Le programme Migrobjets

Objets laissés par les migrants dans l'espace public.
Objets laissés par les migrants dans l'espace public. © DR‎



Le programme Migrobjets :  Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés dans les nouveaux médias et construction de la figure du migrant dans l’espace public, présenté dans le cadre de l’AAP Migrations & Altérité (avril 2016-mai 2018) du conseil scientifique de l’Inalco, vient d’être clôturé.



Co-dirigé par Peter Stockinger et Alexandra Galitzine-Loumpet, il a réuni une équipe pluridisciplinaire de chercheurs issus des laboratoires Plidam (Inalco) et Cessma (Inalco / Paris Diderot / IRD), de l’université catholique de l’Ouest, de l’université de Porto et des membres du programme Non-lieux de l’exil, spécialistes en information et communication, en sémiotique, en anthropologie, géographie, langues et littérature, philosophie et esthétique. Son objectif était d’étudier la circulation, la diffusion et les modes de représentations d’images, d’objets de l’expérience migratoire dans les médias et réseaux sociaux. Force est en effet de constater l’omniprésence des images d’objets dans les médias à propos de la migration et des migrants. La diversité de ces représentations d’objets pose question et de la même façon le peu d’études consacrées jusqu’à présent à la culture matérielle de la migration.



Pourtant, les objets révèlent le corps et le parcours ; les savoir-faire et stratégies en contexte de pénurie et de marginalisation ; les usages sociaux ; l’attachement et la dépossession ; les pays d’origine, de parcours et d’arrivée ; l’économie du passage ; les formes de coercition et de contrôle institutionnels ; les dons et l’aide humanitaire ; les actions, engagements citoyens et les résistances, en premier lieu des exilé.e.s ; les conditions et les statuts des sujets ; les formes futures de la patrimonialisation et de la muséalisation des migrations actuelles. Leur mise en scène apparaît centrale, distinguant les objets en relation avec les sujets (portés, tenus, commentés) ou au contraire les images d’objets abandonnés aux frontières ou sur les plages ; les objets singularisés et isolés aux objets en tas ou en masse ; les objets utilisables des objets dégradés ou confisqués.



Ces représentations d’objets, dont la fonction est d’attester ou de dénoncer une présence, signalent ainsi une grande diversité de positions et d’appréciations complémentaires ou opposées. Singularisées, les représentations d’objets permettent une reconnaissance liée à une communauté d’usage de biens de consommation. Cette reconnaissance se construit parallèlement à une suspicion entourant la parole des personnes désignées comme « migrantes » soumises à un régime de la preuve dans la procédure de demande d’asile. Présentées en nombre, ces images d’objets renforcent une représentation de la « crise » migratoire et des politiques d’accueil, confortant un champ sémantique de l’urgence mais aussi d’un « flux » incontrôlable. Le glissement entre les migrants et les déchets est alors aisément opéré. Les études se sont intéressées à l’ambivalence de ces représentations croisées dans lesquelles un même objet porte un discours et des positions favorables ou hostiles selon les formes de monstration et de connotation, notamment dans le rapport entre images d’objets et textes ou chapô de presse.



Les membres de l’équipe ont chacun choisi un objet, emblématique ou rare, et en ont fait l’analyse. Ils ont étudié la fréquence des images d’objets genrés ou liés à l’âge -  jouets ou sacs à dos d’écoliers -, les associations entre catégories d’objets ou avec un lieu (camps, frontières, plages, centres) ; la substitution des objets aux corps des migrants ; les discours associés (des personnes en migration, des ressortissants des pays d’accueil) tels que relayés dans le paysage médiatique ; la manière dont ils renforcent et actualisent un topo du migrant et de l’étranger plus ancien.



Les résultats des travaux ont été présentés lors de trois journées d’étude et d’un colloque international de clôture (22-23 mai 2018), en collaboration avec différents partenaires académiques et associatifs. Deux publications sont en cours, la première en collaboration avec le Centre Espaces et écritures (université de Nanterre) aux presses universitaires de cette institution, la seconde en cours d’élaboration, des actes du riche colloque terminal. Enfin, le programme Migrobjets a mené une série d’entretiens audiovisuels auprès de chercheurs et d’acteurs travaillant auprès des migrants, autour d’un objet disponible dans une collection dédiée sur MediHal / AAI. Le programme a mis en place un observatoire de veille, publié des articles ou billets de blog et présenté ses travaux dans différents colloques et séminaires extérieurs. Le carnet de recherche dédié (https://migrobjets.hypotheses.org/) et une page facebook rendent compte de ces différents travaux.

 

Alexandra Galitzine-Loumpet