diderot et l’Inalco. Je suis allé aux deux pré-rentrées et ce qui m’a le plus intéressé à l’Inalco, c’est que je pouvais faire le double-cursus. On m’a dit que j’allais me « vautrer » et c’est ce qui m’est arrivé !!
Donc, quand je suis arrivé à l’Inalco en coréen et en japonais, donc à Dauphine et Clichy, c’était l’enfer et drôle en même temps.
J’ai donc doublé ma première année avec les mêmes langues, puis resté en coréen, spécialisation histoire, en raison de toutes les questions que la Corée m’avait posé. Comme dit Patrick Maurus, on arrive jamais à la Corée par hasard. Mais ma génération est la première à arriver à la Corée PAR la Corée, parce qu’on la connait désormais. Avant, c’était par la Chine ou le Japon. En même temps, on n’aime pas la Corée sans aller voir à côté : vers la Mongolie (plus d’un siècle d’occupation), le Japon, la Chine, le Vietnam… C’est donc la zone aréale qu’il faut apprendre à connaître. Une zone que j’appelle moi, l’ « aire sinisée », du delta du Mékong jusqu’à Hokkaidō. Ces états se sont construits sur des modèles de la Chine classique. C’est ce que j’essaie de démontrer par mes travaux de recherche. En même temps, il n’y a pas que la Chine et il suffit de trouver les autres influences ; sujet de mon travail en M2.
Quelles sont les particularités de la section coréenne à l’Inalco ?
J’ai ouvert mes études à toutes les langues sinisées de l’Inalco : chinois, vietnamien, japonais, coréen. Je suis maintenant entré dans un travail historique comparatif mais je ne vois pas de différence entre les sections : leur organisation, leurs enseignements, leurs étudiants. Il y a du bon et du mauvais. On reste proche quand on embrasse ces langues et cultures. C’est mille ans d’influence chinoise, la séparation nord-sud, la réunification dans la douleur. Tout cela est enseigné à peu près de la même manière d’une section à l’autre. Et puis, dès qu’un sujet nous passionne, on peut en parler aux enseignants, ils restent proches. C’est une famille, l’Inalco ! Avec là aussi tous les questionnements possibles.
D’où l’engagement dans l’associatif ?
Totalement ! Ceux qui s’inscrivent dans les associations sont des étudiants qui ne trouvent pas les réponses à leurs questions dans leur cursus et qui ont besoin d’avoir une réponse. C’est une stimulation personnelle qu’ils partagent avec d’autres.
En coréen, on a eu un manque de profs ; ça a été un point de lutte de l’association. Maintenant, on a aussi un manque de dynamisme, un manque de perspective, un manque d’envie. On ne donne pas aux étudiants les moyens de prendre leurs capacités et leur volonté en main. Ceux qui réussissent sont hyper-autonomes.
C’est pour cela que je dis à tous les étudiants : « Prenez-vous en main, entrez dans une association, envoyez des e-mails aux gens que vous pensez concernés par vos questions et organisez une conférence !! »
Mon entrée dans le monde associatif de l’Inalco s’est faite lors d’une Journée de la Corée. Et puis dans notre association, on considère que le coréen n’est pas assez représenté, et que l’on un peu « malaimé » dans l’établissement. Ça nous a motivé pour avancer, faire des choses, dynamiser la section coréenne.
Il y aussi le bâtiment qui pousse à collaborer au-delà de la simple cohabitation. Ce bâtiment a le mérite d’avoir ce couloir des associations où toutes les portes sont ouvertes, donc on discute entre nous, on s’entraide, et on a des constructions de questionnements communs très intéressants.
Mais ne nous trompons pas, dans les associations de l’Inalco, il y a d’un côté –au début– le « folklorique » avec les journées, la nourriture au 2° étage, etc. –c’est la visibilité de l’association. Et puis la deuxième couche –parce qu’on a murit et avancé dans son cursus– ce sont les cours, les conférences, etc. ou là, on se fait plaisir, on ouvre à ses passions personnelles. En réalité, on lutte contre une frustration et on découvre une autonomie que les cours, qui poussent à être passif, ne développent pas. Un bon exemple est le travail développé par Idrissa Konté avec Afr’Inalco.
D’où une certaine concurrence entre étudiants ?
C’est inévitable. Une langue n’est pas qu’une envie, elle doit devenir un projet professionnel, mais là, pas de secret, il faut partir !!
La Corée est un pays très spécial pour un Français. On n’a pas les outils pour comprendre cette culture qui est très différente, extrêmement confucianisée, avec des règles différentes. Le décor peut sembler le même, les vêtements, etc. sauf que c’est un leurre.
On peut traduite à peu près tous les mots en coréen : démocratie, histoire, géographie, territoire, sauf qu’il n’y a pas la même histoire derrière, la même construction et parler avec un coréen s’avère délicat si on n’a pas les outils de la civilisation (histoire, contexte, etc.). Une ville en Corée n’est pas une ville en France, travailler en Corée n’est pas travailler en France, une entreprise coréenne n’est pas une entreprise en France. Séoul, c’est 35 millions d’habitants, la deuxième agglomération du monde, la moitié de la France, la taille de la Belgique. Ce ne sont pas les mêmes grilles de lecture. Arriver à Séoul, c’est presque donner 20 ans de retard à la France alors qu’à la campagne, les toilettes sont encore à l’extérieur de la maison. La Corée, c’est le postmodernisme !
Si on n’est pas allé en Corée avant la L3, on est perdu et on a perdu ses années de langues. Il faut vivre le pays dont on étudie la langue !! Savoir pourquoi on est là, à l’Inalco !
Il faut aussi que les enseignants transmettent les clés de lecture et pas seulement la langue et sa grammaire. C’est un peu difficile pour une personne qui est née en Corée et qui aura du mal à transmettre les codes. Et au sein de la section coréenne, si on a un coup de mou, il y a Madame JEONG, la maman de la section que vous chérirez si vous venez étudier le coréen…
Elle sait parler de la construction du peuple coréen à travers la littérature avec beaucoup de justesse. Littérature des premiers Coréens à avoir écrit en coréen, littérature de l’occupation japonaise, etc.
Ensuite, que ce soit en littérature, en gastronomie ou en histoire, ce sont les mêmes questions identitaires qui se posent : qu’est-ce qui est coréen dans la culture coréenne ? Qu’est-ce qui est importé ?
On ne peut pas enseigner une langue et civilisation comme là-bas. On débute une langue avec des acquis différents des locuteurs natifs. Donc on l’apprend avec ses moyens propres et, ensuite, on peut creuser avec, par exemple, les cours de Yoann Goudin nous faisant comprendre le fonds lexical commun entre les langues sinisées à partir des idéogrammes ou Pénélope Rigoux en civilisation chinoise, une chercheuse de terrain qui transmet directement ses résultats et passe à un autre thème de recherche et se renouvèle sans cesse. Ce type d’enseignant chercheur n’est pas assez représenté à l’Inalco.
Ce sont eux qui donnent l’envie de faire de la recherche ?
Oui, des gens qui aiment ce qu’ils font et savent le partager. Qui donnent envie de partir, d’aller sur le terrain. Il faudrait que l’on pousse les étudiants à partir. Il n’y en a pas assez qui viennent et qui partent dans le cadre de l’université. Il ne faut pas attendre le master pour faire de la recherche. Il y a bien des parcours CPEI ou HEI dès la licence, des gens qui sont déjà tournés vers le commerce ou les relations internationales. Il faut des parcours recherche dès la licence pour donner envie aux étudiants d’aller plus loin. Dans nos masters, on est entre enseignement et recherche mais trop peu de recherche.
Il faut aussi que les professeurs introduisent les étudiants dans les programmes de recherche et les informent. Il y a ici un gros déficit de communication sur ce qui l’activité scientifique de nos enseignants chercheurs. On ne le sait pas, ils ne nous disent rien ; quand ils passent dans les médias, quand ils publient dans la presse, les revues, ou participent à des livres. Quand j’ouvre la revue Histoire et que je vois un article de ma prof de méthodologie Vanessa Van Renterghem sur l’islam médiéval, je suis content, j’achète le magazine, je suis fier de mon école ; même si le sujet n’est pas directement lié à mon travail.
En fait, il faut une communication scientifique tournée vers les étudiants et vers l’interne plus performante, et une autre, différente sans doute, tournée vers l’externe. Ce n’est pas uniquement en doctorat qu’on va s’intéresser aux sujets et productions de recherche ! Il faut que cette communication soit une volonté politique !
On pourrait envisager de croiser les aires sur une thématique : par exemple une journée sur l’archéologie à l’Inalco. Mais il faut dynamiser et diversifier les propositions de rencontres, de colloques, de découverte scientifique. Mais il n’y a pas cette volonté ici. Pour les journées européennes du patrimoine, on peut proposer une thématique transversale sur des aires culturelles de l’Inalco.
Est-ce que cela ne pourrait pas ouvrir à des parcours d’enseignement thématiques ?
Si, justement. Je pense que les années à venir vont être constructives, notamment sur le disciplinaire qui devrait prendre de l’essor avec des parcours histoire, des parcours anthropologie, etc. Les aires culturelles, c’est fondamental, mais il faut les redéfinir parce qu’elles sont présentées d’un point de vue beaucoup trop eurocentré : Asie du sud-est, ça ne veut rien dire, c’est un concept colonial, ces pays n’ont rien en commun.
Pour les matières transversales, il faut sortir de l’existant, il faut oser, quitte à être novateur ! Plus de cours d’histoire de la Chine classique mais un cours de civilisation sur l’aire culturelle des pays sinisés. Au risque de déplaire aux enseignants actuels. Oui, le Japon a été sinisé. Oui, la Corée a été envahie par les Mongols. Il faut oser, surtout du côté des enseignants, mais il faut trouver ceux qui peuvent assurer ces cours, parce que les enseignants sont très nationalistes, ce qui est normal. Ma génération a envie de défricher des sujets transversaux, transnationaux.
Comment vivez-vous votre rôle de représentant étudiant ?
Pour être légitime, il faut une liste avec des étudiants représentants un maximum de langues. Avec des gens ouverts. Notre liste a présenté des étudiants qui sont tous en double-cursus. Ma représentation, je la vit comme une passion de l’autre, une ouverture. Mon engagement, c’est dans l’intérêt de l’étudiant de l’Inalco à se placer dans le marché du travail ou dans le domaine de la recherche. Notre valeur ajoutée, ce sont les langues orientales. Et puis, il y a l’esprit Langues O’ qui est présent. Sinon, je serais allé dans une autre université. Ici, on peut proposer une journée sur les manuscrits classiques chinois et coréens et ceux de Tombouctou. Il n’y a qu’à l’Inalco qu’on peut faire cela et l’Inalco a le devoir de le faire, donc nous poussons à cette ouverture. En tant que représentant étudiant, il faut parler avec tout le monde, voir les dynamiques entre les départements et les sections qui ne sont pas les mêmes. Apprendre le chinois en gros effectif n’est pas comme apprendre l’indo-malais en petit groupe. Il faut une intercompréhension riche et vivace !
À la SOAS, à Padoue, à Venise ou d’autres écoles en Europe, on croise du disciplinaire et des aires culturelles. Il faut aller dans ce sens parce qu’à l’extérieur de l’Inalco, comme chercheur, on nous dit qu’on est très fort en langue et en civi mais qu’on n’est pas historien, sociologue, géographe, etc. En effet, mais il faut revoir aussi le disciplinaire et ne pas en faire à l’occidentale ! Parce qu’on se retrouve comme le dicton japonais qui dit qu’un occidental qui arrive au Japon, la première année il écrit un livre, la deuxième un article et la troisième il se tait ! Donc être sur place ne sert à rien si on n’est pas maître d’une méthodologie de la déconstruction appliquée au pays.
Ensuite, il faut aussi une méthodologie technique disciplinaire, comme apprendre à utiliser un logiciel de cartographie, à traiter des archives, etc. Apprendre à lire une carte, mais pas à l’occidentale (on le fait au lycée). Lire une carte indonésienne sur un modèle bouddhiste (pas de nord, pas de sud et carte concentrique) et sur un modèle postislamisation (horizontale par ce que le temps dans l’islam est linéaire), ce n’est pas l’École des Annales ou Jacques le Goff qui va nous l’apprendre. On n’apprend pas l’histoire ou la géographie de la même manière dans le monde européen, le monde arabe ou le monde sinisé.
Il faut trouver d’autres outils, ceux de la lecture et de l’écriture des aires que nous étudions. Et c’est sur ces sujets qu’on se bat en tant que représentant des étudiants. Pousser à créer de nouveaux enseignements, en plus de ceux de langues, qui modernisent la lecture des mondes que nous étudions. Comme dit une enseignante de géorgien : « La civilisation hors langue, c’est comme les tomates hors sol, ça n’a pas de goût, ça n’a pas de saveur. » Étudier l’histoire du Vietnam sans parler vietnamien, ça ne sert à rien. Le Vietnam bénéficie d’une assez grande civilisation pour écrire son histoire lui-même. On ne peut plus envisager de faire de l’histoire avec un regard colonialiste, il faut croiser les regards et prendre de la hauteur, notamment pour une civilisation confucéenne.
Les représentants étudiants à la commission des études demandent-ils la création de ces enseignements plus techniques, ces outils qui vous serviraient dès vos débuts en recherche ?
Oui, complètement ! Apprendre à faire une bibliographie en début de cursus, c’est nécessaire, mais refaire cet enseignement plus tard, en master, c’est redondant. Il faut nous proposer autre chose, des outils concrets qui nous fassent avancer. C’est du pur méthodologique. Et puis, il y a une graduation : ensuite, il y a le méthodologique de l’aire parce que chaque aire a sa logique. Et après, il y a la civilisation AVEC la langue. Une fois cela mis en place, l’Inalco est reparti pour 350 ans !!
Elodie Guignard, photographe et étudiante à l'Inalco
Elodie Guignard, photographe et étudiante à l'Inalco
Quelle a été votre formation initiale ?
Après une année d'allemand, puis des études littéraires (une licence de lettres modernes) à l'université Rennes 2 Haute Bretagne, j'ai passé le concours pour l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles. J’y suis entrée en 2001 et sortie en 2004 avec les félicitations du jury.
Et qu’est-ce qui vous a amené à la découverte de la culture bengalie ?
En 1999, je suis partie pour la première fois dans un petit village du Bengale occidental, au nord de Calcutta, à la frontière du Bangladesh. Le village, qui a vu le jour au début des années 80, accueille des familles hindoues originaires du Bangladesh. J'y ai passé 3 mois, et je suis tombée sous le charme du village, de ses habitants et de la culture bengalie. J'ai commencé à m'imprégner de la langue, en me réunissant tous les soirs avec un groupe d'ouvriers du village pour enseigner des notions de français et apprendre quelques mots de bengali.
Et vous avez continué en étudiant le « bangla ».
Les amitiés et la photographie me font retourner là-bas tous les ans mais ce n'est que récemment que j'ai décidé d'apprendre vraiment le bengali. J’avais envie d’aller plus loin dans la découverte de cette langue qui me fascine, de communiquer plus facilement et tirer encore plus des rencontres que je fais à travers la photographie. Là-bas, dans ce petit village du Bengale indien, mais aussi, plus récemment, à Paris : j’ai entamé un travail avec la communauté bangladaise. Pouvoir m'exprimer, et surtout, comprendre, est une aide très précieuse et m'ouvre beaucoup de portes. J'espère mener à bien ma licence, pouvoir lire dans le texte est une grande motivation !
Vous avez aussi des activités à côté, vous pouvez nous en parler ?
Je suis photographe indépendante. Je fais principalement des portraits, souvent très posés, mis en scène, en m'inspirant beaucoup de la littérature et des mythes et croyances. Cela vient en partie de mes études de lettres. Tout est lié, finalement, dans mon parcours.
J'ai mis longtemps en scène des jeunes femmes dans la nature, avant de faire poser, dans une série plus récente, des compagnons d'Emmaüs qui imaginent avec moi des personnages et endossent différents rôles, le temps d'une prise de vues. Et puis, il y a toute une partie indienne de mon travail où je fais poser les habitants du village d'Ushagram (le village de l'aurore, en bengali), dans leur environnement. Evidemment, pour ce travail en particulier, pouvoir échanger avec les habitants dans leur langue est pour moi très important, la relation à l'autre en est changée. Je travaille aussi depuis peu avec une association "Photographisme- Photomorphisme" qui développe de nombreux projets photographiques et où je suis chargée en particulier de la mise en place d'un projet d'exposition avec 25 photographes.
La photographie donc, la langue bengalie, le Bengale où j'espère bien passer de plus en plus de temps, voilà les raisons de mes études à l'Inalco.
Enfin, depuis deux ans, je suis la photographe de l'Inalco ! J'ai réalisé des clichés du bâtiment, des personnels et des étudiants de l'Inalco lors de festivités et des projets étudiants. C'est un grand plaisir que de lier ma présence à l'Inalco en tant qu'étudiante et un regard particulier qui est souvent soumis aux commandes de la direction de la communication.
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, nouvelle VPCS
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, nouvelle VPCS
Enseignante à l'Inalco depuis plus de quinze ans, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky a toujours été engagée dans la vie de l'Institut. Elle fait désormais partie de la direction de l'établissement en tant que Vice-présidente du conseil scientifique de l'Inalco, élue il y a tout juste un mois. Entretien.
Quelle est votre formation initiale ?
J’ai une formation littéraire (ENS Saint-Cloud), en sciences sociales et économiques (agrégation, HEC) et de psychologue clinicienne. J’ai découvert l’Inde de retour d’un stage à Singapour, cela a été un choc : la découverte d‘un monde intensément poétique, empli d’analogies, où la dimension humaine bouleverse vos repères. J’ai ainsi décidé de m’y plonger, je me suis inscrite en thèse d’anthropologie à l’EHESS et en auditeur libre de hindi à l’Inalco – même si ma langue de terrain était le marathi. J’ai passé trois ans entre mon poste d’ATER et mon terrain au Maharashtra où je vivais parmi les castes dites intouchables, pauvres et stigmatisées, à étudier leurs dynamiques de mobilité sociale mais aussi la violence symbolique et la politisation du système de castes.
Quels ont été vos débuts à l’Inalco ?
J’ai été recrutée comme maître de conférences en 1998. À l’époque le département Asie du sud (ASU) était dirigé par Éric Meyer, qui m’a beaucoup inspirée par son enseignement à la fois passionnant et accessible. Ce département multilingue est un lieu d‘échanges entre des traditions différentes ; il s’est récemment ouvert au tibétain et au népali. J’ai enseigné une palette de cours, de l’anthropologie à l’économie de l’Inde contemporaine, de la méthodologie à la question post-coloniale. Le public de l’Inalco est attachant, parfois hétérogène mais toujours enthousiaste. En tant que chercheur, je suis membre du Centre d’Études en Sciences Sociales sur les Mondes Africains, Américains et Asiatiques, qui est une prometteuse collaboration entre l’Inalco, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et Paris-Denis Diderot.
Avez-vous eu des opportunités pour poursuivre des travaux de recherche ailleurs ?
J’ai eu la chance d’être détachée 3 ans à l’Institut des études avancées de l’Université de Sao Paulo (Brésil) et d’y monter un projet ANR (Agence nationale pour la recherche) sur l’exclusion sociale dans les mégapoles indiennes et brésiliennes. Depuis 2010, j’ai profité de l’Institut universitaire de France (IUF) pour démarrer un projet de recherche entre l’anthropologie et la psychologie sur la question des migrations, des métropoles et de la santé mentale. Je poursuis mes terrains en Inde et au Brésil sur ces questions en même temps que j’exerce un jour par semaine comme clinicienne à l’hôpital Avicenne dans la consultation de psycho trauma qui accueille en particulier des demandeurs d’asile. Mes dernières publications portent sur ces problématiques[1].
Aujourd’hui vous prenez de nouvelles fonctions en tant que vice-présidente du conseil scientifique de l’Inalco, pouvez-vous nous expliquer les enjeux auxquels vous êtes confrontée ?
Nous sommes à un moment charnière pour la recherche à l’Inalco. Je me suis présentée à la Vice- présidence du conseil scientifique pour précisément travailler dans ce contexte nouveau avec une Direction de l’Inalco très dynamique. L’un de mes premiers objectifs est d’assurer à nos enseignants chercheurs l’environnement scientifique le plus stimulant possible en soutenant leurs projets et en renforçant les unités de recherche. L’aménagement de carrières et les recrutements sont également au cœur de nos préoccupations. Nous faisons face à de nouveaux défis, entre autres la cohérence de l’articulation entre aires culturelles et disciplines, la formation et la professionnalisation de nos étudiants. Il faut également définir la politique numérique pour nos chercheurs, ce qui comprend les Presses de l’Inalco (sujet qui sera développé dans une prochaine Lettre interne. NDLR), l’open access etc. Enfin, il faut nous positionner clairement dans le nouvel environnement de la COMUE USPC qui nous permet des collaborations élargies et plus internationales.
Dans ce contexte pouvez-vous résumer votre ambition pour la recherche à l’Inalco ?
Mon but est de donner à l’Inalco les moyens de son ambition au niveau de la recherche, d’en faire l’Institut où règne un esprit d’ouverture et qui sait poser intelligemment la question de la culture, avec une expertise scientifique sans équivalent. Et pour mener à bien cette politique de la recherche, je ne suis pas seule, je compte sur l’engagement du conseil scientifique et des enseignants-chercheurs de l’Inalco. Animer une telle équipe, c’est une chance exceptionnelle.
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[1] - Dharavi : from mega slum to urban paradigm, Delhi, Routledge, 2013.
- Mega city slums : Social Exclusion, Space and Urban policies in Brazil and India (dir. avec F. Landy), London, Imperial College Press, 2014.
- Mixing tīrttam and tablets- A healing proposal for mentally ill patients in Gunaseelam (South India) (avec B. Sébastia), Anthropology and Medecine, 2014.
- Le trauma : du retournement de la culture à la nature humaine, Nature ou culture, dir. P, Bonin et T. Pozzo, IUF, Presses universitaires de Saint-Etienne, 2015.
Idrissa Konté, un étudiant engagé dans la vie de l’Institut
Idrissa Konté, un étudiant engagé dans la vie de l’Institut
Merci à vous, Idrissa Konté, d’avoir accepté cet entretien pendant la période sensible de préparation des examens de janvier.
Tout d’abord, je tiens à remercier la présidence de m’avoir choisi. Une occasion de parler de mon attachement à l’établissement et surtout de mes engagements au sein de la vie étudiante en tant que Président de l’association des étudiants du département Afrique (Afrinalco) et représentant étudiant au sein du conseil d’administration et du département Afrique.
Parler de soi n’est pas une chose facile dans ma culture, comme le disent les bambara "Maat’i yɛrɛ fɔ" - "L’on n’est pas le mieux placé pour parler de soi".
Commençons par le commencement, quelle a été votre formation initiale ?
Je me nomme Idrissa Konté, né à Maréna (cercle de Yélimané) dans la région de Kayes au Mali où j’ai passé les deux premières années de ma scolarité à l’école primaire avant d’aller poursuivre mes études au collège dans la ville de Kayes.
Après l’obtention de mon baccalauréat en 2006 au Lycée Dougoukolo Konaré de Kayes, je me suis rendu à Bamako dans le but de continuer mes études supérieures où je me suis inscrit à la Faculté des Langues Lettres et Sciences Humaines mention "Anglais" (FLASH) de l’Université de Bamako. Comme j’ai toujours voulu poursuivre mes études en France, après l’obtention de mon DEUG en 2008, j’ai entamé des démarches et en 2009, j’ai obtenu mon visa pour continuer en licence à l’université de Paris 3 – Sorbonne nouvelle.
Vous avez donc débuté votre scolarité en français. Ensuite, comment s’est passée votre découverte des langues et cultures ?
Baignant dans un environnement multiculturel, donc multilingue, j’ai eu la chance de découvrir les langues, notamment africaines comme le soninké et le bambara (qui sont mes langues maternelles), le peul, le khassoké, le maninka etc. depuis ma tendre enfance.
Quant aux langues étrangères, j’ai découvert d’abord le français qui est la langue d’enseignement au Mali puis l’anglais à partir du collège. Je dirai donc que je n’ai pas découvert les langues mais que je suis né dedans et cette diversité linguistique et culturelle m’a toujours accompagné dans mon parcours scolaire et professionnel.
Votre arrivée à l’Inalco et votre cursus chez nous ?
J’ai fait la découverte de l’Inalco, dont je ne connaissais pas l’existence auparavant, dans le cadre de mon mémoire de Master 1 à Paris 3 qui traitait de la linguistique comparative entre les verbes et les classes de verbes de l’anglais et du bambara. C’est au cours d’un échange avec mon directeur de mémoire, Éric Corre, directeur du Monde anglophone de Paris 3, que j’ai appris l’existence d’un établissement où on pouvait apprendre le bambara et le soninké.
En 2011, je me suis inscrit en mineur de master pour suivre uniquement le cours de grammaire, qui pouvait m’aider dans mes travaux de recherche. C’est après mûre réflexion que je me suis dit que décrire ou enseigner l’anglais m’attirait toujours mais que je préfèrerais en faire autant avec mes langues maternelles (d’autant plus qu’il y a un réel besoin de formateurs dans celles-ci). Par ailleurs, cette année d’initiation à la grammaire bambara m’a permis de faire de très belles rencontres.
De par sa diversité linguistique et socioculturelle, l’Inalco s’est révélé dès ma première année comme un second foyer, me reconnectant à mes origines, à ma culture et m’encadrant dans une ambiance au sein de laquelle j’ai pu exprimer et faire valoir mes valeurs.
La singularité de l’Inalco réside d’une part dans son aspect cosmopolite au niveau des étudiants autant que de l’administration et d’autre part dans sa faculté très naturelle de créer une atmosphère facilitant le contact avec les autres, l’accès aux informations relatives au fonctionnement général de l’administration et aux différentes formations. Une fois au sein de l’établissement, j’ai par exemple découvert l’existence de formations professionnelles telles que les relations internationales, le commerce international, etc. et dans une perspective professionnelle, il m’a paru important de relier langues et relations internationales.
En effet, dans un monde en pleine mondialisation, les rapprochements par tous les moyens possibles des peuples, nations ou groupes ethniques sont devenues indispensables pour le développement universel lequel ne saurait se réaliser sans s’intéresser aux langues et cultures des uns et autres.
En parallèle à vos études, vous êtes très impliqué dans la vie associative au sein d’Afrinalco.
Durant ma première année en tant qu’étudiant de l’Inalco, je constatais qu’il y avait des activités culturelles organisées par les associations des différents départements mais aucune en ce qui concernait le département Afrique. L’année suivante, après consultation de camarades, nous avons décidé de créer une association représentant les études africaines puis à l’organisation d’une élection suite à laquelle j’ai été élu président d’Afrinalco.
En tant que président de l’association Afrinalco et avec les membres du bureau, nous avons accéléré les choses pour qu’enfin des activités faisant la promotion des études africaines soient mises en place le plus rapidement possible. Ainsi, nous avons commencé à organiser des conférences, des journées (notamment la journée de l’Afrique, de la femme, de la solidarité etc.), des projections de films, des animations, des projets inter-associatifs et cette année nous allons mettre en place un club dédié au cinéma africain. Nous participons également aux activités organisées par l’Inalco (Inal’culturelle, Journée du goût).
Au sein d’Afrinalco, je m’occupe de l’organisation, de la coordination et de la gestion des événements (invitation des intervenants, échange avec l’administration et d’autres rencontres en dehors de l’Inalco). Je sers également d’intermédiaire entre les étudiants et les enseignants car je suis aussi représentant des étudiants au conseil du département Afrique tout comme les autres membres du bureau d’Afrinalco. Ainsi, nous recensons les difficultés (problème de pratique orale, d’emploi du temps, etc.) que rencontrent nos camarades pour ensuite les remonter à la direction du département.
En décembre dernier, vous avez ajouté un nouvel axe à votre engagement à l’Inalco suite à votre élection au conseil d’administration.
Avec des camarades d’autres départements, nous avons monté et présenté une liste "Osez Langues O’" au conseil d’administration dans le but d’améliorer et mettre en valeur nos formations et diplômes pour les rendre plus attractifs et compétitifs. Mes camarades m’ont choisi comme tête de liste et nous avons été élus.
Avez-vous des activités professionnelles en dehors de l’Inalco ?
Depuis septembre 2014, je me suis lancé dans l’auto-entreprenariat en créant le site : http://www.afrilangues.fr. L’idée est de proposer des services basés sur l’enseignement des langues africaines : la traduction, l’interprétariat et des formations linguistiques pour les entreprises. Nous intervenons, mes collaborateurs et moi-même en bambara, soninké, peul, amharique, lingala, wolof, et swahili et nous continuons à développer le projet pour ajouter d’autres langues africaines et rechercher d’autres personnes pour proposer un maximum de langues.
Pour l’instant, il n’y a que des informations de base sur le site web mais nous travaillons sur la conception d’une nouvelle version de celui-ci pour le rendre plus professionnel et plus attractif. Bien que nous soyons en phase initiale, nous sommes ravis car le projet a été très bien accueilli. Nous avons de plus en plus de demandes et cela nous pousse à accélérer les choses même si cela n’est pas évident avec nos études en parallèle.
Aujourd’hui, grâce à des conventions signées avec des agences de traduction et d’interprétariat, nous travaillons avec des services publics tels que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), des sociétés de production mais également d’autres services publics qui passent directement par Afrilangues.
Je donne aussi des cours de bambara à Aubervilliers, dans le 20° arrondissement de Paris et au Centre d’animation Curial du 19è arrondissement.
Votre vie est pleinement occupée !
Oui, tout à fait ! Je vous ai présenté ici un résumé de ma vie d’étudiant, d’abord africain, ensuite étranger en France, et j’ose supposer sans prétention que c’est aussi celle de la plupart de mes camarades aux origines identiques, animés des mêmes desseins et des mêmes volontés.
Bonne et heureuse année 2015 à toutes et tous !
Joseph Moudiappanadin, un esprit de famille
Joseph Moudiappanadin, un esprit de famille
Monsieur Moudiappanadin, tout le monde vous connait très bien, mais, qui êtes-vous ?
Je m’appelle Moudiappanadin, Marie Joseph, comme prénoms. J’ai toujours mes deux prénoms, mais Joseph est mon prénom usuel. Alors, on m’appelle Joseph, mais aussi souvent Moudia. Parce que mon prénom tamoul, Moudiappanadin, était très long, Moudia en est le diminutif !! L’habitude des Tamouls est d’utiliser le diminutif. Maintenant Moudiappanadin est mon nom patronymique et Moudia (ou Joseph), le nom par lequel les gens m’appellent. Dans ma famille, j’étais le "petit" et mon frère, le "grand".
Je suis né à Pondichéry en 1949 alors que c’était encore un comptoir français, donc je suis né Français. J’ai commencé mes études dans un village (où mon père était directeur d’école) où les études étaient directement en tamoul, qui était la langue du village. Il y avait des écoles en français mais moi, j’étais dans une école en tamoul. C’est peut-être l’origine première de ma présence ici à l’Inalco !!
Après, je suis allé dans un petit séminaire, tenu par des prêtres catholiques, où l’enseignement était cette fois en anglais. Donc, ma deuxième langue est l’anglais. Ensuite, j’ai appris le hindi. On ne m’a pas appris le français dans ce séminaire [sic]. J’étais dans la section de hindi. Ensuite, en bon nomade que je suis, je suis passé au lycée français de Pondichéry, qui existe toujours. Là, il a fallu que j’apprenne le français que je ne connaissais pas très bien finalement… Le français est donc arrivé en quatrième position ! Mais je m’y suis mis.
Arrivé en troisième au début des années 1960, j’ai passé le Brevet élémentaire de langues indiennes, le Brevet élémentaire de langue française et le BEPC et j’ai eu les trois !
Pourquoi passer tous ces Brevets aussi tôt ?
Le Brevet élémentaire de langues indiennes permettait, à l’époque, après deux années au centre pédagogique d’enseigner le tamoul. Comme je ne savais pas ce que l’avenir me réservait, j’ai suivi cette formation et je suivais parallèlement le lycée avec aménagements des cours. J’ai passé le baccalauréat Maths élémentaires.
Et là, à ma grande surprise, j’ai découvert que j’étais devenu Indien !
Est-ce le contrecoup de l’Histoire du pays ?
Oui, je n’étais alors plus Français. Qu’allais-je devenir ? Heureusement, j’avais mes diplômes, qui étaient en français et notamment pour l’enseignement du tamoul. C’était en 1966-1967. J’ai écrit partout et on m’a proposé du travail : soit répétiteur de français dans une université à Madras ; soit professeur de tamoul ; soit passer un concours pour devenir speaker à la radio, qui venait d’ouvrir en 1967 à Pondichéry. Les deux premiers candidats ont été pris, j’étais le deuxième.
Vous laissez vos études à ce moment ?
Non, j’avais vraiment envie de poursuivre mes études supérieures en France parce que mon père (qui avait son bac) m’avait demandé d’obtenir une licence. Après sa mort, je voulais tenir ma parole. Je suis donc allé voir le consul général de France avec mes livrets qui étaient très bons. Il m’a donc fait passer un concours avec quinze autres personnes qui avaient également perdu la nationalité française. [Comme vous le savez, Pondichéry en 1962 est revenu à l’Union indienne et il fallait "opter" pour la nationalité française. Ma mère n’a pas fait les démarches. Du coup, nous sommes devenus famille indienne sans le savoir.]
L’attaché culturel de l’ambassade a organisé ce concours qui permettait aux cinq premiers de partir en France avec une bourse d’État pour faire des études supérieures. C’est ce qui nous a poussés à passer ce concours. Il y avait une épreuve de culture générale, de mathématiques, d’histoire géographie et d’anglais (pas de tamoul). J’ai été reçu premier et j’ai eu la bourse du gouvernement français. C’était donc pour moi enfin l’occasion de tenir la parole donnée à mon père.
Votre arrivée en France ?
Le problème était de savoir quel diplôme suivre ; je ne connaissais rien des études en France, ni personne pour me conseiller. Au vu de mes livrets scolaires et résultats du concours, le consul-adjoint m’a dit : "comme vous ne connaissez personne en France, vous n’avez qu’à tirer au sort l’académie et la discipline". J’ai donc tiré l’académie de Bordeaux (là, j’ai dit d’accord ! –rires) et mathématiques ! J’ai ainsi obtenu en 1967 une bourse de quatre ans pour une maîtrise de mathématiques à Bordeaux !
J’ai profité de cette occasion pour demander à la préfecture de Bordeaux à réintégrer la nationalité française. Et il a fallu attendre quatre ans pour que je récupère ma nationalité ; la durée de la bourse ! Ensuite, j’ai demandé une bourse comme tout étudiant français. Entre-temps, j’étais venu à Paris, à Paris 11 puis Paris 6 où j’ai obtenu mon doctorat de troisième cycle en mathématiques. En 1971, j’ai commencé à l’Inalco deux diplômes unilingues de tamoul et de hindi, que j’ai réussis.
Vos débuts à l’Inalco ?
Après tous ces diplômes, j’ai rencontré au Collège de France le professeur Jean Filliozat, indianiste (sanscrit et tamoul) qui m’a posé beaucoup de questions sur qui j’étais (origine, famille, etc.) et il m’a demandé de faire un travail de traduction en tamoul moderne à partir de papyrus anciens. J’ai fait cela avec beaucoup de plaisir et de passion. Après cela, il m’a dit qu’il y avait un poste de répétiteur de tamoul à l’Inalco Dauphine et, à l’époque, il fallait être absolument originaire de l’aire culturelle. Alors, il m’a dit j’étais celui qu’il fallait à ce moment précis. Mais, je n’avais en France que le diplôme unilingue de tamoul, les autres avaient été passés en Inde. Avec le soutien de M. Filliozat, le Chargé d’enseignement, M. Nagapattinam Kasi m’a reçu et choisi : j’ai été installé le 1er janvier 1977.
À l’époque, j’ai juste dit que j’avais mon diplôme unilingue de tamoul. Plus tard, Mme Fiatte, secrétaire générale, a exigé que je donne tous mes diplômes. Je n’ai donné que mon DEA de mathématiques et pas les autres et elle n’a pas insisté.
Vos mandats à l’Inalco ?
J’ai très vite découvert Dauphine, les départements et la rue de Lille. C’était M. Sieffert, professeur de japonais, qui était administrateur. Ensuite, il y a eu M. Henri de La Bastide, puis M. François de Labriole. J’ai appris qu’il y avait des élections au C.A. avec quatre postes pour le collège C. J’ai été élu la première fois en 1983 et n’ai cessé, depuis d’être réélu jusqu’en 2011. C’est dire la confiance qu’on me portait.
À l’époque, il y avait un syndicat des assistants et répétiteurs parce que nous n’avions aucun avancement de carrière et de salaire, étant contractuels. Or, nous faisions beaucoup de choses, mais surtout beaucoup d’heures par rapport aux professeurs. Donc, je suis devenu membre dudit syndicat et, en 1985, j’ai remplacé Mme Dagmar Hobzová, enseignante de tchèque, comme président du syndicat. Nous avons gagné quelques batailles, concernant les contrats (passés de un an à la tacite reconduction) et puis, avec M. Michel Perret et le président F. de Labriole, nous sommes allés au ministère rencontrer Georges Duhamel, le directeur de cabinet du ministre de tutelle, pour obtenir un décret sur les statuts des répétiteurs, créant le niveau des maîtres de langues pour des contrats de trois ans avec un salaire plus élevé. En 1998, il y a eu aussi la titularisation de quarante-six répétiteurs ancien régime qui sont devenus assistants des universités grâce à M. Claude Allègre et au président André Bourgey. Pour les assistants, le ministère a créé des postes de maître de conférences (MCF). Je le suis devenu en 2002 avec deux autres, Mme Saraswati Joshi en hindi et Mme Magali Reclus-Sun en chinois.
J’ai donc pu me présenter au CA au collège B et j’ai été élu, pendant trois mandatures.
Joseph Moudiappanadin et tous les répétiteurs en 1998 au changement des status.
Votre présence dans les commissions – la COVE
Pendant toutes ces mandatures, j’ai été membre de toutes les commissions. En 2003, le 5 novembre, le président Gilles Dellouche a demandé la séparation du CEVU en commission des études d’un côté et en commission de la vie étudiante (COVE). Les enseignants se sont mis d’accord pour que je sois à la COVE toujours renouvelé et, comme les étudiants changent chaque année, il y a chaque année de nouvelles élections.
Ce qui me passionne dans cette commission, c’est de pouvoir aider les étudiants via le FSDIE (Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes). Les étudiants payent aujourd’hui 16€ dans leurs droits d’inscription. Une partie vient constituer le budget annuel d’environ 62 000€. C’est donc la COVE qui finance l’aide au voyage, pour la découverte de la langue, ce qui est très important, l’aide sociale, etc. et puis les PIE (projets d’initiative étudiante), qui fonctionnent très bien, les aides aux handicapés, les bourses, en lien avec le CROUS.
Je suis très satisfait du résultat quand je vois des étudiants qui font du théâtre, de la culture, c’est très riche pour l’Inalco. Depuis la création de la COVE, il y a moins de problèmes entre étudiants et enseignants. Je m’en suis rendu compte parce que je fais aussi de la médiation dans ce cadre.
Vos activités en dehors de l’Inalco
Les publications
Avec d’autres professeurs venus de Pondichéry comme moi, nous avons publié des livres de pédagogie pour les étudiants (chez Librairie Maisonneuve), mon premier cahier d’exercices ayant été refusé à l’Inalco parce que je n’étais que répétiteur.
Un jour aussi, une dame qui avait entendu mon cours en chanson, m’a proposé d’enregistrer des chansons et des poèmes tamouls d’Inde et du Sri Lanka, traduits en français, qui sont parus chez Didier Jeunesse. Récemment, il y a eu Le Livre qui parlait toutes les langues. Pour ce livre, les bénéfices sont allés au Secours populaire.
Les contes et les chansons sont parfaits pour expliquer la langue, ses subtilités mais aussi la compréhension du monde. Ce qui m’importe, c’est que la langue tamoule soit diffusée auprès des enfants notamment. J’ai travaillé à partir de la littérature ancienne pour les contes.
Le 1er novembre dernier a paru chez l’Harmattan en édition bilingue, Le Petit Brahmane et le lion, un conte tamoul que j’ai traduit. C’est à partir de 8 ans.
C’est avec ces supports et d’autres documents que je travaille avec les étudiants ici.
Je fais aussi des traductions pour les journaux indiens… avec des noms de plume TAMIJDASSANE ("Serviteur de la langue tamoule") ou Amoudan (qui est aussi un prénom tamoul).
L’abandon de la thèse
La diaspora tamoule a constitué mon travail de recherche pour ma thèse, dirigée par le professeur Éric Meyer, mais d’abord des problèmes de santé, puis des pressions politiques des Tigres tamouls (dans une bonne partie de ma thèse, il y avait leurs entretiens), m’ont empêché de la soutenir. J’ai voulu enlever cette partie, mais la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) est intervenue en 2006, disant que ma vie était menacée. Donc, il m’a fallu abandonner. À l’époque, mon logement a été entièrement fouillé pour savoir ce que j’avais comme informations. Mais je n’avais rien de très important chez moi, je garde tout dans ma tête, le meilleur des coffres forts ! Quant aux enregistrements, je les conservais à plusieurs endroits.
Les épreuves du baccalauréat
Dans le même ordre d’idée, je suis chargé depuis 1977 de la conception des sujets et des corrections des épreuves tamoules du baccalauréat de langue tamoul. Jusqu’en 1994, il n’y avait pas de conventions, donc je n’étais pas toujours payé. Ensuite, les inspecteurs chargés du Bac m’ont nommé comme responsable des épreuves écrites tamoules du Bac.
Je pense vraiment que cela rend service à la pratique de la langue tamoul en France donc à la diaspora, représentée par les nombreuses associations. J’aime œuvrer en ce sens parce que, comme disait le Mahatma Gandhi, il faut trouver l’harmonie entre ce que vous dites et ce que vous faites. Trouvez cela et vous serez content.
Vos activités extra-universitaires et de bénévole
Avec l’autorisation des présidents de l’Inalco, j’ai œuvré pour la situation de la diaspora tamoule, comme interprète traducteur assermenté auprès des services sociaux, de la commission des recours, etc. Cela permet de bien comprendre les problèmes de la diaspora. J’étais appelé à cette époque la "Rolls Royce des traducteurs" (rires).
J’interviens encore auprès des tribunaux comme médiateur familial et comme médiateur ethno-clinicien au centre Georges Devereux, spécialisé en ethnopsychiatrie. Heureusement, c’est assez rare car il s’agit de lourds conflits familiaux. Quand il y a des enfants, cela me touche particulièrement. Je continue comme interprète bénévole aussi dans les hôpitaux. Pour les tribunaux ou la cour d’assise, c’est le juge qui me nomme directement. Cela peut me prendre parfois une semaine complète.
Certains de mes étudiants sont aujourd’hui traducteurs assermentés et j’en suis très satisfait.
La langue tamoule
En France, la langue tamoule est bien diffusée par la large diaspora présente en France. Il y a deux origines, l’Inde (100 000 personnes) et le Sri Lanka (à peu près 100 000 aussi). À la Réunion, il y a énormément de Tamouls.
Le 11 janvier 2015 se tiendra une grande fête tamoule (le Pongal), avec l’association France Tamil Sangam, dont je suis aujourd’hui le secrétaire-adjoint. L’objectif est de diffuser la langue tamoule auprès des jeunes, soit en leur apprenant la langue tamoule, soit en traduisant des textes pour leur mettre à disposition.
À l’Inalco, la langue tamoule est enseignée depuis 1868, avec des coupures. Beaucoup de professeurs et répétiteurs se sont succédés. En 1984, Mme Élisabeth Sethupathy est devenue chargée d’enseignement de tamoul, puis MCF en 1998, je pense. Mon grand rêve aurait été de voir créer deux ou trois postes de tamoul au Capes. Monsieur Jack Lang avait laissé entendre que cela aurait pu se faire pour enseigner le tamoul dans les collèges. Cela se fait aujourd’hui via des associations.
Je pense que le tamoul va continuer à se diffuser largement. Beaucoup de conférences ont lieu. Les étudiants avaient monté un théâtre. Ils se sont produits plusieurs fois et l’expérience a été riche.
Un bilan de votre carrière ?
J’aurai pu choisir l’autre voie, être ingénieur et gagner plus d’argent, mais je suis resté vingt-deux ans répétiteur à l’indice 103. Des collègues me disaient que c’était un scandale, mais j’ai fait ma vie ici, dans cette famille qu’est l’Inalco. Maintenant, les répétiteurs peuvent devenir plus facilement MCF à condition de soutenir leur thèse. Mais la vie des répétiteurs reste quand même difficile au niveau du salaire comme tous les contractuels ! C’est une forme de précarité !
Boriana Silhol : créer du lien
Boriana Silhol : créer du lien
FORMATION ET TICE
Quelle a été votre formation initiale ?
Je suis psy ! Psycho-sociologue de formation ; j’ai fait de la consultance en entreprise. J’ai commencé par médecine et psycho en double-cursus et après une licence en psychologie interculturelle, qui peut illustrer mon arrivée à l’Inalco il y a dix ans, je me suis orientée vers la psychosociologie des organisations et la consultance en entreprise. Ce qui m’a intéressé dans ce cadre, ce sont surtout les phénomènes de groupe et les stratégies individuelles et collectives dans un contexte de travail.
J’ai également une formation de formateur, ce qui m’aide dans mon travail sur les TICE à l’Inalco où je montre aux enseignants comment utiliser les TICE dans leur pratique pédagogique. Avant, dans la consultance, ce qu’on me demandait, c’était de trouver du lien et de l’analyser. Aujourd'hui, ce que je fais dans mon travail, c’est de créer du lien, entre services, entre personnes, entre outils et enseignants utilisateurs. Je ne suis plus tout à fait dans la même dynamique.
Quel est le lien entre psycho et informatique, entre l’humain et l’outil technique ? Avec des interlocuteurs techniciens, informaticiens, gestionnaires de bases de données et des utilisateurs ?
En plus d’être psy, je suis un peu geek. La dernière technologie, le gadget connecté, je vais aussitôt regarder ! Et à présent, le côté geek et l’intérêt pour les nouvelles technologies ont clairement pris le dessus. Ma formation m’aide à traduire, à accompagner. De l’humain vers la technique et de la technique vers l’humain. À rassurer aussi parfois.
Quel est votre rôle au milieu de toutes les nouvelles offres TICE à l’Inalco ? Vos relations avec les enseignants ?
L’enseignant a souvent besoin d’un intermédiaire, une passerelle entre ce qu’il veut faire et les moyens que l’on met à sa disposition. L’outil, par exemple Moodle, doit être relativement flexible et ne doit pas compliquer le travail de l’enseignant mais au contraire faciliter ses interactions avec les étudiants ou en créer de nouvelles. Mais il est vrai que parfois ces outils ne sont pas évidents à prendre en main…
Prenons les langues à très grands effectifs, cela permet, pour l’usage le plus basique, de distribuer des supports de cours. Quand on a un amphi de 400 étudiants, il est plus facile de déposer son cours en ligne au format PDF que de le distribuer à la main ! Il n’y a ensuite qu’un pas vers la webographie, des QCM autocorrigés, des vidéos sur les sites ad hoc, etc. À moi de montrer, lors des formations à Moodle ou si certains veulent monter un projet qui utiliserait des TICE, les meilleurs outils pour l’usage souhaité et la meilleure façon de le proposer à l’étudiant dans le scénario pédagogique.
L’étudiant d’aujourd’hui a l’habitude de surfer sur l’internet et il y trouve quantité d’informations, mais c’est toujours l’enseignant qui lui proposera, en utilisant ces mêmes outils, des ressources pédagogiques pertinentes et construites, le fera travailler, réfléchir et analyser dans une progression contrôlée. L’outil répond juste à un besoin, il ne doit pas phagocyter l’utilisateur, étudiant ou enseignant.
MOODLE
L’outil principal sur lequel vous travaillez est la plateforme d’enseignement Moodle. Pouvez-vous nous la présenter ?
La plateforme Moodle (Modular Object-Oriented Dynamic Learning Environnement) est disponible à l’Inalco depuis un an déjà mais elle est encore peu utilisée. Il s’agit d’une plateforme de travail collaboratif qui comporte de nombreux avantages : accessible sur l’internet en tout lieu et à tout moment, elle fonctionne sur Windows, Linux ou Mac OS, elle est modulable, libre (gratuite), multilingue, est soutenue par une communauté internationale active, est assez facile à prendre en main et permet de construire des contenus dynamiques.
Je suis responsable du fonctionnel (l’utilisation de l’outil), tandis que Mathias Soupault est chargé du technique, du développement ; c’est vraiment lui qui a les mains dans le cambouis, qui a, par exemple, fait en sorte que Moodle soit connecté à notre système d’information, la base des données enseignant/étudiant.
Nous sommes tout de suite partis avec l’idée que Moodle n’allait pas être imposé aux enseignants. L’utilisation principale qui en est faite actuellement est le dépôt de documents, mais quelques enseignants intéressés par cette technologie vont plus loin, vers une véritable interactivité, en proposant, en plus des supports de cours, des devoirs, des questionnaires autocorrigés, des forums thématiques, des travaux de groupe, etc.
Ainsi, l’étudiant qui est absent du cours (éloignement, impossibilité temporelle, ...) ou qui commence à décrocher reste en lien avec l’enseignant et sa classe. Moodle est un outil qui « fait du lien » entre enseignants et étudiants, mais aussi entre étudiants. La plateforme les réunit et leur permet de rester en contact tout au long de l’année universitaire, et d’inventer aussi de nouvelles façons de travailler ensemble.
SITE INTERNET DE L’INALCO
Une autre activité que vous menez à l’Inalco est la construction du nouveau site internet.
Oui, il reste quelques fonctionnalités à mettre en place ou des contenus spécifiques comme les publications. C’est un très long projet qui dure depuis plus d’un an et demi... ! C’est à la fois un projet structurant parce qu’il nous oblige en terme de système d’information à revoir la « propreté » de nos bases de données. Souvent, ce sont les enseignants qui corrigent les informations. J’en profite pour les en remercier.
Plus de deux cents personnes ont participé aux ateliers de conception (deux à trois par semaine en début de projet). C’est un grand étonnement pour moi de voir combien les collègues se sont investis et ont travaillé dessus. Cela ne paraît pas grand-chose, un site internet. Pourtant, ce fut un gros projet pour l’Inalco. Le résultat est plutôt bon, le site est vivant, même s’il y aura toujours des choses à améliorer. Nous sommes dans la première année d'exploitation et il va encore s’enrichir, par ses contenus mais aussi dans son ergonomie.
Comment ceux qui ont participé imaginent la suite du projet ? Considèrent-ils que tout est fini ?
Non, notre position depuis le début avec Sheela Rawat, la webmestre du site, est de dire aux contributeurs que le site internet sera ce qu’ils en feront, que le site va s’améliorer avec eux, grâce à eux. Les instances qu’il faut existent, un comité éditorial notamment, la webmestre a des taches larges mais clairement définies et, en terme de fonctions, on sait désormais qui fait quoi. Donc techniquement et institutionnellement, les cadres sont posés. Maintenant, en termes de contenus, cela dépendra des contributeurs. Si on veut que le site soit régulièrement visité, il va falloir le faire vivre avec des contenus construits, lisibles, facilement trouvables, et des actualités régulièrement mises à jour. Si on veut qu’il soit attrayant, il va falloir des photographies en quadrichromie, et pourquoi pas des vidéos.
Oui, la volonté est de rendre le site internet très attrayant et très vivant. L’iconographie s’enrichit régulièrement grâce à Élodie Guignard, photographe qui travaille pour l’Inalco. L’objectif est de montrer que la vie à l’Inalco est extrêmement riche, foisonnante.
Tout à fait ! Il est important que nous montrions sur le site la diversité de la vie à l’Inalco.
Quelles expériences retirez-vous de ce projet internet ?
Il y a beaucoup de choses que j’aurais faites différemment, notamment pour raccourcir les délais de validation et m’éviter quelques nuits sans sommeil. Mais le plus satisfaisant est que les collègues et étudiants ont l’air satisfait du site. Les bons retours nous confortent dans le fait que les besoins ont été assez bien couverts. Et c’est une très belle reconnaissance du travail que nous avons tous fait. Ma formation initiale de psy m’a aidée dans ce projet, notamment pour reconnaître les enjeux, identifier ce qui se cachait derrière des demandes ou des problématiques qui se sont posées à nous et mener certains groupes de travail. Et les six années passées à la Formation continue m’ont aussi aidée, je connaissais l’organisation générale de l’Inalco et la plupart de mes interlocuteurs. Ne pas les connaître m’aurait contrainte à une autre approche. Là, je savais exactement à qui m’adresser pour trouver les personnes ressources, contrairement à un chef de projet qui serait venu de l’extérieur.
FORMATION CONTINUE DE L’INALCO… ET ENSUITE ?
Vous avez mentionné votre passage à la Formation continue de l’Inalco, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je travaillais à l’université Paris-Dauphine lorsqu’on m’a informé que l’Inalco cherchait quelqu’un pour son service de formation continue. Je vous avoue que je ne connaissais pas l’Inalco, ni Langues O’. À cette époque, j’étais aussi animatrice de centre de loisirs et animatrice plongée et, le jour de mon entretien avec Catherine Mathieu, je venais directement de l’un des centres. J’ai fait irruption dans son bureau avec de la peinture multicolore sur le pantalon, les cheveux en bataille et… j’ai été prise !
J’ai donc commencé au centre Riquet en septembre 2004, au milieu d’une équipe très restreinte. J’étais coordinatrice pour les cours du soir, pour les demandeurs d’emplois puis pour les stages individuels à la carte. Sur ce type de poste, il faut entretenir ses contacts avec les entreprises et savoir identifier rapidement les besoins puis la personne qui pourra répondre à la demande. Les demandes sont parfois très spécifiques et souvent orientées sur l’acquisition d’une compétence pratique et l’enseignement n’est pas tout à fait celui que l’on entend par « classique » ou « universitaire ». Nous faisions appel aux enseignants dans les départements de l’Inalco mais il faut savoir que les enseignants de la FC ne sont pas forcément ceux de la formation initiale.
Dix ans à l’Inalco, deux postes très bien identifiés avec des évolutions riches, qu’est-ce qui vous attend maintenant ?
Mes futurs objectifs portent sur l’évolution des TICE à l’Inalco, l’accompagnement des enseignants et l’utilisation des TICE dans ce qu’on appelle la « pédagogie innovante ». À l’Inalco, on commence à voir émerger de nombreux projets de formations hybrides (moitié en présentiel, moitié à distance) ou même entièrement à distance. Une de ces formations a très bien fonctionné cette année, celle en inuktitut avec Marc-Antoine Mahieu (/langue/inuktitut). Et d’autres projets sont à venir, par exemple un grand MOOC autour de neuf langues porté par Luc Deheuvels ou le swahili à distance porté par Odile Racine. Je vais donc me recentrer là-dessus.
On a donc les moyens techniques et quelques expériences positives, y-a-t-il une volonté politique de se servir des TICE ?
Depuis quelques années, il y a effectivement un fort élan politique qui soutient l’utilisation des TICE, mais des enseignants aussi, sur des initiatives personnelles, sont porteurs de projets. Nous sommes juste les supports qui les aident à les mener à bien. En effet le besoin est réel, surtout sur les langues à petit effectif : en présentiel, on perd des étudiants, parce que ce public est très mobile ou très dispersé, parfois moins fidèle et souvent actif ailleurs. Avec les TICE et l’enseignement à distance ou hybride, on peut prendre en compte leurs contraintes tout en proposant un enseignement de qualité.
À nouveau, votre rôle sera de faire le lien, via ces formations hybrides, avec des étudiants qui profitent aussi de leur temps de formation pour aller dans leur pays d’étude. Ainsi, on ne les « perd » plus quand ils sont ailleurs géographiquement.
En effet, ils ne sont plus « déconnectés », continuent à suivre les cours et restent lié à la classe. Mais cela peut aussi être utile en présentiel, avec les étudiants en décrochage, en licence surtout. Je pense au travail que fait Yoann Goudin en coréen : il a construit seul son espace de cours sur Moodle et chaque semaine, il met à disposition de ses étudiants la captation sonore de son cours, le diaporama en PDF, des devoirs à rendre avant la séance suivante et des corrigés. Avec l’ajout de ressources complémentaires, ses étudiants sont stimulés, motivés, communiquent entre eux, avec lui aussi, et s’ils décrochent à un moment, ils peuvent se rattraper grâce aux contenus en ligne et à l’aide des autres étudiants de la classe. Ces usages se développent de plus en plus, ou sont parfois plus simplement en « cours d’envie » chez certains de nos collègues !
Prendre en main des outils comme Moodle, créer des contenus et surtout réfléchir sur sa pratique pédagogique est un investissement qui demande du temps, en plus de la préparation du cours, mais le résultat peut aller au-delà de nos espérances. Désormais, il faut se lancer !
Mathias Ramsamy, gestionnaire EMICC
Mathias Ramsamy, gestionnaire EMICC
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
J’ai fait toute ma scolarité en Alsace. Après un échec au baccalauréat, j’ai travaillé dans le milieu hospitalier tout en étant inscrit en tant que candidat libre afin de repasser les épreuves du Bac. La même année, j’ai également suivi des enseignements de japonais en cours du soir.
Après votre découverte du japonais, c’est le coréen qui vous attire ? Pourquoi ?
Après l’obtention de mon diplôme, j’ai quitté la région alsacienne pour venir étudier le coréen à Paris, à l’Inalco ; plus précisément à Clichy. Pourquoi le coréen ?! Simplement parce que c’est le voisin du Japon mais également pour la fluidité de la langue. Je l’ai découverte par un ami pendant les séances de japonais et, pour la civilisation, je l’ai apprise à l’Inalco puis via un réseau coréen.
Cependant, avant d’entreprendre les études, je m’étais rendu en Corée. Pour la petite histoire, après avoir quitté mon emploi dans le milieu hospitalier, j’ai de suite acheté des billets d’avions pour me rendre en Corée. Je ne parlais ni anglais ni coréen. Je n’avais pas préparé mon voyage et je suis parti à l’aventure.
Avant même d’avoir touché le sol du Pays du Matin calme, j’ai sympathisé avec mon voisin d’avion coréen qui m’a tout de suite proposé de m’aider. Mon voyage a été une aventure enrichissante car j’ai pu apprendre énormément, sur la culture et la tradition coréennes. J’ai renouvelé l’expérience en séjour de 3 semaines et demie dans deux familles coréennes. L’immersion totale est une riche expérience.
C’est effectivement une aventure ! D’autres découvertes ?
Par le biais de l’Inalco, j’ai pu me faire des amis venant de tout horizon et je me suis dit pourquoi ne pas profiter de la richesse de l’Inalco pour apprendre une nouvelle langue. J’ai alors choisi le persan. Une toute autre manière de voir les choses et d’apprendre.
Bien évidement du fait de mes origines réunionnaises, je parle et comprends le créole réunionnais. Je suis également une formation d’anglais grâce à l’Inalco.
Votre goût pour les langues n’est donc pas né à l’Inalco. Comment s’est passée votre arrivée dans notre Institut ?
Lorsque je suis arrivé à l’Inalco–Clichy, l’adaptation a été un peu difficile car j’étais sorti du cadre scolaire depuis un moment. Retrouver une discipline de travail n’a pas été facile. J’ai eu la chance de pouvoir travailler bénévolement pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) puis j’ai également eu des petits jobs étudiants dans des cafés par exemple… C’est après ces diverses expériences que j’ai eu l’opportunité de travailler en tant que vacataire administratif à la direction des études pour les inscriptions, puis on m’a proposé un poste de secrétaire pédagogique pour le département d’Asie du Sud-Est, Asie du Sud, Pacifique et Haute-Asie en parallèle de mes études. Et me voilà maintenant sur un poste d’assistant EMICC et chargé de communication pour le service des Relations internationales de l’Inalco.
En quoi consistent vos missions au sein du Master EMICC ?
J’ai à ma charge la mise en place du Master de formation Interculturelle européen, l’EMICC, qui est accueilli à l'Inalco cette année. Je gère la partie logistique du programme : organiser les réunions, l’accueil des étudiants, l’accueil des enseignants, etc.
Je m’occupe également de la communication des relations internationales, la diffusion des emails pour les étudiants, l’organisation des délégations et je suis en renfort de mon collègue Stéphane Londéro pour les inscriptions administratives et pédagogiques des étudiants ERASMUS, internationaux et étrangers.
Comment parvenez-vous à suivre vos cursus et votre vie professionnelle simultanément ? Ajoutez-vous, en plus, d’autres activités au sein ou en dehors de l'Inalco ?
Malheureusement ou heureusement, j’ai une vie bien remplie et bien chargée. En plus de ma double licence et de mon travail au sein de l’Inalco, j’ai bien sûr d’autres activités. Avec une amie, nous nous sommes lancés pour défi le semi-marathon de Paris en 2015 !
J’ai longtemps été impliqué dans la vie associative de l’Inalco, notamment, lors de la création d’O’Korea en 2012 par les étudiants de la section coréenne. Cette association a pour but de promouvoir la culture et les traditions de la Corée par le biais de différentes activités et événements organisés par nos partenaires ou par l’association elle-même.
En novembre 2012, j’ai travaillé sur le festival Asian Passion à la demande de Magali Godin (chargée, entre autres, des actions culturelles de l’Inalco à la direction de la communication), festival qui a duré cinq jours très intenses.
J’ai également travaillé à deux reprises au service de la Formation continue pour le JLPT et au département Chine pour l’événement Le Pont de la Chine. Par ailleurs, j’ai participé à la préparation de la Journée Inalculturelle 2012 lorsqu’il y avait Romane Riou, en service civique de Sorbonne Paris Cité, avec les autres associations de l’Inalco lors de journées culturelles ainsi qu’au spectacle Danse du monde qu’organise chaque année le Bureau des Étudiants de l’Inalco.
Michael Lucken, professeur Histoire, Arts et histoire de l'art du Japon
Michael Lucken, professeur Histoire, Arts et histoire de l'art du Japon
Michael Lucken, lauréat du prix Thiers 2014 de l’Académie Française
Michael Lucken, historien du Japon, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Paris), lors de sa conférence à l’UNIGE le 6 mai 2014.
Quelle a été votre formation initiale, votre parcours avant l'Inalco ?
Après le bac obtenu en 1986, je ne voulais pas devenir enseignant comme mes parents. Je souhaitais travailler dans le marché de l’art contemporain. J’ai fait une école privée de management culturel, et j’ai parallèlement commencé à acheter des œuvres à de jeunes artistes, faire un peu de courtage, faire des stages chez des commissaires priseurs.
Comment s’est fait votre découverte de la langue et de la culture japonaise ?
En 1988, j’ai commencé à apprendre le japonais en cours du soir à l’Inalco (Dauphine). Certains de mes enseignants sont devenus mes collègues. En 1992, après un an de service militaire, je suis parti au Japon avec une bourse du gouvernement japonais pour faire des recherches sur le peintre Kishida Ryūsei (1891-1929) dans la section d’histoire de l’art de l’université Waseda. À Tōkyō, j’ai continué à fréquenter le monde des galeries, des ateliers d’artistes et du marché de l’art, mais j’ai aussi pris goût à l’écriture et à la réflexion intellectuelle.
À mon retour en France, j’ai décidé de me consacrer à l’enseignement et à la recherche. De 1994 à 1998, j’ai travaillé au bureau parisien de la Fondation du Japon où j’ai collaboré au lancement de la Maison de la culture du Japon à Paris. En 1999, j’ai soutenu une thèse sur la politique artistique japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale sous la direction de Jean-Jacques Origas.
Votre arrivée à l'Inalco comme enseignant a eu lieu en quelle année ? Quel a été votre parcours ensuite ?
J’ai commencé à enseigner à l’Inalco en 1998 comme ATER. J’ai été nommé MCF en 2000, puis PU en 2006. Je vous renvoie à ma fiche personnelle sur le site de l’Inalco pour ce qui est de mes responsabilités actuelles et principales publications.
En tant que chercheur, quels sont vos axes de recherche ? Sur quoi porte votre travail de recherche ?
Bien que je fasse partie de la première génération ayant grandi avec les dessins animés japonais, je n’ai pas commencé à étudier la langue japonaise par passion. La passion est venue dans un deuxième temps avec l’apprentissage de la langue, la connaissance du pays et de sa culture. C’est peut-être la raison pour laquelle je me définis aujourd’hui comme un historien des ressemblances, des convergences, ce qui ne signifie pas que je nie la différence, mais que je refuse de la poser a priori. De façon générale, je m’inscris dans un mouvement qui vise à faire des réalités extra-occidentales des objets ordinaires du savoir.
Ma formation artistique m’a donné le goût des objets. De là vient mon intérêt pour les sources d’époque, les vieux documents, en particulier ceux de la Seconde Guerre mondiale dont je n’analyse pas uniquement le contenu, mais aussi la forme et la réception. J’ai par ailleurs toujours beaucoup lu, notamment des livres de philosophie et de poésie.
D’où votre ouvrage Les Japonais et la guerre, récemment primé...
Mes différents travaux sur l’histoire culturelle du Japon en guerre m’ont amené à décrire des phénomènes très proches de ce qu’on trouve en Europe et aux Etats-Unis, notamment en termes d’organisation et de valeurs. Dans Les Japonais et la guerre 1937-1952 (Fayard), pour lequel j’ai reçu le prix Thiers 2014*, je montre par exemple l’importance du mouvement et des idées romantiques dans le bellicisme nippon. L’étude de cette période de crise dont tout le monde connaît les grands épisodes, à commencer par les opérations kamikaze et les bombardements atomiques, permet de découvrir que la modernité japonaise est une modernité à part entière et que les choix faits par les Japonais sont loin d’être incompréhensibles, contrairement à ce qu’on a longtemps écrit.
L’autre grand axe de ma réflexion est d’ordre à la fois esthétique et politique. Il s’agit de comprendre comment le Japon — et à travers le Japon les pays extra-occidentaux en général — s'est adapté au système moderne qui valorise la création et rejette l’imitation. L’art japonais, tout en acceptant l’idée de progrès et d’innovation, cherche constamment des dispositifs de type mimétique pour subvertir cette logique. Or ce qui est paradoxal, c’est qu’il trouve dans cette réaction même le ferment de son dynamisme. Il y a là quelque chose à méditer pour un pays comme la France.
*Le prix Thiers est un prix d’histoire remis chaque année par l’Académie française. C’est la première fois qu’il est attribué à un ouvrage portant sur un sujet non occidental.
Prix de l’Académie française 2014 - Prix Thiers pour Les Japonais et la guerre (1937-1952), Paris, Fayard, Collection : Divers Histoire, 400 pages, ISBN-13: 978-2213661414.
Première et quatrième de couverture du livre de Michael Lucken, Les Japonais et la guerre (1937-1952), Paris, Fayard, Collection : Divers Histoire, 400 pages, ISBN-13: 978-2213661414.
Clotilde Trouvé, archiviste
Clotilde Trouvé, archiviste
Clotilde Trouvé, le toucher historique avant tout
Quelle a été votre formation initiale ?
Je n’ai pas toujours voulu être archiviste ; jusqu’à mes 20 ans, je voulais simplement étudier l’histoire, la littérature, les langues anciennes (latin, grec) : un joli cocktail saupoudré d’un peu de philosophie, mais pas trop. Le monde professionnel pointe son nez et me voilà à classer des photographies aux archives départementales et à courir dans les magasins d’archives pour apporter les registres aux lecteurs impatients. Ce qui m’a surtout impressionnée, c’est le droit que j’avais de toucher les archives. Jusqu’à ce moment-là, j’en avais vu des archives, des manuscrits lors d’expositions qui étaient bien protégées dans leur vitrine de verre. Dans la réserve, tout était directement accessible, avec une odeur très particulière et attachante. Mon choix est fait : je serai archiviste ; rien de plus simple : un parcours à l’université avec pour finir un master 2 professionnel « métiers des archives ».
Un avant Inalco ?
A la sortie de l’université, j’ai tout de suite été embauchée. En réalité, l’école où j’avais réalisé une partie de mon stage m’a proposé de mettre en place les préconisations et les procédures d’archivage que j’avais élaborées pendant cette période. Cette école, La fémis, forme aux métiers du cinéma (réalisateurs, producteurs, scénariste, image, son, montage) ; en somme j’ai exercé mon premier travail dans un bouillon de culture et de jeunesse, propre à passer en douceur du stade d’étudiante au profil de professionnelle. Une de mes activités pendant ces trois mois a été le classement des dossiers des étudiants de l’IDHEC et de La fémis : avoir en main les différents travaux cinématographiques d’un certain Costa-Gavras ou d’un François Ozon, est une récompense d’une semaine passée dans un local sans fenêtre au -2Bas de l’immeuble. De ce début de carrière, je garde un souvenir marquant.
Début 2010, je passe en administration centrale au Ministère de la Culture. Après l’audit, il s’avère que les agents n’avaient pas archivé depuis 20 ans ! Ma mission était donc de faire prendre conscience aux personnes qu’il fallait archiver et pas n’importe comment. Ma meilleure technique pour y arriver : mettre la main à la pâte avec eux. Après une semaine où j’allais patiemment voir les différents services pour leur demander où ils en étaient, le pôle du fonds de modernisation à la presse me demande de venir les aider... C’étaient les dossiers de candidatures des maisons de presse pouvant obtenir un financement public au titre de la modernisation de la presse, le volume : 3 armoires pleines. En une après-midi, tout fut conditionné dans les boites, répertorié, inventorié, étiqueté et les armoires vidées.
Le bruit se répand comme par magie : « en fait, l’archivage ça ne prend pas trop de temps et qu’est-ce que cela libère comme place… ». La mécanique est enclenchée. Bref, l’archiviste c’est la personne qui fait de la place et qui a accès aux lieux secrets (il y avait un minuscule bureau dans lequel personne ne rentrait, car il était rempli d’archives d’un service qui n’existait plus, j’étais alors la seule personne autorisée à y entrer).
Pourquoi l’Inalco ?
Après un rapide passage à l’école militaire, je me retrouve « l’archiviste » de l’Inalco. Pour moi, l’Inalco m’a permis de me replonger dans un univers culturel de production et diffusion des savoirs et du patrimoine les plus divers. A l’Inalco, on pourrait m’appeler la « Miss Boîte » : on me voit dans les couloirs avec un chariot rempli de boites, on me demande des boîtes vertes, souvent des boîtes blanches pour les copies d’examen, et quelques fois des boîtes marron. Ou alors la « Miss brique » en raison du petit nom donné à la publication présentant des documents d’archives.
Mais concrètement, entre la boîte d’archives et les briques, il y a tout un travail de classement, de gestion des espaces de stockage, de recherches qui se fait souvent dans l’ombre de la rue de Lille ou dans la salle de lecture des Archives nationales.
Pourquoi vous investir à l’Inalco ?
Lorsque je suis arrivée à l’Inalco, le grand chantier était le regroupement physique des services au Pôle des langues et civilisations. J’ai compris que c’était un moment que des générations d’enseignants, d’administratifs et d’étudiants avaient désiré depuis 1968 ; et je pouvais vivre cet instant « historique » ; mon cœur d’archiviste n’a fait qu’un bond et aussitôt j’ai adhéré.
Votre implication dans la vie de l’établissement ?
Depuis quelques mois, j’anime au sein de l’association des personnels de l’Inalc/API un atelier couture. C’est une expérience très enrichissante, car toutes les personnes y participant sont motivées, débrouillardes et surtout ont beaucoup d’idées de couture que je trouve géniales. Mon prochain projet : faire un atelier couture pour les hommes !!!