La littérature de jeunesse française et la traduction-adaptation en ouzbek

Le rôle des écrivains français dans le développement du genre « conte » est inestimable. Parmi eux il faut surtout citer Charles Perrault. Charles Perrault s’occupa de la collecte de contes populaires français et composa lui-même des contes littéraires. Ses contes furent publiés dans les années 1696-1697 et se répandirent vite dans tous les pays.
Couverture des contes de Perrault en ouzbek
Couverture des contes de Perrault en ouzbek. © DR‎

Ses contes furent publiés plusieurs fois dans presque toutes les langues du monde et sont toujours édités. Le mérite de Charles Perrault dans le domaine du conte « est particulièrement souligné par les folkloristes ayant effectué plusieurs recherches sur son œuvre »[1].
 
 
Les contes français en ouzbek
 
Les jeunes lecteurs ouzbeks ont pu, à partir des années 50 du siècle passé, lire les contes français dans leur langue maternelle malgré la parution de la version russe bien antérieure (Turgenev I. Volshebniye skazki Perro. S.-Peterburg, Izdaniye M.O.Volf, 1867). Les contes de Charles Perrault commencèrent à être traduits d’abord à partir du russe et, au moment de l’indépendance de la République (1991), de la langue originale. Durant les années 50-70 du XXe siècle, les meilleurs poètes ouzbeks Aziz Abdourazzoq et Choukroullo ont également été les meilleurs traducteurs des contes de Ch. Perrault à partir de leurs versions russes.
 
Après la proclamation de l’indépendance de la République d’Ouzbékistan, à la traduction des contes de Ch. Perrault s’occupèrent Ch. Minovarov (du français en ouzbek), T. Alimov et Ilhom Zoïr (du russe en ouzbek). Quelques contes de Ch. Perrault furent traduits en ouzbek plusieurs fois, certains étant traduits du français et du russe. Nous pourrons citer quelques exemples, comme « La Вelle au bois dormant » et « Cendrillon » (traductions de M. Kholbekov et Ch. Minovarov – du français, T.Alimov – du russe) et « Le Petit Chaperon rouge » (Ch.Minovarov – du français, I.Zoïrov – du russe) tandis que certains contes sont traduits du français par deux traducteurs comme M. Kholbekov et Ch. Minovarov. Ce sont « La Вelle au bois dormant », « Cendrillon », « Le petit Рouсet », « Le Сhat botté », « Les Fées », « Barbe-Bleue » et « Riquet à la Houppe ».
Ce phénomène est très intéressant et utile car la multitude des traductions des meilleurs textes de la littérature mondiale ou la retraduction des mêmes œuvres dans une langue est l’un des facteurs servant à améliorer la qualité des traductions et à créer des traductions adéquates.
 

Illustrations intérieures des contes de Perrault en ouzbek. 1
Illustrations intérieures des contes de Perrault en ouzbek. 1 © DR‎


La volonté d’atteindre la meilleure qualité dans la traduction continue sans cesse : « Les derniers temps dans les traductions nous lisons de simples écritures « faite de l’anglais, de l’allemand, du français », on reconnait dans la traduction la nécessité de la connaissance, non seulement de la langue de laquelle on traduit, mais aussi des coutumes et traditions, des modes de vie, des caractères et psychologies des gens qui parlent cette langue[2] »[3].
 
La stricte observation de l’identité nationale est l’une des plus grandes exigences de la traduction littéraire des chefs-d’œuvre littéraires des peuples étrangers. Ces dernières années nos traducteurs créent des traductions adéquates. Cependant, même les meilleures traductions présentent des impropriétés qui peuvent aboutir à la désorientation vis à vis de l’ouvrage original.
 
Analyse des traductions ouzbèkes des contes de Ch. Perrault
 
Nous avons analysé la reproduction des realias[4] français dans les traductions ouzbèkes ainsi que d’autres difficultés sur lesquels les traducteurs peuvent achopper durant leur travail sur les contes originaux de Ch. Perrault ; ainsi que les traductions russes et ouzbèkes des contes effectués par Ch.Minovarov, M.Kholbekov, T.Alimov, I.Zoïrov et A.Akbar.
 
Cependant, comme Isabelle Nieres-Chevrel, professeure émérite de littérature générale et comparée, chercheure sur la littérature de jeunesse à l’université de Haute-Bretagne – Rennes II, le souligne, des problèmes d’écart linguistique et d’écart culturel se posent dans la traduction des livres d’enfants comme pour toute traduction. A première vue toutes les traductions paraissent adéquates et bien fidèles, mais leur comparaison avec les originaux montre certaines dissonances, comme ci-dessous, dans l’analyse des originaux et traductions des contes « Le Petit Chaperon rouge » et « Cendrillon ».
 
Cependant, il existe une certaine spécificité à la littérature jeunesse, car le traducteur ne peut éviter de penser qu'il écrit pour un public dont la compétence linguistique et culturelle n’est pas la sienne. Le problème d’écart linguistique devrait être le même que celui qui se pose pour toute traduction, mais avec plus d’acuité dans le cas où le texte de départ était originalement destiné à la jeunesse[5].
 


« Le Petit Chaperon rouge » est le plus traduit en ouzbek parmi les contes de Ch. Perrault. Il a été traduit sept fois ; par A.Abdourazzoq, Choukroullo, T.Alimov, I.Zoïrov et A.Akbar de versions russes, par Ch.Minovarov et M.Kholbekov du français.
 

Illustrations intérieures des contes de Perrault en ouzbek. 2
Illustrations intérieures des contes de Perrault en ouzbek. 2 © DR‎

 
Par exemple, « Le Petit Chaperon rouge », en français :
Un jour sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit :
Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m’a dit  qu’elle était malade, porte-lui une galette et ce petit pot de beurre[6]. 

La traduction de Ch.Minovarov :
Bir kuni onasi koulchalar pishirib, unga debdi:
O’zing bilan birga mana bou koulchalardan va khourmatchadagi sarighmoydan olvolgin[7]. 

La traduction russe :
Как-то раз испекла мама пирожок и сказала дочке:
Сходи-ка ты Красная шапочка и пошла к бабушке, снеси ей этот пирожок и горшочек масла, да узнай, здорова ли она[8]. 

La traduction d’Ilhom Zoïrov :
Bir kouni onasi bo’ghirsoq pichirib, qiziga dedi :
Qizil qalpoqcha, sen mana bou bo’ghirsoq va khourmatchadagi moyni olib bor-da, bouvingning soghlighini bilib kel[9]. 

La traduction suivante a été effectuée par A.Akbar depuis le russe :
Bir kouni qiztchaning onasi bo’ghirsoq pichiribdi-da :
Qizil qalpoqcha, mana bou ko’zatchadagi yogh bilan bo’ghirsoqlarni olib, bouvingni ko’rib kel, - debdi[10]. 
 

Comme nous avons dit ci-dessus, si Ch.Minovarov a effectué la traduction depuis l’original, I.Zoïrov et A.Akbar l’ont réalisée depuis la version russe datée de 1937, édition Fabrika detskoy knigi izdatelstvo detskoy literaturi, TsK VLKSM, Moscou. Le traducteur est inconnu. (Plus tôt, Turgenev I. Volshebniye skazki Perro. S.-Peterburg, Izdaniye M.O.Volf, 1867.).
 
Dans la traduction de Ch.Minovarov « une galette » française devient « de petites galettes », tandis que chez I.Zoïrov et A.Akbar elle est « une crêpe rôtie dans la poêle », et dans la version russe cela apparait comme « gâteau-pirojok ».
 
De plus, chez Ch.Minovarov, la mère dit à sa fille de prendre un tout petit peu de « beurre » du pot, alors que les mères d’I.Zoïrov et d’A.Akbar disent de prendre « le pot de beurre » entier comme dans la version russe. Ici, nous ne pourrons pas accuser I.Zoïrov et A.Akbar de ce qu’ « une galette » française a été transformée en ouzbek en « une crêpe rôtie dans la poêle», car ils sont restés fidèles à la version russe du conte qui a servi de base pour eux. A la différence de Ch.Minovarov, I.Zoïrov et A.Akbar ne connaissent pas le français, mais ils sont vraiment des traducteurs littéraires expérimentés à partir d’autres langues. Ces derniers ont travaillé et travaillent toujours en tant que rédacteurs professionnels dans des maisons d’édition. Mais au moment où l’on confirme qu’une bonne connaissance du français ne suffit pas pour une traduction adéquate de la littérature française en ouzbek et qu’il faut avoir une bonne connaissance culturelle et qu’il faut être un homme de lettres pour une meilleure traduction, le manque de compétences les amène tous les deux à agir à l’aveuglette.
 
« Ce ne sont alors qu’approximations au mieux, ou fuite devant la difficulté, ou même ignorance de la difficulté par méconnaissance de la langue de départ. La faute en incomba à l’éditeur, pour qui le seul succès d’une œuvre dans un autre pays est une raison suffisante de publication; il ne se soucie guère de savoir si cette œuvre est « traduisible », c’est-à-dire si l’écart linguistique peut être comblé. Et, de toute façon, il ne peut l’être que par un traducteur de haute compétence linguistique aussi bien dans la langue de départ que dans la langue d'arrivée. [11]»
 
Autre exemple, la psychologie de la fillette, sa simplicité, se voit dans sa rencontre avec le Loup :
 Il lui demanda où elle allait ; la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un Loup, lui dit :
Je vais voir ma Mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma Mère lui envoie[12]. 

Ici, dans la conversation de Petit Chaperon rouge avec le Loup, l’écrivain montre que les enfants ignorent le malheur qui les menace, ainsi que leur confiance en autrui. Le conteur met surtout en garde ses lecteurs et lectrices : « la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un Loup ». Dans la traduction d’Abdurahman Akbar si même l’on sent la menace, l’on ne sent pas l’inquiétude de l’écrivain :
 
Qizil Qalpoqcha bo’rilar bilan gaplashish xavfli ekanini xayoliga keltirmas ekan[13].
 
En français : « Le Petit Chaperon rouge ne savait pas qu’il est dangereux de discuter avec les loups ». 
 
Pour arriver à son but le Loup malin ment à la fillette. Et le Petit Chaperon rouge le croit sincèrement.
 
En français :
 - Hé bien, dit le Loup, je veux l’aller voir aussi ; je m’y en vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera[14]. (le soulignement est à Rakhimova G.)
 
– Ha! – debdi bo’ri, - mening ham buvingni ko’rgim kelyapti. Yaxshisi, men buy yo’ldan, sen unisidan ket. Qani kim oldin yetib borarkin.
La traduction ouzbèke d’Abdurahman Akbar correspond entièrement à l’original. Les enfants croient aux propositions de jeux comme soulignés. Et le Loup en profite, profite de leur naïveté.
 
Le Loup prend le chemin le plus court et il est bien sûr le premier sur place.
Dans l’original le Petit Chaperon rouge n’est pas pressé, il marche très doucement, s’arrête plusieurs fois pour cueillir des noisettes et des fleurs :
...la petite fille s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait[15].
 
La version d’Abdourahman Akbar de cette phrase ci-dessus est assez courte :
Qizil Qalpoqcha uzoghidan ketibdi, yo’l-yo’lakay to’khtab, goullar teribdi[16]
[Le Petit Chaperon rouge prit le chemin plus long, s’arrêta plusieurs fois à cueillir des fleurs.]
 
 
 
Le traducteur devrait toujours avoir recours aux idées de Denise Escarpit : « l'adulte, traducteur d'un adulte, auteur d'une œuvre destinée à des adultes, doit tenir compte de l’énorme décalage qui existe entre ses propres références culturelles et celles de son jeune lecteur : écart quantitatif aussi bien que qualitatif. Le traducteur, en quelque sorte médiateur entre deux langues et deux cultures, est aussi le médiateur entre deux niveaux de culture et souvent entre deux niveaux de compréhension linguistique. »[17] Le traducteur, donc, doit se rendre compte et saisir les nuances entre la compréhension culturelle et linguistique des lecteurs mais également la perception, la vision du monde enfantine aussi.
 
 
“Buvinikiga yetib kelgan uning soddaligidan foydalanib uyga kirib oladi va “kampirga tashlanib shu zahotiyoq uni yutib yuboradi”[18] .
[Le Loup qui est arrivé le premier chez la grand-mère, entre dans la maison en profitant de sa simplicité, se jette sur elle et l’avale aussitôt]
 
On trouve dans la version originale :
Il se jeta sur la bonne femme, et la dévora en moins de rien ; car il y avait plus de trois jours qu’il n’avait mangé[19].
 
Le Petit Chaperon rouge qui arrive la deuxième chez sa grand-mère discute avec le Loup derrière la porte. Là aussi on observe la naïveté de la fillette. Bien qu’elle soit étonnée de la voix grossière de Loup, elle la croit celle de sa grand-mère. La version originale indique :
Le Petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du Loup eut peur d’abord, mais croyant que sa Mère-grand était enrhumée, répondit...
 
Sa traduction ouzbèke par A.Akbar:
Uning qo’pol, bo’ghiq ovozini eshitgan Qizil Qalpoqtcha avvaliga qo’rqib ketibdi, keyin bouvisining shamollagani yodiga touchib[20]...
 
 
Dans l’original le Petit Chaperon rouge, après avoir écouté la voix rude du Loup, croit que sa grand-mère est peut-être enrhumée. Dans la traduction ouzbèke, elle se rappelle que sa « grand-mère était enrhumée ». La traduction ouzbèke est toujours adaptée.
 
Dans la version originale :
 « Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture :
- Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi »[21]
 
Dans la traduction ouzbèke d’A.Akbar :
Qizcha ouyga kirganida ko’rpaga bourkanib olgan bo’ri :
- Bo’ghirsoqni xontaxta oustiga, ko’zachani tokchaga qo’ygin-da, o’zing yonimga kelaqol. Hoynahoy charchab kelgandirsan, - debdi[22].
 
 
« La huche » (Huche, n.f. (du germ.) 1. Coffre ou petit meuble pour conserver le pain. 2. Grand coffre médiéval à couvercle plat, qui pouvait servir de siège. )[23] française est transformée en « table basse » ouzbèke .
Ici, une question se pose : n’y a-t-il pas aussi une volonté de moderniser le texte ?
Comme on l’a mentionné, c’est le manque de compétences linguistiques et culturelles d’un traducteur qui : « ancrant le lecteur dans le monde où il vit et lui ôtant toute possibilité de comparaison avec d’autres temps ou d’autres lieux, lui interdit ainsi le recul historique et culturel sans lequel il n’y a pas de saine évaluation du présent, l’empêchant enfin de faire agir et de mettre en œuvre son sens critique [24]».
 
Les traducteurs cherchent toujours à donner des équivalents culturels qui reflètent l’éloignement temporel du texte, et les archaïsmes sont traités par la définition d’un mot. Pourtant, l’équivalent culturel du mot « La huche » existe en ouzbek « non quti – une boîte en bois à conserver le pain » . Tandis que le « xontaxta » de la traduction ouzbèke est une table à quatre pieds bas où-l-on mange.
 
Le Petit Chaperon rouge, qui s’est approché de sa grand-mère, est étonné de la voir « en son déshabillé » :
« Le Petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère-grand était faite en son déshabillé. »
 
Dans la traduction ouzbèke cette situation est absente. Elle n’existe pas non plus dans la traduction d’Abdourahmon Akbar faite à partir de la version russe du conte, ni dans la traduction de Ch. Minovarov, effectuée depuis l’original français.
 
Comme Bernard Friot constate « traducteurs (et éditeurs) ont souvent tendance à adapter le texte source pour le conformer à une vision du monde et de l’enfance qu’ils estiment plus assimilable par le lecteur visé. Ils projettent en général leurs propres conception pédagogiques, en un mot leur idéologie, dans la crainte de troubler ou choquer le jeune lecteur ... [25]»
 
Dans la conversation suivante entre le Petit Chaperon rouge et « la Mère-grand » on assiste à la naïveté de la fillette. Elle lui dit :
- Ma mère-grand, que vous avez de grands bras ?
- C’est pour mieux t’embrasser ma fille.
- Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes ?
- C’est pour mieux courir, mon enfant.
- Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles ?
- C’est pour mieux écouter, mon enfant.
- Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents ?
- C’est pour mieux te manger[26].
 
Sa traduction ouzbèke par A.Akbar :
- Bouvijon, qo’llaringiz mountcha katta ? – deb so’rabdi ou.
- Bou seni mahkam qoutchoqlachim outchoun, bolajonim !
- Bouvijon, oyoqlaringiz mountcha katta ?
- Tez yougourich outchoun, bolajonim !
- Bouvijon, qouloqlaringiz mountcha katta ?
- Yaxchi echitich outchoun, bolajonim !
- Bouvijon, ko’zlaringiz mountcha katta ?
- Yaxchiroq ko’richim outchoun, bolajonim !
- Bouvijon, tichlaringiz mountcha katta ?
- Tezroq seni yeyichim outchoun, bolajonim[27] !
 
La conversation du Loup et de Petit Chaperon rouge traduit bien fidèlement le texte source gardant ainsi tout l’imaginaire enfantin et le rendant à la fois amusant et un tire-leçon pour les jeunes lecteurs de la langue d’arrivée. Toutes les nuances de l’original sont bien conservées en ouzbek.
La naïveté et le manque de bon sens de la fillette est la cause de son malheur – le Loup la mange :
Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le Petit Chaperon rouge, et la mangea[28].
 
Sa traduction ouzbèke :
Qizil Qalpoqcha nima gapligini anglashga ham ulgurolmay qolibdi. Yovuz bo’ri uni jajji kovushchalari-yu, ajoyib qalpoqchasi bilan birga yutib yuboribdi[29].
[Le Petit Chaperon rouge n’a pas pu comprendre de quoi il s’agissait. Le méchant Loup se jeta sur elle et l’avala avec ses petites chaussures et son petit chapeau rouge mignon.]
 
Ici, si le traducteur ajoute « ses petites chaussures et son petit chapeau rouge étonnant » absents dans l’original, il parvient à enrichir l’image de la fillette en soulignant en même temps le manque de bon sens : « Le Petit Chaperon rouge n’a pas pu comprendre de quoi il s’agissait ».
 
 
Le conte se termine sur une note fort instructive comme dans tous les contes de Ch. Perrault, « Le Petit Chaperon rouge » présente également une moralité. Pourtant, la moralité du « Petit Chaperon rouge » n’est pas traduite comme dans toutes les autres traductions ouzbèkes des contes de Ch.Perrault.
Le traducteur, en quelque sorte médiateur entre deux langues et deux cultures, est aussi le médiateur entre deux niveaux de culture et souvent entre deux niveaux de compréhension linguistique. « Devant ces difficultés, la tentation est grande et fort compréhensible, et d’autant plus compréhensible que les traducteurs sont fort mal payés, de réduire les écarts culturels et même de les effacer », écrit encore D. Escarpit.
 

Illustrations intérieures des contes de Perrault en ouzbek. 3
Illustrations intérieures des contes de Perrault en ouzbek. 3 © DR‎

 
               
 
Traduction des titres de contes
 
Il faut encore souligner que le titre de chaque œuvre présente un certain sens et dans sa traduction son titre présente également une importance.
Le titre, c’est, d’une part, faire entrer le lecteur dans le microcosme de l’œuvre, tout en étant une sorte d’introduction, y compris des informations prospectives sur les événements ultérieurs, de l’autre, c’est révéler au fur et au mesure de l’interprétation rétrospective tous les signaux logiques, sémantiques, structurels et linguistiques du texte. « Le titre est un signe graphique révélé du texte exprimé par les moyens de la langue qui présente une sémantique autonome, élément initial et unique pour tout le texte, et qui énonce et/ou caractérise le texte en pronostiquant et intégrant son contenu ainsi qu’informant des sens complémentaires[30] » .
 
Regardons les traductions des titres de contes. Trois traductions d’un seul titre : « Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre » - « Kouloyim yoki billour bochmoqtchalar» (« Cendrillon ou les pantoufles de verre », Ch.Minovarov) – « Mazlouma » (« La Prisonnière », M.Kholbekov) – «Choumchouk qiz » (« La fille aisée », T.Alimov).
Deux traductions d’un seul titre : « Le Maître Chat ou le Chat botté » - « Ustasi farang yoki etik kiygan mouchouk » (« Le maître de sa profession ou le chat botté », Ch.Minovarov) – « Etik kiygan mouchouk » (« Le Chat botté », M.Kholbekov) etc.
 
« La francisation et l’actualisation sont les formes les plus fréquentes de ce refus de différence ethnique ou historique [31]», écrit encore I. Nières. En donnant comme exemple la traduction du titre américain « Little women » de Louisa May  Alcott par « Les quatre filles du Docteur March » .
 
Pourtant, ces notes sont bien à propos de la traduction du titre français « Le Maître Chat ou le Chat botté » aussi. Car le titre « Ustasi farang yoki etik kiygan mouchouk » (« Le maître de sa profession ou le chat botté », Ch.Minovarov) est lié directement avec le français et les Français. L’expression « Ustasi farang » - signifie «Maître Français », (Farang, de l’ouzbek – un Français» qui est représentant d’un grand peuple de son époque contribuant énormément à la civilisation mondiale en donnant au monde de grands hommes politiques, littéraires, d’art notamment, aux XIXe et XXe siècles en Asie Centrale cette expression était utilisée à deux sens – large et étroit – au sens étroit cela signifiait « un Français » (un citoyen, une nation), tandis qu’au sens large celui-ci signifiait « un Européen». C’est-à-dire, en employant ce mot on reconnaissait d’abord un Français et après un Européen. Au fait, l’expression « Ustasi farang » - « Maître Français » est interprété à partir de la maîtrise, créativité et ingéniosité du peuple français, qui est maître dans son art.
 
 

Les contes littéraires de Ch. Perrault n’offrent pas un simple divertissement. Ils sont riches d'enseignement, parce que les aventures vécues par les personnages ont valeur d’exemple, donnent à penser et sont autant de leçons qui aiguisent le regard et l'intelligence du jeune lecteur. Il faut donc que les jeunes lisent et s’instruisent à partir de la littérature, des traductions et des adaptations.
 
 
Gulsanam RAKHIMOVA
Enseignant-chercheur, maître de conférences de FLE
Université Nationale d’Ouzbékistan (Tachkent)
Mél : miss_guli777@mail.ru
 
 
 
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
Dadaboyev S. Les problèmes actuels da la linguistique romane et germane. Tachkent, 2009.
ESCARPIT, Denise. Traduction et adaptation en littérature d’enfance et de jeunesse, Pessac : Nous voulons lire !, 1985.
Friot, Bernard. Traduire la littérature pour la jeunesse. « Le français aujourd’hui », 2003/3№ 142, p.p 47-54. 
Janob Segenning echkisi (La chèvre de monsieur Seguin). Contes littéraires d’écrivains français. – Tachkent, Youldouztcha, 1989.
Karimov Ch. Herman Hesse va jahon adabiyoti // Adabiy aloqalar, adabiy tas’ir va tarjimachunoslikning dolzarb masalalari. Т., 2010.
Kukharenko V.A. Interpretasiya teksta. – Moscou : Prosvechenye, 1982.
Le Petit LAROUSSE illustré. Paris, 2004, p.554.
NIERES-CHEVREL, Isabelle. -"La traduction dans les livres pour la jeunesse", La Littérature de jeunesse (CRDP Rennes), 1980, p. 63-103.
Perrault Charles. Contes de ma mère l’Oye. – Paris, 2002.
Perro Sharl. Ona Ghoz ertaklari. – Tachkent, Editions Charq, 1996.
Perro Sharl. Skazki. – Leningrad, 1968.
Perro Sharl. Qizil qalpoqcha. – Tachkent, Gafur G’ulom nomidagi nashriyot-matbaa ijodiy uyi, 2010.
Perro Sharl. Qizil qalpoqcha. – Tachkent, Cho’lpon nomidagi nashriyot-matbaa ijodiy uyi, 2011. 
 
 
 

[1] Dadaboyev S. Les problèmes actuels da la linguistique romane et germanique, Tachkent, 2009, p. 335.
[2] Karimov Ch., « Herman Hesse va jahon adabiyoti », Adabiy aloqalar, adabiy tas’ir va tarjimashunoslikning dolzarb masalalari,Тachkent, 2010.
[3] La traduction est à Rakhimova G.
[4] Éléments spécifiques à une langue et une culture.
[5] NIERES-CHEVREL, Isabelle. -"La traduction dans les livres pour  la jeunesse", La Littérature de jeunesse (CRDP Rennes), 1980, p. 63-103.
[6] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, Paris, éd. cit., 2002, p. 8.
[7] Perro Sharl. Ona Ghoz ertaklari, Tachkent, Editions Charq, 1996, p. 18.
[8] Perro Sharl. Krasnaya shapochka. Knijka-malishka. Édition Fabrika detskoy knigi izdatelstvo detskoy literaturi, TsK VLKSM, Moscou, 1937.
[9] Perro Sharl. Qizil qalpoqcha, Tachkent, Gafur G’ulom nomidagi nashriyot-matbaa ijodiy uyi, 2010, p. 10.
[10] Perro Sharl. Qizil qalpoqcha, Tachkent, Cho’lpon nomidagi nashriyot-matbaa ijodiy uyi, 2011, p. 3.
[11] ESCARPIT, Denise. Traduction et adaptation en littérature d’enfance et de jeunesse, Pessac : Nous voulons lire !, 1985.
[12] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, éd. cit., p. 23.
[13] Perro Sharl, Qizil qalpoqcha, 2011, éd. cit., p. 5.
[14] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, éd. cit., p. 23.
[15] Ibid., p. 23-24.
[16] Perro Sharl, Qizil qalpoqcha, 2011, éd. cit., p. 5.
[17] ESCARPIT, Denise. Traduction et adaptation en littérature d’enfance et de jeunesse, Pessac : Nous voulons lire !, 1985.
[18] Ibid., p. 8.
[19] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, éd. cit., p. 2.
[20] Perro Sharl, Qizil qalpoqcha, 2011, éd. cit., p. 11.
[21] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, éd. cit., p. 23.
[22] Id.
[23] Le Petit LAROUSSE illustré. Paris, 2004, p.554.
[24] ESCARPIT, Denise. Traduction et adaptation en littérature d’enfance et de jeunesse, Pessac : Nous voulons lire !, 1985.
[25] Friot, Bernard. Traduire la littérature pour la jeunesse. «Le français aujourd’hui», 2003/3№ 142, p.p 47-54. 
[26] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, éd. cit., p. 24.
[27] Perro Sharl, Qizil qalpoqcha, 2011, éd. cit., p. 12.
[28] Perrault Charles, Contes de ma mère l’Oye, éd. cit., p. 24.
[29] Perro Sharl, Qizil qalpoqcha, 2011, éd. cit., p. 12.
[30] Kukharenko V.A. Interpretasiya teksta, Moscou, Prosvechenie, 1982.
[31] NIERES-CHEVREL, Isabelle. -"La traduction dans les livres pour  la jeunesse", La Littérature de jeunesse (CRDP Rennes), 1980, p. 63-103.